Václav Láska : « Je suis un fanatique des champignons »
« Láska je na houby » - tel est le titre tchèque du livre que son auteur Václav Láska a consacré aux champignons. L’auteur a choisi pour son livre un titre ambigu qui peut avoir deux significations différentes. Nous pouvons le traduire librement comme « Láska aime les champignons » ou bien « Láska ne vaut rien ». Le lecteur de son livre se rendra immédiatement compte que c’est la première traduction qui est correcte parce que l’auteur prouve à chaque page que la cueillette des champignons n’est pas pour lui un simple hobby, mais une véritable passion.
Une constante dans la vie
Václav Láska est sénateur, donc membre de la chambre haute du Parlement tchèque, mais au cours de sa vie il a exercé plusieurs professions. Il a été successivement policier, journaliste, avocat, président du conseil de gestion de l’ONG Transparency International et aujourd’hui il est connu comme un homme politique qui ne craint pas d’évoquer ouvertement certaines affaires épineuses que beaucoup de politiciens aimeraient ignorer. S’il y a une constante dans la vie de cet homme de plusieurs professions c’est son engouement pour les champignons. L’intérêt profond et passionné de Václav Láska pour ces petits organismes charnus qui poussent dans nos forêts, se matérialise aujourd’hui donc dans un livre paru aux éditions Pangea:
« Ce livre est différent parce que c’est un livre instructif et amusant. Je l’ai écrit dans un style populaire pour le grand public mais dans ce livre je décris aussi les champignons qui peuvent vous tuer. Ainsi la rédaction de la première partie du livre a été relativement difficile car je devais souvent consulter les mycologues pour éviter toutes les erreurs. Je voulais écrire un texte qui pourrait amuser les laïques mais dans lequel les mycologues ne trouveraient aucune faute. Et ce n’était pas facile. »
Quand un champignon comestible devient vénéneux
Conscient de sa responsabilité vis-à-vis de ses lecteurs, Václav Láska répertorie tout d’abord les variétés vénéneuses et notamment celles qui peuvent être facilement confondues avec les champignons comestibles. Il constate que notre approche des champignons évolue avec le temps et que même nos opinions sur la toxicité de certaines variétés ne sont pas les mêmes que par le passé :
« Je pense que cela concerne notamment les champignons qui étaient considérés comme comestibles et étaient vendus encore avant la guerre sur les marchés parce qu’ils étaient qualifiés et répertoriés comme comestibles, mais au cours des dernières années, il s’est avéré que ces champignons causaient des intoxications dont certaines se sont avérées mortelles. C’est par exemple le cas du gyromitre commun, du tricholome terreux - le petit-gris ou du tricholome équestre et d’autres variétés qui étaient cueillies massivement et qui sont aujourd’hui qualifiées de vénéneuses. Cette qualification n’est pas acceptée par les cueilleurs de champignons dans leur ensemble, c’est notamment le cas du petit-gris. Certains cueilleurs en mangent depuis quarante ans et se portent bien. Mais dans les atlas des champignons, il est aujourd’hui qualifié de vénéneux et sa consommation peut être mortelle pour certaines personnes. Les cueilleurs sont pourtant capables de se disputer violemment sur les réseaux sociaux pour savoir s’il faut consommer ce champignon ou pas. »
Dans la nature, dans la cuisine et dans la vie
Il est évident que ce cueilleur infatigable est devenu avec le temps un véritable connaisseur de l’objet de sa passion. Les connaissances de ce mycologue amateur forcent l’admiration. Il désire désormais partager son savoir avec les autres et cherche à présenter les champignons sous plusieurs angles de vue. Il a divisé son livre en trois parties intitulées Les champignons dans la nature, Les champignons dans la cuisine et Les champignons dans la vie. Dans cette dernière partie il démontre que toute sa vie est désormais rythmée par le cycle végétatif des champignons :
« Cela dépend de la saison. Quand il s’agit de la cueillette des champignons printaniers, j’ai toujours un objectif et un endroit concrets parce ces champignons sont plutôt rares. Ce sont des variétés spécifiques qui poussent à des endroits spécifiques. En été et en automne, vous pouvez chercher des champignons sans objectif concret et vous ramassez ce que vous trouvez. Au printemps, je cherche avec un objectif en tête, en automne j’y vais pour me faire plaisir. »
Eloge du verpe
Tandis que beaucoup de ramasseurs ne cherchent que les champignons à pores et se méfient des champignons à lames, Václav Láska prête au contraire une plus grande attention à cette deuxième catégorie souvent négligée mais où se trouvent ses champignons favoris. Il cueille évidement aussi des cèpes mais ses préférences vont à l’immense famille des champignons à lames qu’il sait trouver, préparer dans sa cuisine et déguster avec gourmandise. Dans le classement des dix meilleurs champignons qu’il établit dans son livre, il n’y a donc aucun bolet mais par exemple l’amanite rougissante. La reine des champignons au goût tout à fait exquis est pour lui la morille et notamment une variété qui lui ressemble beaucoup et s’appelle verpe :
« Les verpes sont pour moi une affaire de cœur. Pour les cueilleurs de champignons, la cueillette des verpes est une discipline royale. Ce sont des champignons qui poussent le temps d’une seule vague, très tôt au printemps, et ils exigent un substrat, un biotope et une humidité spécifiques. Comme ils poussent en une seule fois, il faut fixer exactement le moment de la cueillette. C’est donc une discipline royale et pour moi le moment où je me lance à la recherche des verpes marque la fin de l’hiver et le début du printemps. »
Un cueilleur fanatique et un cuisinier expérimentateur
Plusieurs chapitres du livre sont consacrés aux méthodes de préparation et de conservation des champignons, car Václav Láska ne se contente pas des recettes classiques. Outre le séchage des champignons, méthode connue de tous, il propose par exemple le fumage, la fermentation, la stérilisation dans les conserves maison, mais il prépare aussi des bouillons de champignons et écrase des cèpes séchés pour en faire des épices. « J’ai commencé comme un simple cueilleur, dit-il, et je suis devenu un cueilleur fanatique et un cuisinier expérimentateur. »
Pour Václav Láska la cueillette des champignons est donc une grande aventure, un art et une science qui exige d’importantes connaissances encyclopédiques. Il constate :
« En ce qui concerne les champignons désignés par les mycologues comme macromycètes, c’est-à-dire ceux qui créent de grandes fructifications à la différence des fonges et des microbes, on estime, si je ne m’abuse, qu’il y en a 4000 à 6000 variétés en République tchèque et en Europe centrale. De toute façon il y en a des milliers. Moi, personnellement je suis capable d’identifier 300 à 500 variétés. »
La grande aventure
Aujourd’hui Václav Láska se trouve face à un dilemme. Il aimerait beaucoup partager ses connaissances avec les autres, mais il se rend compte aussi que la cueillette excessive peut nuire aux champignons dont certaines variétés sont en voie de disparition. Comme chaque cueilleur passionné, il rechigne à révéler les endroits de ses meilleures cueillettes. Et pour garder secrets les endroits où poussent les verpes, il refuse tout compromis. Déguisé sous un anorak à capuchon et avec des lunettes noires pour ne pas être reconnu par d’autres cueilleurs, il se lance dans des sous-bois touffus et dans des buissons épineux pour chercher son champignon préféré. Epuisé, égratigné mais victorieux, il dissimule ensuite sa cueillette au fond de son panier et amène secrètement et jalousement le champignon royal dans sa cuisine.
