Presse : il y a dix ans, Václav Havel disparaissait
Dix ans après son départ, Václav Havel, dramaturge et ancien président, est-il toujours présent dans son pays? Une question que cette nouvelle revue de presse soulève et à laquelle elle fournit également quelques éléments de réponses. Elle se penche ensuite sur la décision surprise du président Miloš Zeman de nommer au complet le gouvernement de Petr Fiala. Une observation également au sujet de la mauvaise façon de penser et de ses retombées en temps de crise. Quelques mots, enfin, sur la gestion actuelle de l’épidémie de coronavirus en Tchéquie.
Il y a cinq ans, lors des célébrations de commémoration de la révolution de Velours de 1989, le Musée national de Prague situé en haut de la place Venceslas avait mis sur sa façade une photo géante de son principal héros, accompagnée de l’inscription « Havel à jamais ». Un événement qui ne va pas se reproduire à cet endroit à l’occasion du 10ème anniversaire du décès du plus célèbre des dissidents tchèques devenu président. Selon la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt, cette différence illustre en quelque sorte la présence de Václav Havel dans l’espace public. Il ajoute cependant :
« Le sort de la photo iconique ne prouve pas pour autant que Havel ait entièrement disparu de notre vie publique. En dépit des contraintes pandémiques, les événements organisés ces jours-ci en son hommage – débats, expositions, concerts, programmes télévisés – et qui sont dignes de son nom en disent long. »
Le magazine rappelle que le nom de Havel a également servi de référence lors des campagnes précédant les dernières élections législatives tenues au début d’octobre. Ceci notamment grâce à Vít Rakušan, leader du mouvement STAN, qui a adressé sur les réseaux sociaux une lettre personnelle à l’ancien président tchèque, afin de lui exprimer son admiration.
« Les gens qui se réfèrent aujourd’hui à Václav Havel expriment en premier lieu leur soutien aux principes de la démocratie et de la liberté », peut-on lire dans un texte publié sur le site echo24.cz qui précise :
« Ce deuxième principe est plus pertinent, car durant ses années décisives, Havel ne prônait pas toujours la démocratie parlementaire classique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, en mettant l’accent sur la société civile. Mais ce qui demeure valable pour toute la vie de Havel, c’est son engagement personnel pour la liberté et pour différentes opinions minoritaires qui, parfois, n’étaient pas appréciées par tout le monde ».
Une chroniqueuse du quotidien Lidové noviny constate que pendant cette dernière décennie, qui s’est écoulée sans lui, la présence de Václav Havel s’est fait sentir notamment dans le domaine culturel :
« C’est un auteur qui n’a de cesse d’inspirer. Par ailleurs, il est le dramaturge tchèque le plus présent sur les scènes internationales. Outre le fait que ces pièces de théâtre soient toujours jouées, Havel est devenu le protagoniste de films et de créations théâtrales qui lui sont consacrés. »
Le feu vert au nouveau cabinet de Petr Fiala
« Un nouveau conflit inutile entre le Premier ministre et le président de la République est derrière nous. » Un constat dressé par un commentateur du site aktualne.cz après la décision du président Miloš Zeman de nommer, ce vendredi, le nouveau cabinet de Petr Fiala au complet, et ce malgré son opposition initiale à la candidature du pirate Jan Lipavský au poste de chef de la diplomatie. « Mais combien de tels combats nous attendent-ils encore avant que la constitution ne subisse une modification ? », s’interroge-t-il, avant de mettre l’accent sur la nécessité de définir plus précisément les compétences présidentielles avant même l’accès au pouvoir du successeur de l’actuel président :
« L’élection présidentielle au suffrage universel va probablement persister. Il y a pourtant lieu de définir clairement les lignes du champ d’action du chef de l’Etat... On peut se féliciter de la victoire de Petr Fiala et de ce que la Tchéquie demeure en accord avec ce que stipule une république parlementaire. Mais le combat pour son aménagement ne s’arrête pas là. »
Selon le journal DeníkN, sa victoire a permis à Petr Fiala de redéfinir les futurs rapports entre le Château (le siège présidentiel) et le gouvernement. « Son cabinet aura une position beaucoup plus forte par rapport à celle du gouvernement sortant d’Andrej Babiš », souligne-t-il.
A ce propos, le journal en ligne Forum 24 est plus prudent :
« Comme le président Zeman est dans une situation de conflit lié à la candidature d’un des ministres perdant, il cherchera de nouvelles occasions pour rattraper sa défaite et pour montrer – d’ici la fin de son mandat présidentiel, en mars 2023 – qu’il est le principal acteur de la scène politique et celui qui a le dernier mot. Il existe en effet différentes manières d’attaquer le nouveau cabinet et d’initier des conflits. »
La pandémie de la mauvaise façon de penser pire que celle de Covid
La pandémie causée par le coronavirus, qui nous affecte depuis de longs mois, n’est pas l’unique pandémie, et encore moins la pire et la plus dangereuse. A l’arrière-plan, on voit s’établir une pandémie de mauvaise façon de penser, qui est dissimulée mais omniprésente, discrète et influente. Un avis exprimé par l’auteur d’une réflexion publiée dans le quotidien économique Hospodářské noviny, qui explique :
« Très souvent, on ignore son existence, mais sans ce phénomène, notre réaction au Covid-19 serait plus raisonnable, plus responsable et plus efficace. Le taux de vaccination serait élevé et les conséquences négatives de la maladie minimisées. La mauvaise façon de penser, dont l’étendue et la gravité ont été dévoilées grâce à l’actuelle situation pandémique, ne porte d’habitude aucun préjudice, mais lorsque de graves problèmes surgissent, elle se transforme en tsunami aux effets dévastateurs. L’absence d’outils permettant de faire une distinction entre l’opinion et le savoir en serait l’un des principaux symptômes ».
Le publiciste fait état de ce qu’un jour, la pandémie de Covid-19 prendra fin grâce aux connaissances des scientifiques. Pourtant, cette autre pandémie, qui est plus grave, continuera de nous accompagner :
« Elle ne reflète pas seulement l’affaiblissement de l’immunité de la pensée des individus, mais aussi celui de l’ensemble de la société. Par conséquent, celle-ci n’arrivera pas à relever d’une manière critique et raisonnable les défis qui nous attendent. Comme on a du mal à bien gérer la pandémie, on ne pourra pas non plus affronter efficacement les problèmes du changement climatique. Le temps qui nous reste pour lutter contre la pandémie de mauvaise façon de penser est pourtant fort limité. »
Le coronavirus face à l’indifférence des politiques
Concernant la situation pandémique en Tchéquie, l’auteur d’une note publiée dans le quotidien Deník la compare à la manière dont elle est gérée en Autriche, un pays voisin récemment pareillement affecté :
« On peut croire que tant les Autrichiens que les Tchèques vont survivre à la période de Covid. Seulement, le nombre de ces derniers risque d’être nettement plus faible ».
« Grâce au confinement que l’Autriche a mis en place pendant trois mois, elle a réussi à réduire considérablement le nombre de personnes contaminées et à augmenter l’intérêt pour la vaccination. En Tchéquie en revanche, la tendance est à la conviction que le Covid va finir par partir tout seul. Tandis que le cabinet sortant d’Andrej Babiš fait tout simplement semblant de faire quelque chose, le nouveau cabinet de Petr Fiala rejette la décision de ce dernier de décréter une vaccination obligatoire pour les gens de plus de 60 ans. C’est par le biais de la persuasion qu’il entend faire accepter les vaccins contre le Covid-19 aux Tchèques. »
Le journaliste estime que les résultats de cette approche se font déjà voir, car la volonté des gens de se faire vacciner a considérablement diminué. Et de conclure sur un ton alarmiste :
« On peut croire que tant les Autrichiens que les Tchèques vont survivre à la période de Covid. Seulement, le nombre de ces derniers risque d’être nettement plus faible ».