Vivre avec un alcoolique
Elle est partie de Tchécoslovaquie à l'âge de dix ans et, aujourd'hui, elle revient dans son pays pour y présenter son roman qui a remporté un grand succès en Suède. Dans ce livre, l'écrivaine suédoise d'origine tchèque Katerina Janouchova raconte avec beaucoup de franchise sa vie de couple avec un alcoolique.
"Quand j'avais dix ans, nous avons quitté la Tchécoslovaquie parce que mon père était engagé politiquement. Nous ne pouvions pas rester ici, alors nous avons émigré et mon père a obtenu l'asile politique en Suède. Pour moi, ce fut un choc, parce que je n'arrivais pas à comprendre ce que c'était de ne pas pouvoir revenir dans mon pays. Je me sentais coupée de tout. Mais je crois que j'ai réussi à m'acclimater assez rapidement. Les enfants s'acclimatent assez vite."
Aujourd'hui, Katerina Janouchova est une journaliste très demandée qui se spécialise dans les problèmes familiaux et sexuels, et qui s'impose de plus en plus aussi dans le monde littéraire. Elle est venue présenter à Prague la traduction tchèque de son roman intitulé "L'homme le plus proche".
"C'est un roman qui est né de mes propres expériences, de ma vie avec un alcoolique et toxicomane, dit l'auteure. Toutes les sensations et beaucoup de situations de ce roman, je les ai vraiment vécues. On peut donc dire qu'il est autobiographique à 60 %. En Suède, l'alcoolisme est un grand problème. Selon les statistiques, quelque 200 000 enfants vivent dans des familles où au moins l'un des deux parents boit et est dépendant de l'alcool, mais je crois qu'en réalité ce chiffre est beaucoup plus élevé car il s'agit d'une maladie qui est très souvent cachée. En écrivant ce livre, j'ai voulu attirer l'attention sur cela parce que j'ai l'impression que les gens sont très seuls avec ces problèmes, qu'ils ont honte et que c'est très difficile pour eux de parler de ces choses-là. Et je voulais leur donner du courage pour se lever et dire: « Voilà, c'est aussi ma vie ! ». J'ai reçu des centaines de lettres de gens qui se reconnaissent dans l'histoire et qui pensent que j'ai décrit leur propre vie. Cela me fait un grand plaisir parce que je voix que ces gens ont trouvé du réconfort dans mon roman. Mais on peut également le lire même si on n'a pas ce genre de problèmes. C'est le roman qui porte sur la vie quotidienne d'une famille qui n'est pas comme les autres."
Le lecteur suit la vie d'un couple, d'une famille qui dispose au début de toutes les conditions pour être heureuse, mais qui commence à se désagréger. Un jour, la femme, Marisa, un autoportrait à peine voilé de l'auteur, doit se rendre à l'évidence : son mari Rickard est alcoolique. Cet homme sympathique et affectueux, qu'elle aime beaucoup, subit peu à peu une terrible transformation et devient une épave humaine. Au début, Rickard réussit encore à cacher son vice et pendant longtemps son entourage ne soupçonne pas que l'alcool est son maître. Le livre décrit minutieusement toutes les étapes de cette chute dans laquelle l'homme entraîne sa femme et ses enfants. Aux côtés de son mari, Marisa développe, elle aussi, une dépendance, une déformation psychique. Son angoisse, la honte de son mari et d'elle-même se traduisent chez elle, entre autres, par une hypersensibilité à toutes les manifestations de l'alcoolisme de Rickard. Elle le suit, le guette, l'espionne et la vie du couple devient un enfer.
En Suède, le livre a connu un grand retentissement. Il s'est avéré que le problème évoqué est un sujet brûlant donton parle peu et que les livres qui lui sont consacrés sont rares, sinon inexistants. Katerina Janouchova déplore qu'un tel livre n'existait pas au moment où elle souffrait le plus de l'alcoolisme de son époux. S'il avait existé, il l'aurait aidée à surmonter cette période difficile de sa vie et lui aurait démontré comment se prémunir.
350 000 exemplaires de ce livre ont été vendus en Suède et le livre a été traduit en plusieurs langues. "Jusqu'à présent, le livre est paru aussi en Finlande, en Norvège, au Danemark et en République tchèque, dit Katerina Janouchova. Il est traduit aussi en anglais et mon agent cherche un éditeur aux Etats-Unis. On l'a donc traduit pour l'instant en cinq langues. Je n'ai pas voulu le traduire moi-même en tchèque. J'ai préféré que ce soit quelqu'un d'autre, que le traducteur garde une certaine distance. Il fallait aussi que le traducteur connaisse bien la langue tchèque actuelle, mon tchèque étant resté un peu enfantin, parce que je suis partie de Tchécoslovaquie quand j'avais dix ans. J'ai donc préféré quelqu'un qui connaît bien le tchèque moderne."
Le livre retrace une chute dans l'abîme, mais il montre aussi les possibilités de s'en sortir et finit sur une note d'espoir. A la fin, après plusieurs tentatives de désintoxication et de nombreuses rechutes, Rickard finit par vaincre son démon, se délivre de son alcoolisme et de sa toxicomanie, et revient à la maison. Une nouvelle étape de la vie commence, une vie difficile avec un alcoolique abstinent, mais une vie où le bonheur est de nouveau possible. Et Katerina Janouchova avoue que ce dénouement optimiste n'est pas une fiction mais qu'elle l'a vécu elle-même avec son mari.
Aujourd'hui, elle vit avec lui et ses cinq enfants à Stockholm, elle est donc mère d'une grande famille, mais elle poursuit aussi son travail de journaliste et ne néglige pas non plus sa vocation d'écrivain. On se demande comment elle réussit à trouver le temps nécessaire pour toutes ces activités. "Mon mari et moi, nous partageons les soins de la famille, bien qu'il travaille beaucoup, lui aussi. Et puis il y a ma mère qui est très gentille et qui m'aide beaucoup. En plus, j'ai une attitude positive et optimiste par rapport à la vie. Je dois dire que le travail m'amuse, c'est mon hobby. Quand il y a de l'intérêt, quand on aime beaucoup ce qu'on fait, je crois qu'on trouve toujours le temps pour le faire. Mais, bien sûr, mes enfants protestent parfois lorsque je reste longtemps devant mon ordinateur, que j'écris ou que je suis sur internet pour répondre à des questions. Ils me disent alors : "Maman, s'il te plaît, laisse tomber et viens bavarder avec nous." Alors, parfois, j'ai mauvaise conscience ..."