Vladimír Šmicer : « L’argent n’est pas tout dans le foot »
Il y a trois ans seulement de cela, le Slavia Prague, battu sans gloire à Ostrava lors de la dernière journée, n’avait dû son maintien dans l’élite du football tchèque qu’aux contre-performances des équipes concurrentes. Le doyen des clubs du pays, insolvable et en état de mort clinique, était alors plongé dans une grave crise sportive et financière. Certaines fins de mois étaient compliquées pour les joueurs, dont les salaires étaient rarement versés en temps voulu. Le rachat du club, en septembre 2015, par le groupe d’investissement chinois CEFC a totalement modifié la donne. Et samedi dernier, ce nouveau Slavia « made in China » a été sacré champion de République tchèque. Pour la dix-huitième fois de son histoire et la quatrième depuis la partition de la Tchécoslovaquie. A l’issue de la victoire décisive contre Brno (4-0), Vladimír Šmicer, sacré trois fois champion durant sa carrière avec le Slavia, s’est confié au micro de Radio Prague. Aux premières loges pour assister au sacre, l’ancien Lensois et Bordelais porte un regard très lucide et pragmatique sur le renouveau du club de son cœur.
Vladimír, voici donc le premier titre du Slavia depuis huit ans. Ce sacre vous semble-t-il logique et mérité ?
« Oui, dans la mesure où le Slavia a quand même réalisé une série d’invincibilité de vingt-cinq matchs (le Slavia n’a subi qu’une défaite en championnat durant la saison ; à Plzeň (1-3) lors de la 5e journée en septembre dernier, nldr). Le changement d’entraîneur après la 5e journée a donné une nouvelle impulsion à l’équipe, qui a commencé à joueur au niveau auquel on l’attendait, ce qui n’était pas le cas en début de saison. A la fin, je pense que ce titre de champion est vraiment mérité. »Avec l’argent chinois, les choses vont quand même beaucoup mieux dans le football…
« Oui, on voit bien en Angleterre ou en France par exemple toute l’importance de l’argent et des investissements étrangers. Mais avoir l’argent n’est pas tout. Il faut aussi savoir le dépenser à bon escient et recruter des joueurs qui vous apportent quelque chose. Sur ce point, je pense que le Slavia a réalisé de bons transferts, même s’il y a eu aussi quelques échecs. Les dirigeants ont su construire une équipe qui marche bien, et voilà le résultat. »
« Les clubs tchèques doivent recruter aussi à l’étranger »
Le jeu pratiqué par le Slavia cette saison vous a-t-il plu ?
« Je pense que nous avons encore beaucoup de réserves. Le titre arrive peut-être même un peu trop tôt. Je ne m’y attendais pas vraiment, précisément en raison de la qualité du jeu. Il va désormais falloir trouver des joueurs pour améliorer et renforcer cela. C’est une nécessité. Le style de jeu cette saison était très physique et direct avec de longs ballons un peu comme en Angleterre. L’équipe a besoin de plus de créativité et d’une meilleure conservation du ballon. Ce sera indispensable pour espérer quelque chose en coupes d’Europe, d’autant plus en Ligue des champions. »
D’accord, mais où trouver ces joueurs en République tchèque ?
« C’est difficile, car sur le marché, le Slavia, le Sparta et Plzeň cherchent les mêmes types de joueurs. Il faut donc se tourner vers l’étranger. L’argent chinois offre des possibilités. Pourquoi ne pas chercher en Espagne ou en France, même des joueurs de temps à autre de deuxième division ? Le Slavia en a fait l’expérience il y a quelques années avec Tijani Belaid et Mickaël Tavares. C’étaient des joueurs pratiquement inconnus à leur arrivée, mais ils ont fait un super boulot et le Slavia a été deux fois champion avec eux. »En début de saison, le Slavia s’était fait sortir par Anderlecht (deux défaites 0-3) en barrages de la Ligue Europa… Quand on pense aux préliminaires de la Ligue des champions en début de saison prochaine, on se dit donc que se qualifier pour la phase de groupes risque d’être très, très compliqué.
« C’est clair. Mais cela est compliqué pour tous les clubs tchèques. Le niveau européen, c’est autre chose que le championnat tchèque. Mais il faut essayer. Ce titre va donner au club de la motivation supplémentaire. Il n’y a pas de secret, la réussite passe par beaucoup de travail. Mais il est évident que dans l’état actuel des choses, le Slavia n’est pas encore à un niveau suffisant pour être compétitif sur la scène européenne. Les chances de qualification sont minces. Il faudra voir le mercato et les transferts qui seront réalisés. Ce sera une des clefs. S’il n’y a pas trop de départs et que des joueurs intéressants arrivent, nous aurons plus de chances. »
« Deli et Ngadeu ont apporté une dimension physique »
Peut-on affirmer que le Slavia est champion aussi parce que le Sparta, surtout, et Plzeň à une moindre échelle ont été décevants cette saison ?
« Oui, le Sparta a clairement déçu. Mais Plzeň termine deuxième avec un total de 67 points, c’est quand même pas mal. Quand nous avons été sacrés champions en 2008-2009, nous avions moins de points que cela. OK, Plzeň a raté quelques matchs en fin de championnat, mais cela reste une bonne équipe. »Un mot sur Simon Deli et Michael Ngadeu : qu’ont-ils apporté au Slavia ?
« Ils ont apporté un certain équilibre à l’équipe. Surtout, ils sont très forts physiquement. Ajoutons à cela la qualité technique de Simon pour un défenseur central. Je pense qu'il a été un des meilleurs joueurs du championnat tchèque cette saison. Avec Michael devant lui dans l’entrejeu, ils ont constitué une paire vraiment très costaud. Cette dimension physique a fait qu’il était très difficile pour les autres équipes d’attaquer dans l’axe du terrain, car il fallait les passer. »
On les imagine mal être encore au Slavia la saison prochaine…
« On verra, mais j’espère qu’ils resteront, car ils sont vraiment très importants pour l’équipe. »