Vrbětice : en Bulgarie, un businessman, des explosions similaires et des „coïncidences troublantes“

Emilian Guebrev

Emilian Guebrev est un homme d’affaires bulgare dont il est beaucoup question à Prague en ce moment. Sa société EMCO et lui ont livré des informations contradictoires depuis les révélations du gouvernement tchèque le 17 avril sur l’implication du GRU russe dans les explosions de Vrbětice en 2014. Pour parler sur notre antenne de ce marchand d’armes, Alexandre Lévy, correspondant à Sofia du journal Le Temps et de Courrier international :

« Emilian Guebrev se veut être un marchand d’armes un peu à l’ancienne. On le voit très rarement en costume, on le voit en chemise à carreaux et il aime se présenter comme un grand-père, on le voit faire du vélo avec ses petits enfants. C’est aussi un monsieur qui parle beaucoup depuis peu, soit seul soit par le biais de son entreprise EMCO, pour essayer d’expliquer son implication ou sa non-implication dans l’affaire de Vrbětice. »

Vrbětice | Photo: Roman Verner,  ČRo

Les informations fournies sont parfois contradictoires : d’abord un démenti sur la destination finale du matériel militaire qui n’aurait pas été l’Ukraine, puis un revirement et un e-mail cité par le New York Times ce week-end dans lequel Emilian Guebrev confirmait lui même que le client final était en Ukraine…

« Et depuis il y a encore eu un nouveau démenti. Est-ce qu’on peut croire un marchand d’armes ? A t-il un agenda caché dans ses commandes et relations avec l’Ukraine, la Russie et d’autres clients ? On ne le saura pas… Mais il a tenu à dire deux choses aux autorités tchèques : d’abord qu’une partie de ces armes et munitions entreposées à Vrbětice lui appartenait et ensuite que ces armes et munitions n’étaient pas destinées à l’Ukraine. Il a donc démenti ce qu’il avait indiqué au New York Times. Il a admis avoir envoyé des armes à l’Ukraine après 2014, en quantité infime, mais pas depuis la République tchèque. »

Sait-on avec qui il a conclu un contrat ?

Photo illustrative: Department of Defense employee,  Wikimedia Commons,  public domain

« Non, absolument pas et il ne tient pas à le communiquer. Si on sait que ces armes étaient destinées à l’Ukraine – ce qui pourrait expliquer des représailles russes – ce sont surtout par des sources ukrainiennes, des hauts responsables ukrainiens sous couvert d’anonymat, qui ont dit que des armes venaient de Bulgarie ou parfois de Tchéquie et étaient vendues par un marchand d’armes bulgare. Ils ont également précisé que pour ne pas attirer l’attention, les caisses avaient été étiquetées comme étant destinées à la Thaïlande et non à l’Ukraine. »

« Emilian Guebrev a toujours démenti ces informations, en disant qu’il était un 'marchand d’armes respectable' qui n’utilisait pas ce genre de subterfuges. Il reste très ambigu comme personnage. Dans le même mouvement, il n’arrête pas de louer l’action des autorités tchèques et est très critique à l’égard du gouvernement bulgare de Boïko Borisov, auquel il reproche sa timidité vis-à-vis de la Russie et son manque de réaction. Emilian Guebrev, victime à deux reprises d’une tentative d’empoisonnement, est persuadé que ce sont des agents du GRU russe qui était à la manœuvre. Mais il dit que ce n’est absolument pas à cause de ses activités de marchand d’armes à destination de l’Ukraine… »

Emilian Guebrev explique t-il alors pourquoi il serait la cible des services de renseignement russes ?

« Non, il ne le dit pas. En même temps, on peut supposer que parmi ses clients il n’y a pas que l’Ukraine : peut-être des rebelles syriens, peut-être l’Afghanistan, peut-être même l’Inde – des 'chasses gardées' de la Fédération de Russie. »

La rédaction bulgare de Radio Free Europe a comptabilisé un certain nombre d’explosions inexpliquées en Bulgarie dans des dépôts de matériel militaire comme cela a été le cas à Vrbětice et à la même période, avec beaucoup de victimes…

Le siège du GRU à Moscou  | Photo: Гагыдза,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

« Oui, six explosions exactement entre mars 2014 et mars 2015 avec 16 voire 17 victimes en tout selon mes calculs. Il y a très peu d’informations là-dessus et s’il y a eu des enquêtes elles ont été rapidement classées sans suite. Ce qui est troublant – on parle pour l’instant de coïncidences troublantes – est qu’à la date de ces explosions (quatre en 2014 et deux en 2015) il y a des séjours présumés d’agents russes du GRU sur le sol bulgare, mis en évidence par des investigations dont celle du site anglais Bellingcat, comme cela a été le cas en Tchéquie au moment de l’explosion de Vrbětice. Avec les noms de Vladimir Moiseev, Denis Sergueiev ou encore Serguei Lutenko, connus pour être des membres de l’unité du GRU dont certains sont officiellement recherchés par le parquet bulgare pour une tentative de meurtre sur Emilian Guebrev. »