Zazie au théâtre

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« Doukipudonktan », se demanda Gabriel excédé." Vous souvenez-vous de cette phrase célèbre par laquelle s'ouvre le roman "Zazie dans le métro" de Raymond Queneau? Dès la première ligne, le ton est donné et le lecteur, ébahi et ravi, se trouve dans un Paris transfiguré par l'humour dévastateur de Queneau, en compagnie d'un petit être insupportable et irrésistible à la fois, Zazie, une petite fille de province venue visiter la capitale. Queneau a peuplé son roman de toute une pléiade de personnages burlesques et a élevé leur parler très populaire au niveau de la langue littéraire. Ces gens pittoresques courent à travers les rues parisiennes à la poursuite de Zazie qui se moque d'eux, les choque par des mots grossiers et ne veut voir qu'une seule chose, le métro, ce qui, à son grand désespoir, n'est pas possible, car le métro est en grève. Le roman est sans doute l'oeuvre la plus célèbre de son auteur. En 1960, il a été porté à l'écran par Louis Malle. Et beaucoup plus récemment, il a également tenté Jolana Kubickova, étudiante de l'Académie de théâtre de Brno, qui a osé son adaptation pour le théâtre. La pièce tirée du roman, dont Jolana Kubickova a signé la mise en scène, est aujourd'hui au répertoire du théâtre Disk à Prague. Invitée dans notre studio, Jolana Kubickova a parlé de cette entreprise réussie.

Pour ma génération, « Zazie dans le métro » était un livre-culte. Qu'est-ce que Zazie signifie pour vous?

« D'abord, j'ai vu le film de Louis Malle et puis j'ai lu le bouquin. Ce qui m'a frappé, c'était une certaine différence d'ambiance entre le film et le livre. En lisant le bouquin, j'avais l'impression d'une certaine tristesse, sous le texte. J'avais une autre vue de ce texte et c'est pour cela que je voulais faire ce spectacle."

Est-ce que vous vous êtes quand même laissée inspirer par le film ou, au contraire, vous avez évité toute influence de cette sorte?

"Je l'ai vu il y a à peu près cinq ans, quand il est passé à la télévision tchèque. Il m'a beaucoup plu ..."

... et c'est dès ce moment-là que vous vous êtes rendu compte qu'on pourrait en faire une adaptation?

"Non, pas du tout. Mais maintenant, avant les répétitions, je ne l'ai pas revu parce que je sais justement que cela peut influencer beaucoup. Je savais aussi qu'on ne pouvait pas faire la même chose, et que les moyens cinématographiques et les moyens de théâtre sont différents. Donc, je n'ai pas voulu me laisser influencer. J'avais une impression du film et je savais qu'il fallait choisir aussi d'autres milieux que ceux dans le bouquin, faire ressortir tout ce qui est théâtral dans le texte et laisser de côté ce qui pourrait être intéressant pour le cinéma, par exemple toutes ces ballades à travers la ville. On a du minimaliser cela parce qu'on n'a pas la possibilité de couper comme dans le film et les changements de milieu ne peuvent pas aller aussi vite."

Il y a donc chez Queneau une certaine nostalgie, une certaine tristesse, comme vous dites, mais il y a aussi beaucoup d'humour. Ce livre joue avec la langue, il se moque de certains tabous, et emporte le lecteur grâce à son humour libérateur. De tout cela, qu'est-ce qui était important pour vous ? Quels aspects désiriez-vous souligner en adaptant le livre pour le théâtre?

"Ce qui est important pour moi, ce n'est pas seulement la réalité. Queneau, comme on le sait, a commencé comme surréaliste, dans les années vingt, et il y a beaucoup d'éléments qu'on pourrait appeler surréalistes. C'est toujours bien au théâtre quand il y a deux niveaux - le réel et le surréel, le rêve. On travaille donc avec le rêve. "

Il y a également un certain mystère qui plane sur tout le livre...

"Il joue aussi avec les mots et la langue. Queneau utilise les transcriptions phonétiques et je dirais que la langue est "parlée" même si c'est un texte écrit. Et c'est aussi bien pour le théâtre que pour le film. Le livre contient beaucoup de dialogues directs, donc la transcription dans un scénario pour le cinéma ou pour le théâtre n'est pas difficile. Et puis il y a aussi les changements d'ambiance entre le grotesque et le tragique, ce qui est bien pour le théâtre."


Au moment de sa création, certains passages de ce livre et surtout les propos de Zazie ne manquaient pas d'effets choquants sur le public. Bien sûr, aujourd'hui, les lecteurs sont beaucoup plus endurcis et ne se laissent plus choquer par ce genre de chose. Par quoi peut-on remplacer cet effet choquant aujourd'hui?

"Ce qui reste choquant, c'est ce contraste entre une petite fille et le monde des adultes. C'est sa vision de Paris et son langage qui, à première vue, peut paraître choquant, mais pour moi cela contient aussi une certaine forme de poésie. Pour moi, c'est elle qui dénomme notre absurdité."

De quels moyens visuels dispose un metteur en scène pour rendre, pour traduire l'univers burlesque de Queneau? Vous avez utilisé la danse, le chant et beaucoup d'autres choses ...

"Nous avons voulu profiter du fait que ce sont des acteurs très jeunes de l'Académie de théâtre, ils ont autour de vingt, vingt-deux ans. On a profité de cette énergie, de cette jeunesse justement pour le côté chant et danse. On a composé quelques poèmes et on a pris aussi quelques poèmes de Raymond Queneau pour en faire des chansons qui font partie du spectacle. "

Vous en avez donc fait une espèce de comédie musicale. On a remarqué bien sûr vos comédiens. Qui sont ces comédiens?

"Les élèves de l'Académie de théâtre ici, à Prague, de la section de théâtre alternatif. C'est à dire qu'ils travaillent avec des marionnettes, ils font du théâtre non verbal, de la pantomime, font beaucoup de musique. C'est pourquoi on a choisi ce texte qui n'est pas psychologique."

En assistant à votre spectacle, j'avais l'impression que les comédiens s'identifiaient avec votre conception de la pièce. Dans quelle mesure ils ont collaboré avec vous? Est-ce qu'ils ont ajouté, eux aussi, leurs trouvailles scéniques à votre conception?

"Au début, c'était difficile parce que je ne fais pas partie de cette académie, j'étudie à Brno, donc, au début on ne se connaissait pas du tout et il fallait trouver un code de communication. Mais je crois qu'au fur et à mesure, on a su trouver une façon de travailler en commun. Ils m'ont beaucoup aidée par des études d'improvisation. Moi, j'avais une vue d'ensemble, mais beaucoup de petits trucs, on les a fait sur place. Même le texte. Il y a beaucoup de blagues qui sont inventées par les acteurs. "

Est-ce que vous avez été satisfaite, en tant que metteur en scène, du résultat de votre travail?

"Il y a quelque chose qui vaut la peine d'avoir été fait."

Je crois que le public l'a trouvé aussi et il l'a beaucoup apprécié.

"Ce qui est aussi important pour moi, c'est de savoir que les acteurs aiment bien, qu'ils ont une certaine joie à pouvoir faire ce spectacle, qu'il y a une certaine énergie qui est très positive. Je suis également contente d'avoir rencontré la scénographe (Hana Roubickova), pour moi c'était quelqu'un d'inconnu et je crois qu'on s'est bien compris ; et la même chose m'est arrivée avec Zdenek (Kral), auteur de la musique. Je crois donc que même pour le futur cela pourra être utile."