A Moscou, le président tchèque se pose en représentant de l’Union européenne

Photo : ČTK

Si les commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale ont lieu en Europe et aux Etats-Unis le 8 mai, jour férié dans la plupart des pays, ce n’est pas le cas en Russie, qui célèbre la capitulation de l’Allemagne nazie le 9 mai. Et pour ce 70e anniversaire, les autorités russes n’ont pas lésiné sur les moyens, avec un défilé militaire grandiose dans les rues de Moscou. Une parade que n’a pas vue le président tchèque Miloš Zeman, un des rares chefs d’Etat occidentaux à avoir répondu présent à l’invitation de Vladimir Poutine, et ce en dépit de la controverse que cette visite a suscitée à Prague.

Défilé des troupes,  photo : ČTK
Défilé des troupes, de près de 200 chars et autres véhicules militaires, spectacle aérien mettant en scène quelque 150 avions de chasse… Les commémorations des 70 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale à Moscou avaient un petit air de déjà-vu pour tous ceux qui ont connu les défilés militaires sous l’ère soviétique. Aussi impressionnant soit-il, ce spectacle, le président tchèque n’y a donc pas assisté. S’il s’est bel et bien rendu à Moscou pour les célébrations du 9 mai, s’il a bien rencontré son homologue russe, Miloš Zeman a néanmoins dû renoncer à s’asseoir à la tribune des chefs d’Etat.

Vladimir Poutine et Miloš Zeman,  photo : ČTK
A Prague, début avril, l’annonce de cette visite de Miloš Zeman, seul chef d’Etat européen avec le président chypriote à avoir accepté l’invitation de Vladimir Poutine, avait suscité une polémique qui était allée bien au-delà des cercles politiques locaux. Andrew Shapiro, l’ambassadeur des Etats-Unis à Prague, s’était ainsi étonné publiquement de savoir Miloš Zeman prêt à se rendre aux célébrations, alors que la plupart des dirigeants occidentaux avaient décidé de boycotter l’événement en raison du soutien de Moscou aux séparatistes pro-russes en Ukraine, préférant envoyer leurs chefs de gouvernement ou des ministres. La déclaration d’Andrew Schapiro sur un plateau de la Télévision tchèque avait suscité l’ire du président Zeman qui, en représailles, a décidé de fermer les portes du Château de Prague à l’ambassadeur américain. Pour certains commentateurs pragois, le président tchèque aurait dû s’abstenir de cette visite en Russie, comme le souligne Tomáš Klvaňa :

Tomáš Klvaňa,  photo : ČT
« Cette polémique aura au moins eu un point positif : on a enfin commencé à débattre de la fin de la Seconde Guerre mondiale, de ce que cela signifie pour nous aujourd’hui et ce que cette visite du président à Moscou signifie pour la République tchèque. Je fais partie de ceux qui le critiquent à cet égard. Je pense qu’il n’aurait pas dû y aller, même dans cette version réduite. Il aurait dû être solidaire de la Slovaquie, de l’UE et des Etats-Unis, nos alliés. S’il fallait vraiment quelqu’un, il fallait envoyer le Premier ministre Bohuslav Sobotka. »

Finalement, la visite de ce week-end du président Zeman a été le fruit d’un compromis : visite oui, défilé non. Objectif premier affiché : rencontrer des anciens combattants tchèques et russes qui, ensemble, ont concouru à la libération de la Tchécoslovaquie et rendre hommage aux soldats tombés au combat :

Robert Fico,  photo : Xmetov,  Wikimedia CC BY-SA 3.0
« Je suis venu ici pour m’incliner, muni de ma petite canne, devant les 20 millions de soldats morts qui ont libéré la Tchécoslovaquie, mais pas seulement notre pays. »

En marge du défilé, le chef de l’Etat tchèque s’est entretenu avec le Premier ministre slovaque Robert Fico, également présent, à propos du développement des infrastructures de transport entre les deux pays. Après cette rencontre, le chef du gouvernement slovaque a précisé que leur discussion avait porté notamment sur la connexion des rivières Morava et Váha qui devraient être reliées au corridor nautique Danube-Oder-Elbe.

Enfin, samedi en fin d’après-midi, c’est avec son homologue Vladimir Poutine que Miloš Zeman avait rendez-vous pour une discussion dans la langue de Tolstoï. Le chef de l’Etat russe a tenu à rappeler sa parfaite innocence dans les relations tendues entre l’Union européenne et la Russie :

Source: mandrage
« Vous savez bien que nous ne sommes pas responsables du coup de froid dans les relations entre la Russie et l’Union européenne. J’espère toutefois que grâce à des hommes politiques comme vous, nous parviendrons non seulement à rétablir ces relations, mais à les rendre meilleures encore. »

En Miloš Zeman, Vladimir Poutine a trouvé une oreille plus complaisante puisque dans un entretien accordé à la radio russe Kommersant, le chef de l’Etat tchèque a joué les optimistes, estimant que l’UE pourrait annuler les sanctions contre la Russie d’ici la fin de cette année. Miloš Zeman a également partagé sa conviction selon laquelle la Russie pourrait intégrer l’UE dans les vingt prochaines années.

Bohuslav Sobotka,  photo: ČTK
A Prague, certains médias ont vivement critiqué le président tchèque pour ses prétentions à se poser en représentant d’une Union européenne qui n’en demandait pas tant. Ce lundi, le Premier ministre Bohuslav Sobotka a surtout rappelé que la levée des sanctions dépendait avant tout de l’application effective et sans conditions des Accords de Minsk, précisant enfin que l’intégration de la Russie à l’UE n’était absolument pas à l’ordre du jour, et ce d’autant moins que la principale intéressée n’en a jamais exprimé la volonté.