Politique étrangère : à Prague, entre la Chine et Taiwan, le cœur ne penche pas
Relations avec la Chine et échanges avec Taiwan, manifestations et répressions en Biélorussie ou encore position vis-à-vis de la Russie, avec laquelle les rapports se sont dégradés : les plus hauts représentants de l’Etat tchèque étaient réunis, mardi, pour discuter des principaux thèmes d’actualité internationale et pour coordonner la politique étrangère de la République tchèque. Cette réunion a été marquée par l’absence du président du Sénat suite à sa récente visite à Taiwan.
La visite début septembre à Taiwan de Miloš Vystrčil, le président de la Chambre haute du Parlement, a suscité de nombreuses réactions en République tchèque mais aussi à l’étranger. Si beaucoup ont été positives, d’autres en revanche ont été plus négatives, y compris à Prague, où le président Miloš Zeman, le Premier ministre Andrej Babiš et le ministre des Affaires étrangères, Tomáš Petříček, étaient tous opposés à ce voyage, qu’ils considèrent comme une initiative personnelle de Miloš Vystrčil. Aux yeux de Pékin, il s’agissait là en effet d’une violation de la politique d’une Chine unique, que le gouvernement tchèque reconnaît pourtant.
Conséquence de quoi, et contrairement aux réunions précédentes, le président du Sénat n’avait donc pas été convié par le président de la République à participer aux débats. A l’issue de ceux-ci, lundi soir, Tomáš Petříček, tout en admettant que la Chine était un régime autoritaire, a rappelé que cette visite ne pouvait pas être considérée comme un changement de la position tchèque vis-à-vis de la Chine et que son ministère et le gouvernement n’avaient pas de leçons à recevoir de Miloš Vystrčil :
« La diplomatie tchèque n’a certainement pas besoin qu’on lui dise de se tenir droit dans ses bottes. Nous devrions poser un regard lucide sur ce que la République tchèque peut réellement faire en matière de politique étrangère. Penser que la visite de monsieur Vystrčil à Taiwan constitue un tournant est une erreur. Nous avions déjà développé nos échanges avec Taiwan bien avant sa visite. La République tchèque a confirmé la reconnaissance de la République populaire de Chine après la partition de la Tchécoslovaquie. C’était notre décision. Nous entretenons des relations politiques avec Pékin dans le cadre desquelles nous nous sommes réservés le droit de coopérer avec Taiwan. »
Le communiqué publié mardi à l’issue de la réunion rappelle que l’approfondissement des échanges économiques et culturels avec Taiwan ne doit pas être considéré comme une entrave aux relations diplomatiques « standard » avec la Chine et une remise en cause de la politique de Pékin.
Outre les chefs de l’Etat, du gouvernement et de la diplomatie, le président de la Chambre des députés et les ministres de l’Intérieur et de la Défense ont également participé à cette réunion qui s’est tenue au château de Lány, résidence du président tchèque.
Cette même déclaration commune condamne par ailleurs les répressions « inacceptables » contre les manifestants en Biélorussie par le régime d’Alexandre Loukachenko. Favorable aux sanctions de l’Union européenne, Prague soutient un recomptage des voix de l’élection présidentielle d’août dernier sous contrôle international et l’organisation d’un nouveau scrutin libre et équitable auquel tous les candidats de l’opposition nominés pourraient participer.
« La République tchèque continuera de soutenir le développement de la société civile et particulièrement de médias indépendants en Biélorussie, ce qui ne peut pas être considéré comme une ingérence dans les affaires intérieures du pays », peut-on lire encore dans le document.
Autre point très sensible : les relations avec la Russie. Malgré leur détérioration et les tensions de ces derniers mois entre Prague et Moscou, la République tchèque, qui regrette que les consultations bilatérales convenues l’été dernier n’aient pas encore commencé, entend contribuer au rétablissement d’un « dialogue constructif et intelligent ». Un dialogue dont les fondements doivent reposer à la fois sur l’attachement tchèque aux valeurs des structures européennes et transatlantiques et au « comportement de la Russie vis-à-vis des intérêts de ces structures et de leurs alliés ». Mais attention, souligne encore Prague : en aucun cas ce dialogue ne doit se transformer en un processus unilatéral…