A Prague, Simon Deli marche sur les pas de Wilfried Bony

Simon Deli, photo: Site officiel de Synot liga

Même s’ils sont un peu plus nombreux qu’il y a de cela quelques années, les joueurs africains restent encore relativement rares dans les effectifs des clubs tchèques de football. Alors, quand l’un d’entre eux sort du lot, cela est d’autant plus remarquable et remarqué. Le meilleur exemple de réussite d’un footballeur africain en République tchèque reste très certainement celui de Wilfried Bony. Avant d’être sacré meilleur joueur et meilleur buteur du championnat néerlandais en 2013, puis de rejoindre Manchester City, l’attaquant ivoirien avait commencé sa carrière en Europe au Sparta Prague, où il était resté quatre ans.* Aujourd’hui, un autre joueur ivoirien marche sur les pas de Bony à Prague, mais à un autre poste et, surtout, chez le grand rival du Slavia. Arrivé en République tchèque en 2012, Simon Deli (24 ans) est devenu le pilier d’une défense des Rouges et Blancs particulièrement ambitieux depuis leur récent rachat par un grand groupe chinois. Preuve de sa progression : à l’issue de la première moitié de cette saison, Simon Deli figurait dans l’équipe type composée sur la base des notes attribuées à l’issue de chaque journée par les journalistes tchèques. Cela méritait bien quelques questions sur son parcours. Nous avons rencontré Simon Deli samedi 13 février dernier à l’issue du match victorieux (2-0) du Slavia contre Brno :

Simon Deli,  photo: Site officiel de Synot liga
« Si c’est quelque chose de bien ? Cela me fait rire parce que c’est vous qui me l’apprenez. Je ne fais pas trop attention à ce que disent les journalistes… »

…Oui, bon, c’est ce que disent tous les joueurs…

« Non, non, sérieux, je n’y prête pas attention ! Il y a des choses qui se passent, mais comme je ne suis pas Tchèque, je ne se suis pas trop. Ce que je me dis, c’est que quand je suis sur le terrain, il faut que je sois le meilleur à mon poste, voire le meilleur sur le terrain. Bon, mais c’est quand même un honneur de figurer dans le onze type du championnat à la mi-saison. Cela prouve que j’ai fait des progrès. Il faut maintenant garder le cap et continuer à travailler pour rester dans cette équipe type et, pourquoi pas, envisager de partir dans un autre grand championnat. »

Quel regard portez-vous sur cette progression ? Cela n’a pas toujours été simple pour vous : vous êtes arrivé au Sparta Prague en 2012 après un premier essai en 2010, un club dans lequel vous avez toujours joué avec l’équipe réserve. Ensuite vous avez été prêté à České Budějovice en deuxième division, puis à Příbram cette fois en première division, avant donc de signer au Slavia en janvier 2015. Et là, vous vous êtes imposé pour de bon et à vous voir évoluer sur le terrain, on vous sent en pleine confiance…

« Oui, je me sens bien dans mes chaussures comme dans la tête. Pour moi, le football est d’abord un plaisir. Il faut se faire plaisir à soi-même et à tous ceux qui viennent te voir jouer. Oui, je prends parfois quelques risques dans le jeu, mais c’est parce que j’ai gagné en confiance. Cela permet de mieux évoluer les situations sur le terrain. Et puis je n’aime pas me reposer sur mes lauriers et je bénis Dieu pour cela. Mon challenge est de continuer à progresser, car si les gens commencent à parler de moi, je n’ai plus le droit à l’erreur et de décevoir, d’autant moins que tous les matchs ici en République tchèque sont difficiles. »

Vous êtes arrivés à Prague directement d’Abidjan alors que vous n’aviez encore que vingt ans. Pour un jeune Africain, on imagine le changement que cela représente dans la vie quotidienne. Or, des jeunes footballeurs africains comme vous en Europe, il y en a beaucoup, et beaucoup d’entre eux ne réussissent pas. Vous, vous êtes arrivé dans un pays que vous ne connaissiez pas du tout et tout ne s’est pas toujours passé comme vous l’auriez souhaité. Avez-vous donc parfois douté de votre réussite ?

Simon Deli,  photo: ČTK
« Non, jamais ! Je n’aime pas trop revenir sur ce qui s’est passé au Sparta. Dans la vie, chacun doit faire des choix. L’entraineur du Sparta devait lui aussi faire ses choix, et le sien a été de ne pas me donner ma chance en équipe première. J’ai pourtant joué tous les matchs avec la réserve et tout le monde était convaincu de mes qualités. Sauf l’entraîneur des pros. Mais je ne me suis jamais plaint. Il a toujours voulu que je reste au club, mais au bout d’un certain temps, je ne pouvais plus jouer en équipe réserve. C’est ainsi que je suis parti en deuxième division et c’est de là que tout est parti. Tout s’est bien passé pour le club comme pour moi. A la fin de la saison, nous sommes remontés en première division. Comme je n’étais que prêté, je suis alors revenu au Sparta qui a tenté de me faire tourner en rond en me proposant un nouveau contrat que j’ai refusé. On m’a alors dit de partir en prêt et je me suis retrouvé cette fois à Příbram, où tout s’est bien passé aussi. Je n’ai donc jamais douté. Je suis un gagneur et je me suis toujours dit que la République tchèque n’était pour moi qu’un tremplin. Je suis convaincu que j’irai dans un meilleur championnat lorsque je partirai d’ici. »

« Aux Ivoiriens, je dis qu’un pays qui est à une heure de Paris n’est pas un pays perdu »

Vous venez d’un pays, la Côte d’Ivoire, où la République tchèque et son championnat, on le suppose, sont mal connus. Que répondez-vous aux questions qu’on vous pose sur ce sujet ?

« Ça, on peut le dire que ce n’est pas un pays très connu. Bon, il me semble quand même que les Tchèques ont fait une ou deux bonnes prestations dans les compétitions européennes, donc quelques-uns le savent quand même. Personnellement, depuis que j’ai été appelé en équipe nationale, les gens s’intéressent un peu plus à ce qui se passe ici. Ceci dit, quand tu leur parles de la République tchèque, les gens te demandent où c’est. Ils me disent que c’est un pays perdu, mais je leur réponds qu’un pays qui n’est qu’à une heure de Paris en avion n’est pas un pays perdu… »

La vie à Prague vous plaît-elle ?

« Seulement en été ! »

Pourtant, l’hiver n’est pas trop rude cette année…

« Pfft… Non, je ne supporte pas, en fait. Cela t’empêche de faire beaucoup de choses. Tu ne peux pas sortir et même pour le foot, ce n’est pas l’idéal. Tu ne sens pas tes jambes, c’est compliqué… Mais sinon, c’est un beau pays et je m’y plais. »

Et avec vos coéquipiers, comment est l’ambiance dans le vestiaire ou quand vous êtes en stage ou en déplacement ? Ce n’est probablement pas la même que dans un groupe ivoirien ?

« C’est sûr, c’est carrément différent. Mais j’ai cette chance de savoir m’intégrer facilement. Je crois d'ailleurs que c’est ce qui fait que beaucoup de gens ici m’estiment aujourd’hui. Trois mois après mon arrivée au Sparta, je parlais déjà quelques mots de tchèque sans l’aide d’un professeur ou sans suivre de cours. Je sais trouver les mots justes avec mes coéquipiers. Je m’efforce de donner le meilleur de moi-même et cela facilite les choses, même si ce n’est pas toujours facile. »

« Oui, on m’a comparé à Yaya Touré, mais… »

Vous n’avez que 24 ans. Y a-t-il un championnat dans lequel vous aimeriez jouer plus tard ?

« A vrai dire, je n’ai pas vraiment de préférences. Je suis un combattant et en tant que tel, je suis prêt à aller au front n’importe où. Bon, le championnat allemand ou anglais ne serait pas pour me déplaire. Mais l’idéal, ce serait un top club en France. La langue, la culture… cela ressemble un peu à l’Afrique. »

L’Afrique justement… Le fait d’être Ivoirien comme Wilfried Bony qui est passé par le Sparta vous a-t-il aidé ?

 (Wilfrid Bony,  photo: ČT sport
« Un peu quand je suis arrivé. Bony a fait de bonnes choses au Sparta, mais vous savez, je ne l’ai croisé qu’une fois. C’était à mon premier essai (en 2010, ndlr), mais lui était déjà sur le départ (Wilfrid Bony a été transféré au Vitesse Arnhem, ndlr). Il m’avait alors donné quelques conseils notamment sur la mentalité tchèque. »

J’ai lu dans un article d’un journal tchèque qu’on vous avait comparé à Yaya Touré…

« Oui… (Un peu gêné et flatté à la fois) Ca, c’était quand j’étais à Příbram. Là-bas, l’entraîneur me faisait jouer milieu défensif, et après un bon match, on m’a comparé à Yaya Touré. Mais ce n’est pas mon poste, c’était juste pour dépanner l’équipe. Sinon, je suis défenseur central. »

Allez, vous avez quand même quelques points communs… Déjà les grandes jambes…

« Oui, il y a la taille. Le calme aussi, je dirais, la technique… Bon, Yaya est quand même un peu plus technique que moi. Après, il y a aussi ce que je n’appellerais pas de la nonchalance, mais de la puissance… Oui, c’est un peu comparable. Un peu. »

Bref, il ne vous manque rien…

« (Rires) Non… Pour l’instant, j’ai ce qu’il faut. Mais il me faut encore bosser pour m’améliorer »

Cf. l’entretien que Wilfried Bony (que nous appelions, à tort, Bony Wilfried à l’époque) avait accordé à Radio Prague en juin 2010: http://www.radio.cz/fr/rubrique/sport/bony-wilfried-la-selection-tcheque-pourquoi-pas