A Prague, une importante manifestation en faveur d’une « meilleure gouvernance du pays »
Quelque 250 000 Tchèques ont pris part, dimanche après-midi, à la manifestation organisée sur l’esplanade de Letná pour demander la démission du Premier ministre Andrej Babiš, soupçonné de fraude aux subventions européennes. Il s’agissait de la plus importante manifestation depuis la révolution de Velours, il y a trente ans.
Des participants venus de tous les coins du pays et même de l’étranger s’étaient rassemblés dans le parc de Letná, un lieu symbolique pour avoir été le théâtre des grandes manifestations anti-communistes en novembre 1989.
Ce rassemblement, sous les drapeaux tchèques et européens, a marqué le point culminant d'une série de protestations à Prague et dans d'autres villes du pays, depuis la fin avril. Ces manifestations, organisées par l’association Million chvilek pro demokracii (Un million de moments pour la démocratie), sont donc principalement dirigées contre le Premier ministre Andrej Babiš et contre la ministre de la Justice Marie Benešová, soupçonnée de vouloir interférer dans la procédure en cours contre celui-ci, dans une affaire de fraude aux fonds européens. On écoute le président de l’ONG Million chvilek, Mikuláš Minář :
« Nous ne pouvons pas accepter que le Premier ministre soit une personne poursuivie par la justice, un ancien collaborateur de la police communiste, un oligarque et propriétaire de médias, dont les entreprises reçoivent des subventions importantes, payées partiellement par les contribuables tchèques. Pour cette raison, nous réclamons la démission d’Andrej Babiš ! »
Les manifestants ont plus généralement dénoncé la politique menée par le gouvernement dans les domaines de l’écologie et de l’agriculture. Ils ont formulé leurs craintes liées à l’indépendance des médias, à la culture politique et au climat dans la société tchèque.« La politique du président et du Premier ministre est caractérisée par l’arrogance du pouvoir » a déclaré l’un des organisateurs, Benjamin Roll, devant les manifestants, « cette politique ne prend pas en considération les besoins des gens défavorisés, elle ne se soucie pas de la protection de la nature. Elle crée un climat où le populisme, la vulgarité et la peur et le mensonge l’emportent. »
Deux Pragoises, interrogées par Radio Prague au milieu de la foule, ont partagé ce sentiment :
« Mon amie et moi, nous étions à l’université au moment de la révolution de Velours. Ce qui se passe trente ans après dans notre pays me paraît insupportable. Il nous semble important de nous exprimer, même si ces protestations ne donnent rien. Il est important que les gens partout dans le pays comprennent ce que signifie d’être représenté et gouverné par quelqu’un comme Andrej Babiš. »
« Lorsque nous avons manifesté en 1989, nous sentions que cela allait amener un changement. Cette fois-ci, je n’en suis pas persuadée. Toutefois, je sens qu’il faut que je sois là. »La classe politique n’a pas été invitée à s’exprimer lors du rassemblement, soutenu par plusieurs personnalités culturelles et publiques. Un rassemblement perçu par les commentateurs, ainsi que par les représentants des partis d’opposition comme un signe encourageant de l’existence de la société civile en Tchéquie.
Pour sa part, le chef du gouvernement Andrej Babiš a expliqué ce week-end dans un entretien accordé au quotidien Mladá fronta Dnes qu'il traversait « une période difficile » mais qu’il n'envisageait pas pour autant de démissionner, comme le demandent les manifestants. Le Premier ministre a répété qu'il ne voyait aucune raison de manifester aujourd'hui et que des garanties avaient été données pour le respect de l'indépendance de la justice. « Je regrette que les gens protestent contre quelque chose qui ne s'est pas produit et ne se produira pas », a déclaré Andrej Babiš à l'agence de presse ČTK.
Dimanche soir, le Premier ministre s’est aussi brièvement exprimé pour la Télévision tchèque :« Nous vivons dans une société démocratique et il est magnifique que les gens puissent exprimer leurs opinions. (…) Non, je ne pense pas être arrogant, comme l’affirment les manifestants. Je n’ai rien à ajouter sur ce sujet. »
L’Association Million chvilek qui n’a pas, pour l’instant, l’ambition de se transformer en parti politique, a convoqué la prochaine manifestation pour le 16 novembre prochain, à la veille des célébrations du 30e anniversaire de la révolution de Velours.