Au Cameroun, des scientifiques tchèques étudient l’impact des changements climatiques sur la pollinisation
Une équipe scientifique tchèque composée de chercheurs de l’Université Charles et de l’Académie des Sciences étudie depuis fin janvier les insectes pollinisateurs et la flore locale sur le point culminant de l’Afrique de l’Ouest, le Mont Cameroun. Uniques en leur genre, la faune et la flore de ce site volcanique font partie des plus riches au monde. Un journaliste de la station de radio tchèque Radio Plus s’est rendu sur place pour un reportage dans la forêt vierge.
Le parc national du Mont Cameroun est un des endroits les plus pluvieux de la planète. Même pendant la saison sèche, il y fait particulièrement humide. Robert Tropek est entomologiste, il est aussi le responsable de l’expédition scientifique :
« Le Mont Cameroun est unique parce qu’il concentre différents types de forêts ainsi qu’un grand nombre de milieux différents sur un territoire relativement restreint. Le résultat, c’est que même pour une région tropicale, on y trouve une quantité inouïe d’espèces. »
Pour mener à bien ce sujet d’étude, pas moins de cinquante caméras ont été installées à des endroits stratégiques, et ce jusque dans la cime des arbres. Ce projet est unique en son genre car les scientifiques ont choisi d’appréhender l’espace de la forêt en trois dimensions, en étudiant, par l’intermédiaire de ces caméras, les interactions entre les insectes pollinisateurs et les plantes à fleur depuis la terre jusqu’au sommet des arbres. Les chercheurs tchèques, qui ont dû transporter des kilos de matériel jusqu’à ces confins reculés de la jungle, se font aussi alpinistes, équipés de cordes, de mousquetons, de harnais, de bloqueurs, pour pouvoir escalader les arbres. Robert Tropek explique le déroulé des recherches :« D’abord, nous cherchons et nous identifions tous les types de plantes à fleurs ainsi que les différentes espèces d’insectes. Ensuite nous lançons l’enregistrement pour savoir quel type d’insecte se rend sur quelle fleur. »
Le botaniste Štěpán Janeček détaille encore le type d’insectes audibles dans la forêt du Mont Cameroun :
« La plupart des sons que l’on peut entendre, ce sont des cigales, des orthoptères, c’est-à-dire des insectes dont les ailes sont alignées, des grillons, des criquets… Le soir, on entend aussi des grenouilles ! »La pollinisation, essentielle pour la reproduction des plantes et leur cycle de vie, est un indicateur de la bonne santé, ou non, des écosystèmes. Or, à l’heure actuelle, le monde scientifique s’inquiète particulièrement de l’appauvrissement généralisé de la biodiversité. Certains chercheurs parlent même de « crise de la pollinisation ». Les recherches menées par l’équipe scientifique tchèque peuvent donc également permettre d’établir un état des lieux. Robert Tropek :
« Une des conclusions, cela va être d’étudier l’influence de la biodiversité des différents groupes qui participent à la pollinisation sur les réseaux de pollinisation. Mais aussi d’observer dans quelle mesure la complexité de ces interactions est sensible aux variations de températures qui changent selon l’altitude ou aux variations du régime de précipitations. Cela nous permettra à l’avenir de prédire la vulnérabilité de ces relations au changement climatique. »
Effet collatéral bienvenu de cette expédition, les chercheurs tchèques ont aussi découvert plusieurs nouvelles espèces qu’ils vont pouvoir répertorier et classifier.Surtout, parallèlement à ces travaux réalisés en Afrique, les scientifiques mènent une étude similaire en République tchèque : un projet en miroir qui permettra d’établir des comparaisons, pour savoir si les insectes pollinisateurs et les plantes à fleur réagissent mutuellement de la même façon dans différents environnements du monde.