Avant de mourir, j’aimerais…

Photo: Kristýna Maková
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Si personne ne connaît l’heure ni le lieu de sa mort, au moins pouvons-nous tous espérer avoir accompli quelque chose de grand avant de passer dans l’autre monde, si tant est que nous y ayons déjà réfléchi un jour et que nous prenions le temps de nous y mettre. Depuis juin dernier à Prague, sur un mur de l’île de Kampa repeint en noir, l’invitation à la réflexion est explicite : « Avant de mourir, j’aimerais… ». Le tableau est aujourd’hui recouvert de craie et de souhaits, offrant ainsi des idées à ceux qui manqueraient d’inspiration. Plus d’explications sur cette initiative insolite, après une première litanie de vœux que Radio Prague est allée collecter sur Kampa.

Photo: Kristýna Maková
« Juste avant de mourir ? J’irais faire la fête à Prague ! »

« Moi ? Assurer ma descendance. C’est tout con… ouais, voilà. »

« Moi, je ne sais pas… j’aimerais bien finir mes études, ce serait cool. Parce que là, ça commence à prendre du temps. »

« Moi j’aimerais faire le tour du monde, vraiment. »

« Un dressing rempli à fond, un garage rempli à fond, et une maison avec une grosse soirée avec tout le monde, avec cinquante personnes, piscine et tout… »

« Je prendrais des rouleaux de printemps du Vietnam, puis un velouté de coco de Thaïlande, et… un tiramisu. Voilà ! Ce serait mon dernier repas. »

« On était en effet en train de se dire que, dans les prisons, aux États-Unis, et plus précisément au Texas, les détenus peuvent choisir ce qu’ils veulent manger la veille de leur exécution. »

« Je ferais un triple cork, tu vois ce que c’est ? C’est une figure en snowboard, tu fais trois tours sur toi-même en l’air. Ouais, je pense que c’est ce que je ferais avant de mourir. »

Photo: Kristýna Maková
À l’origine, une artiste. Au final, des millions de vœux exprimés aux quatre coins du monde. Candy Chang est une architecte, designer et urbaniste américaine d’une trentaine d’années. Installée à la Nouvelle-Orléans, elle a élu la rue et les espaces publics comme point de départ et point d’arrivée de ses projets artistiques, pour ainsi parler aux gens autant que pour les faire parler. Intimement persuadée que nous avons tous à apprendre les uns des autres, les créations de Candy Chang suscitent naturellement la participation des passants, et mêlent de manière homogène art, introspection et vivre ensemble. Lors d’une conférence sur le plateau d’une émission américaine, elle raconte :

Candy Chang,  photo: TED
« Il y a mille façons pour les gens qui nous entourent de nous aider à améliorer nos propres vies. Malheureusement on toque rarement chez nos voisins pour le leur demander, et tous leurs bons conseils sont finalement perdus. Mais, nous partageons le même espace public, alors durant les dernières années, j’ai essayé de partager davantage avec mes voisins, en utilisant des moyens très simples comme des stickers, des pochoirs ou des tableaux, que j’ai installés dans mon quartier. Et ainsi, je leur ai demandé : combien vous payez de loyer ? Qu’est-ce que vous voulez que l’on fasse de ce local abandonné ? etc. Les lieux publics reflétaient enfin les besoins et les rêves des gens. »

Photo: Kristýna Maková
Suite à la perte subite d’une de ses proches, Candy Chang a décidé de peindre en noir le mur d’une maison abandonnée se trouvant à côté de chez elle, et d’y reproduire au pochoir ce début de phrase : « Before I die, I want to… ». Dès le lendemain et les jours suivants, des dizaines de passants se sont pris au jeu et ont inscrit leur souhait : planter un arbre, enjamber la ligne imaginaire de changement de date, voir une éclipse, trouver l’Atlantide, être entendu, retrouver le voleur de craies, dire à ma mère que je l’aime…

Plus tard, après avoir reçu plusieurs demandes, Candy Chang met à disposition une « boîte à outil » sur internet pour ceux qui veulent fabriquer leur propre mur. Comme une trainée de poudre, l’initiative se répand alors à travers le monde : du Canada aux Philippines, du Guatemala au Koweït, du Danemark aux Émirats arabes unis, du Liban à la Corée du Sud, ou encore d’Israël en Chine, on finit par compter les pays où le mur de Candy Chang n’a pas encore été monté. En République tchèque, Brno est la première ville à avoir son « Before I die », suivi de Kladno. À Prague, initialement prévue pour le 16 juin, l’inauguration du mur a dû être décalée au 24, en raison d’un arrêt municipal interdisant l’accès à l’île de Kampa, suite aux inondations ayant noyé début juin les berges de la Vltava.

Photo: Kristýna Maková
« Les deux choses qui valent le plus au monde sont le temps et les relations que nous entretenons avec les gens qui nous entourent. C’est si facile de se laisser embarquer par le train-train quotidien et de passer à côté de ce qui vaut vraiment la peine d’être vécu. Il est plus important que jamais de continuer à faire des projets et de se rappeler que la vie est brève et fragile. »

Sur cette incitation de Candy Chang, saurez-vous trouver ce qu’il y a de plus cher au fond de vous-mêmes, et qui ne cessera de demeurer en vous au-delà des années ?

« Ce que je ferais avant de mourir… humm, voyager autour du monde ? »

« Voler comme un oiseau. »

« Avant de mourir, j’aimerais vraiment être libérée de toute peur. »

« Avant de mourir, je l’épouserai… elle ! »

« Avant de mourir, je veux tuer un politicien. »

« Avant de mourir, j’aimerais me marier. »

« Avant de mourir, je voudrais changer le monde. »

(I’d like to change the world, Ten Years After.)