Le mur de John Lennon condamné au mutisme ?

Photo: ČTK

Stupeur et consternation pour beaucoup de passants et de touristes qui ont flâné cette semaine du côté de la place du Grand prieur, dans le quartier de Malá Strana au cœur de Prague : le mur de John Lennon, symbole « de liberté et de paix » et d’ordinaire recouvert de graffitis, a été repeint tout en blanc et agrémenté de l’inscription « Wall is Over ». L’association de street art Pražská služba a revendiqué cette action et explique avoir voulu redonner son sens originel au célèbre ouvrage de maçonnerie.

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Cette touriste n’a pas eu de chance : le mur de John Lennon qu’elle souhaitait tant voir a été recouvert d’une couche de peinture blanche dans la nuit du 16 au 17 novembre. Sa déception vaut sans doute l’affliction éprouvée dans un premier temps par les autorités publiques, telle que l’a exprimée Veronika Blažková, la porte-parole du premier arrondissement de Prague :

« Nous ne sommes pas les propriétaires du mur qui appartient à l’Ordre souverain des chevaliers de Malte. Nous les avons contactés et ils nous ont indiqué qu’ils portaient plainte contre X. Comme eux, nous sommes affligés par cet acte qui relève à notre avis du vandalisme. »

Paradoxalement, ce ne sont pour une fois pas les graffeurs qui sont criminalisés mais au contraire les personnes qui ont effacé leurs œuvres. La situation s’est cependant bien vite apaisée et cette plainte a été retirée quand les responsables se sont fait connaître et ont expliqué leurs motivations.

Le mur de John Lennon autour 1983 | Photo: David Sedlecký,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0
Les auteurs de ces troubles sont donc des membres du collectif d’étudiants Pražská služba qui, dans le cadre d’un projet d’abord universitaire, avait deux ambitions : célébrer à leur façon l’anniversaire de la Révolution de velours et rendre hommage à John Lennon. D’où l’inscription « Wall is Over », qui fait à la fois référence à la pancarte « War is Over » arborée un jour par le chanteur britannique et sa compagne, l’artiste Yoko Ono, et rappelle en même la chute du mur de Berlin et la fin du « rideau de fer ». Etudiant à la Faculté de philosophie de l’Université Charles et membre de l’association de street art incriminée, Jan Dotřel, s’explique :

« Nous voulions surtout rappeler que le mur de John Lennon n’est à l’origine pas une attraction touristique. J’y suis retourné et je crois que nous avons plutôt réussi dans ce sens car il y a là désormais des étudiants qui font référence à Jan Palach, Milada Horáková ou Ivan Martin « Magor » Jirous. Auparavant, nous avions l’impression parfois qu’il ne s’agissait que d’un endroit où les touristes écrivaient ‘j’ai été ici’, ce qui ne correspond pas à l’idéalisme que porte en lui ce mur. »

Ce mur, situé juste en face du palais Bucquoy, le siège de l’ambassade de France en République tchèque, a en effet une histoire. Un temps support d’inscriptions à caractère surtout romantiques, la construction prend au début de l’année 1981, peu après l’assassinat à New-York de John Lennon, une autre dimension avec un graffiti à la mémoire de l’ex-Beatles.

Le mur de John Lennon en 1993,  photo: Infrogmation,  CC BY-SA 2.0 Generic
Dès lors, le mur devient politique, un espace d’expression pour les jeunes et les moins jeunes. C’est cet aspect que Mikuláš Karpeta étudiant à la FAMU, l’école de cinéma pragoise, et membre du collectif, aimerait que l’édifice retrouve :

« Il y avait sur ce mur pas mal de belles choses mais nous souhaitons qu’il vive librement, qu’il continue de parler, de se transformer en permanence. Donc nous n’avons en fait pas eu de remord à les effacer. »

Et effectivement le mur de John Lennon reprend progressivement son caractère chargé, les graffitis s’y multipliant joyeusement. Il devrait attirer encore de nombreux touristes.