Barbora Krejčíková, la nouvelle reine tchèque de Paris
Quoiqu’il arrive aux Jeux olympiques cet été, ou quel que soit le parcours des footballeurs à l’Euro, qui débutent contre l’Ecosse ce lundi à Glasgow, la performance réalisée par Barbora Krejčíková à Roland-Garros restera à part lorsque, en fin d’année, viendra le moment de faire le bilan de l’année sportive en République tchèque. En remportant, samedi et dimanche, les finales des tournois de simple et de double des Internationaux de France de tennis, la Tchèque a conclu de la plus belle des manières une histoire digne d’un conte qui a fait d’elle la nouvelle reine de Paris. Un exploit qui confirme aussi toute la richesse du réservoir du tennis féminin tchèque.
Comme l’ont fait remarquer certains médias tchèques, la seule fausse note de ce week-end pour le reste quasi parfait à Roland-Garros aura été la version pour le moins curieuse de l’hymne « Kde domov můj » choisie et jouée par les organisateurs du tournoi. Comme si un vieux disque rayé avait été retrouvé au dernier moment au fond d’un tiroir une fois la balle de match conclue...
Il faut dire que depuis la victoire d’Ivan Lendl en 1987, ou chez les femmes celle d’Hana Mandlíková en 1981, cela faisait bien longtemps que l’hymne tchèque n’avait plus résonné sur le court central après une finale d’un tournoi de simple. Reconnaître aussi que le sacre de Barbora Krejčíková, d’une fille dont la meilleure performance jusqu’alors dans les tournois du Grand Chelem était un huitième de finale déjà sur la terre battue parisienne à l’automne dernier, constitue une des plus grandes suprises de ces dernières années.
Mais voilà, à la différence de ses compatriotes Lucie Šafářová et Markéta Vondroušová, qui avaient échoué au pied de la dernière marche en 2015 et 2019, la première a été la bonne pour Krejčíková. En dominant la Russe Anastasia Pavlyuchenkova en trois sets (6-1, 2-6, 6-4) samedi, elle a su saisir une occasion qui ne se représentera peut-être plus. A 25 ans, la Tchèque, qui a intégré le Top 100 mondial pour la première fois de sa carrière à l’autome dernier, a réalisé son rêve, comme elle l’a expliqué au micro de l’envoyé spécial de la Radio tchèque au terme de la finale :
« J’ai d’abord réagi prudemment sur la balle de match, car je n’étais pas tout à fait sûre qu’elle était bien retombée en dehors du terrain. Après la confirmation, c’est vrai, je ne savais pas très bien ce que je devais faire, alors j’ai simplement levé les bras comme je le fais habituellement. Mais c’est aussi ma manière d’être. C’est ma façon d’exprimer mon bonheur. C’est difficile de dire quoi que ce soit, parce que je viens de gagner un Grand Chelem, et c’est incroyable. »
Barbora Krejčíková est donc devenue la deuxième joueuse tchèque de l’histoire à inscrire son nom au palmarès du simple dames des Internationaux de France. Une performance à laquelle ne s’attendait pas même son entraîneur, Aleš Kartus, au sortir de trois semaines qui auront donc vu la Tchèque remporter l’Open de Strasbourg, puis Roland-Garros dans la foulée, et ce, alors que sa protégée aurait pu être éliminée dès l’entame du tournoi :
« Le moment-clef a été sa victoire au premier tour contre Kristýna Plíšková alors qu’elle était menée trois jeux à un dans le deuxième set après avoir déjà perdu le premier. Barbora venait de remporter le tournoi de Strasbourg quelques jours plus tôt et elle était très fatiguée tant physiquement que mentalement. Mais elle a trouvé les ressources nécessaires pour inverser le cours du match contre une adversaire qui jouait pourtant très bien. Après cela, elle a pu profiter de deux jours de repos pour se requinquer et, forte de la confiance qu’elle avait emmagazinée, continuer sur sa lancée. »
Et une fois lancée, Barbora Krejčíková a donc été innarêtable. Car, dès le lendemain de son sacre en simple, sous les yeux de Martina Navrátilová et de Jan Kodeš, les deux noms les plus prestigieux de l’histoire du tennis tchèque, la native de Brno a remis le couvert en remportant aussi la finale du double dames avec sa compatriote Kateřina Siniaková, aux dépens de la paire composée de l’Américaine Bethanie Mattek-Sands et de la Polonaise Iga Swiatek en deux sets (6-4, 6-2).
Un succès qui a permis à Krejčíková de réaliser le premier doublé « simple-double » à Roland-Garros depuis Mary Pierce en 2000 et qui fait d’elle, ce lundi, la nouvelle numéro un mondiale en double :
« Youpi ! Bien sûr que je suis très heureuse, car c’est un moment historique. Mais je ne réalise pas encore tout à fait ce qui m’arrive, c’est difficile, tout va si vite et il se passe tellement de choses... J’apprécierai sans doute davantage lorsque je me serai posée un peu et que je serai rentrée chez moi. Gagner un Grand Chelem en simple, c’est un rêve qui se réalise, et on me dit que j’écris l’histoire en remportant aussi le double. Franchement, je ne me rends pas compte encore. Aujourd’hui, je suis d’abord très heureuse que nous ayons gagné avec Kateřina, et ces titres sont bien évidemment une grande motivation pour la suite. Il va falloir poursuivre le travail, car j’ai envie de continuer à progresser. Mais c’est vrai que c’est une grande émotion. »
Une émotion d’autant plus belle qu’elle a été partagée. Après Roland-Garros déjà et Wimbledon en 2018, Krejčíková et Siniaková, qui avaient été finalistes aussi de l’Open d’Australie en début de saison, ont remporté leur troisième Grand Chelem ensemble. Kateřina Siniaková est plutôt fière de former avec sa compatriote une des meilleurs paires de double actuelles au monde :
« Ce sont deux semaines émotionnellement très fortes qui s’achèvent. La deuxième semaine a été difficile pour moi aussi, car je savais que Barbora avait beaucoup de matchs à jouer et qu’elle pourrait avoir des coups de moins bien. Je me suis donc efforcée de me préparer du mieux possible pour pouvoir l’aider en double. Au-delà du titre, je suis enchantée de notre mode de fonctionnement, du fait que nous formions une véritable équipe, que la communication se passe bien entre nous... C’était super ! »
Super, comme aussi le poignant hommage rendu en toute simplicité par Barbora Krejčíková sur le court samedi lors de la cérémomie de remise du trophée samedi à son ancienne entraîneure Jana Novotná, décédée d’un cancer il y a bientôt quatre ans. Ou encore une autre victoire tchèque, celle de Linda Nosková dans l’épreuve juniors, samedi aussi. Ne serait-ce que chez les dames, l'édition 2021 de Roland-Garros restera bien gravée dans les mémoires comme « l’année tchèque ».