"Big Brother is watching you" ou le pouvoir des images
A quelques encablures de la Vltava, tout près du pont Charles, la galerie U Krizovniku propose une exposition intitulée « Pouvoir des images, Images de pouvoir », collection d'affiches de propagande communiste des années 30 aux années 70. Rencontre avec Jan Trestik, auteur de l'exposition et propriétaire de la galerie.
« L'expérience du totalitarisme ici et en Union soviétique est suffisament forte, et même de manière réduite, ce que nous avons réussi à montrer dans cette exposition, c'est le caractère dangereux d'une idéologie et le caractère pernicieux de ces régimes totalitaires. Tout cela est en arrière-plan des affiches. »
A côté de chaque affiche, une « carte d'identité » classique, avec le nom, la date et l'origine ; le visiteur est cependant guidé visuellement par les citations qui entourent les oeuvres exposées, qu'il s'agisse de paroles de dirigeants communistes ou sympathisants d'un temps, d'extraits de journaux, de romans, d'essais. Se côtoient les paroles de Staline, Hannah Arendt, Dostoïevski, Marx, Jaroslav Seifert ou encore Raymond Aron. Pour Jan Trestik, ces citations ont une valeur didactique :
« Ces citations sont bien sûr là pour expliquer comment nous avons envisagé le sujet, notre position. Elles sont absolument indisociables : si les affiches étaient présentées sans rien, ce serait très limite, car certaines d'entre elles sont vraiment folles. Elles suscitent l'horreur et la peur. Nous avions des craintes à ce niveau-là, c'est pourquoi nous avons voulu les confronter et compenser avec du texte, pour que notre position soit claire. »Si on peut difficilement faire abstraction de l'aspect politique et de la propagande, pour Jan Trestik, de nombreuses affiches ont cependant une réelle valeur graphique : sont concernées essentiellement les affiches de l'avant-garde russe des années 20 et 30. De même, les affiches, selon leur origine, soviétique ou tchécoslovaque et selon la période de leur conception, expriment une atmosphère différente, notamment dans le choix des mots ou bien même des sujets. Bien sûr, on ressent néanmoins qui donne le La et d'où provient l'inspiration...
Issu d'une génération qui n'a connu que les dernières années du régime communiste, Jan Trestik s'est intéressé à ces questions au cours de ses études et nous donne des détails sur ce qui a motivé l'exposition :« Le risque et le danger des idéologies et des régimes totalitaires ne sont pas morts, loin de là, et c'est d'ailleurs ce qu'exprime une des citations de l'exposition, tirée de l'oeuvre de Hannah Arendt. Malheureusement, c'est toujours actuel. Seulement ces idéologies trouvent d'autres chemins, et cherchent d'autres formes de « raffinement ». C'est clairement une des raisons pour lesquelles nous avons voulu monter cette exposition, ce en quoi elle a son importance et qu'elle prend tout son sens. L'autre raison, c'est la nécessité de se confronter avec notre passé. On le dit souvent, celui qui ne connaît pas son passé est probablement condamné à le revivre de nouveau. Notre souhait, sans doute un peu illusoire, c'était que ce qu'on peut voir sur ces affiches reste à jamais et seulement sur des affiches. »