Propagande - Européennes : Prague reste une plaque tournante des opérations russes
L’annonce, la semaine dernière, de la mise à jour par le service du contre-espionnage tchèque d’un réseau russe d’information qui, depuis Prague, visait à influencer le déroulement des élections européennes de juin prochain, a rappelé combien la République tchèque pouvait rester exposée aux opérations menées par la Russie sur son territoire.
Depuis l’explosion meurtrière d’un dépôt d’une cinquantaine de tonnes de munitions à Vrbětice en 2014, la République tchèque, on le sait, est particulièrement sensible aux opérations secrètes menées par la Russie sur son territoire. Sept ans plus tard, conséquence de cet acte de terreur et « preuves irréfutables » à l’appui selon le Premier ministre de l’époque, Andrej Babiš, dix-huit diplomates russes considérés comme des espions avaient ainsi été priés de quitter Prague sur le champ, tandis que le groupe Rosatam avait, lui, été exclu du projet d’agrandissement du parc nucléaire tchèque.
L’annonce, en milieu de semaine dernière, de la mise à jour par le Service de sécurité et de renseignement, connu sous l’acronyme BIS, d’un réseau d’influence qui était financé par la Russie tout en étant basé à Prague, n’est donc pas apparue spécialement surprenante. Mardi 26 mars encore, soit la veille de cette annonce, le directeur du BIS, Michal Koudelka, après la visite dans ses bureaux du président de la République, Petr Pavel, avait fait savoir qu’en raison, entre autres, de la politique agressive de la Russie, la situation sécuritaire était « la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale ».
Par ailleurs, comme le rappelle, par exemple, le quotidien Hospodářské noviny dans son édition de ce mardi 2 avril, la capitale tchèque est longtemps restée une plaque tournante des opérations de renseignement russes et, malgré donc le grand coup de balai passé à l’ambassade de Russie il y a quelques années, un certain savoir-faire et une partie des infrastructures y ont été conservés.
C’est ainsi que, mercredi 27 mars, le Premier ministre a annoncé que le gouvernement tchèque avait rallongé sa liste des sanctions à l’encontre de deux personnes physiques et d’une autre morale qui « pouvaient avoir un effet important sur la sécurité de la République tchèque et de l’Union européenne ». Lors d’une conférence de presse suivie avec beaucoup d’attention, Petr Fiala a cité nommément les trois personnes impliquées dans cette affaire de propagande qui dépasse le simple cadre de la République tchèque :
« Viktor Medvedtchouk dirigeait plusieurs activités et réseaux d’influence de la Fédération de Russie. C’est quelqu’un qui est étroitement lié à Vladimir Poutine. Depuis la République tchèque, il se servait de la société Voice of Europe, qui est donc la personne morale placée sur la liste des sanctions. Et la deuxième personne physique est Artyom Marchevsky, qui participait, lui aussi, à ces activités. »
Parfois surnommé « le prince des ténèbres », Viktor Medvedtchouk, un oligarque et ancien politicien ukrainien dont la fille est la filleule de Vladimir Poutine, était chargé, via des moyens mis à disposition par la Russie, du financement de ce réseau d’influence, qui consistait également à corrompre divers élus de pays membres de l’UE prêts à diffuser la vision russe de la guerre en Ukraine. Homme de médias, Artyom Marchevsky s’occupait, pour sa part, plus concrètement des contenus de Voice of Europe, une société basée en République tchèque via laquelle le site désormais fermé diffusait sa propagande.
Dans un long article publié dans son édition du jeudi 28 mars, le quotidien tchèque Deník N expliquait plus en détail comment, depuis Prague, le Kremlin cherchait à influencer les prochaines élections européennes dans plusieurs pays, parmi lesquels, notamment, la France, la Belgique ou les Pays-Bas. À travers des interviews ou en donnant la parole sur Voice of Europe à des responsables politiques favorables à la politique menée par la Russie, en contrepartie de sommes d’argent, l’objectif était de faire en sorte de retourner l’opinion publique européenne et de réduire le soutien, notamment militaire, de l’Europe et plus largement de l’ensemble de l’Occident à l’Ukraine agressée.
Homme politique allemand d’origine tchèque et député du parti Alternative pour l’Allemagne, Petr Bystroň fait partie des responsables politiques européens qui seraient impliqués dans cette affaire, selon Deník N et le magazine allemand Der Spiegel. Mais toujours selon le quotidien tchèque, d’autres élus au Parlement européen, membres de formations d’extrême droite notamment, seraient également concernés.