Brassiculture : le houblon bientôt épaulé par l'intelligence artificielle pour combattre la sécheresse

A l’occasion de la journée internationale de la bière, ce 5 août, Radio Prague International vous propose de découvrir une initiative durable menée par le plus grand producteur de bière tchèque : Plzeňský Prazdroj.

Photo: Ondřej Vaňura,  ČRo

Le projet intitulé For Hops a comme but affiché d’aider les agriculteurs à optimiser l’irrigation du houblon, utilisé dans la production de bière. Direction donc les champs de houblon de la région de Žatec pour en apprendre plus à ce sujet.

Si vous craigniez que le réchauffement climatique vienne altérer le goût rafraîchissant de la boisson phare de Tchéquie, vous serez heureux d’apprendre que le plus grand fabricant et exportateur de bières du pays travaille actuellement sur un projet innovant qui permettra à la bière de conserver ses précieux arômes. En plus de l’eau et de l’orge, l’un des ingrédients principaux de la bière, qui lui confère tout son goût et son caractère, est le houblon. Plante herbacée grimpante de la famille des Cannabaceae, elle est à l’origine de l’amertume de la bière mais est aussi très sensible aux changements de températures et d’humidité. Le houblon semble indispensable pour obtenir la fameuse boisson alcoolisée. Ivan Tučník, responsable du développement durable et des projets intégrés chez Plzeňský Prazdroj, illustre cette nécessité par une expérience qu’il a lui-même menée :

Ivan Tučník | Photo: Ondřej Vaňura,  ČRo

« L’automne dernier, nous avons amené deux types de bières dans des verres identiques, l’une avec du houblon et l’autre sans. Nous avons réalisé une petite expérience sociale où nous avons demandé aux gens de goûter les deux et dire ce qu’ils en pensaient. 85% des personnes interrogées ont répondu qu’elles préféraient celle avec du houblon et elles étaient capables de dire pourquoi. La raison était le manque d’amertume. En effet, on est capable de brasser un liquide similaire à la bière sans houblon mais ce ne sera pas la bière que nous connaissons car elle ne sera pas amère et n’aura pas le même goût. »

Caméras et capsules temporelles

Photo: Ondřej Vaňura,  ČRo

Le houblon est si crucial dans la préparation d’une bonne pression que le simple fait de changer le type de houblon et la quantité utilisée peut radicalement modifier les saveurs du breuvage final. En Tchéquie, la culture de ces végétaux est par ailleurs très importante. Le pays est le troisième producteur mondial et exporte dans le monde entier, jusqu’aux Etats-Unis et au Japon. La conservation de cultures en bon état est donc un enjeu de premier plan aussi bien économique, qu’environnemental et social comme nous allons le souligne le projet For Hops. Ivan Tučník nous le présente :

« Ce que nous avons appris, c’est que la culture de houblon en République tchèque est très sensible au changement climatique. Il y a de moins en moins d’eau disponible pour la culture. Ce n’est pas qu’il y a moins de pluie, c’est plutôt que les précipitations sont aujourd’hui irrégulières pendant l’année. De fait, nous n’obtenons plus l’humidité au moment nécessaire pour que les plantes poussent. En même temps, 80% des cultivateurs de houblon n’ont pas accès à une source d’eau pour irriguer leurs champs. Il faut donc qu’ils construisent un réservoir pour récupérer l’eau tout au long de l’année afin d’avoir un grand stock d’eau. Mais ils doivent faire très attention au moment où ils l’utilisent car ils ont seulement un, deux, ou trois essais et après le stock d’eau est épuisé. C’est là que nous voulons les aider. Nous voulons les aider à utiliser l’eau de manière plus efficace grâce à des données et des prévisions. »

Photo: Ondřej Vaňura,  ČRo

For Hops donne ainsi l’opportunité aux agriculteurs de connaître la quantité nécessaire et la date à laquelle il est le plus judicieux d’arroser les cultures de houblon. Pour obtenir ses informations, il faut tout d’abord collecter un certain nombre de données grâce à de nombreuses technologies installées dans les champs, qui sont opérationnelles pour la première fois cette année. Ivan Tučník revient sur le processus pour obtenir toutes ses données :

« Nous avons sélectionné six exploitations de la région qui ont été choisies de manière à ce que l’on ait plusieurs microclimats différents à étudier. Dans chacune d’entre elles, nous avons installé différents types d’appareils. Nous avons des stations d’eau qui mesurent différents indicatifs sur l’eau comme la température, la pluviométrie, etc. Ensuite, nous avons des stations qui étudient le sol. Elles nous permettent de voir l’humidité et la température du sol sur 120 centimètres de profondeur, avec des intervalles de 10 centimètres. Nous avons installé des caméras appelées ‘capsules temporelles’ qui suivent la pousse du houblon depuis l’extérieur de la terre pendant toute la saison. Sur certaines plantes, nous avons installé des capteurs spéciaux qui permettent d’indiquer quel est le niveau de stress de la plante et voir comment elle réagit à cela. Par exemple, s’il y a une nuit froide ou des averses, on peut voir immédiatement comment elle réagit. »

Intelligence artificielle

Photo: Ondřej Vaňura,  ČRo

La prochaine étape de ce grand projet : développer un logiciel que pourront utiliser les cultivateurs. En parallèle à la collecte de données cette année, Plzeňský Prazdroj travaille avec d’autres firmes et start-ups du monde entier, et en particulier le géant du numérique Microsoft, pour développer ce logiciel. Ce dernier fonctionnera grâce à l’intelligence artificielle, et analysera lui-même toutes les données regroupées afin d’informer les agriculteurs sur l’état de leur culture. Il indiquera également s’il est nécessaire d’arroser et si oui, quelle quantité d’eau doit être utilisée. L’année prochaine, ce logiciel sera testé sur les six exploitations où sont déjà installés les dispositifs de mesures, et en 2025, il devrait être disponible pour tous les cultivateurs de houblon de Tchéquie qui le souhaite, et même peut-être s’exporter à l’étranger.

Photo: maatcheck,  Pixabay,  Pixabay License

For Hops se veut être un projet qui apporte donc de la stabilité aux agriculteurs, une certaine garantie au producteur de bière et qui permet de s’adapter au changement climatique et même de lutter contre celui-ci en évitant de gaspiller trop d’eau. A noter cependant que ces économies d’eau restent limitées, la bière étant une production très gourmande en eau. Pour autant, Plzeňský Prazdroj travaille sur différents projets pour réduire son empreinte environnementale et a d’ailleurs reçu deux médailles dans le cadre du prix ‘Top Responsible Company 2021’. Son objectif pour 2030 : atteindre la neutralité carbone de toutes ses brasseries pour pouvoir déguster une bière vraiment durable.

Avec une moyenne de 135 litres de bière par personne par an, les Tchèques sont les plus gros consommateurs de bières au monde selon de récentes études. L’ « or de Bohême », même si plus durable, reste à consommer avec modération.