Cannabis : la législation tchèque en évolution sur le taux de THC autorisé

Cannabis

Deuxième partie de l’entretien réalisé avec Sébastien Béguerie, installé à Prague après avoir été condamné en France pour commerce de CBD.

La législation évolue en Europe et ailleurs ces dernières années sur le chanvre, avec par exemple l’autorisation du cannabis médical – notamment en Tchéquie – mais aussi les changements de taux maximal autorisé de THC contenu dans la plante pour les variétés qui ne sont pas des stupéfiants. La Suisse, qui autorise un taux de 1%, fait aujourd’hui figure d’exception, comme l’explique Sébastien Béguerie :

Sébastien Béguerie | Photo: Alexis Rosenzweig,  Radio Prague Int.

« En fait, en Europe en général aujourd’hui, le chanvre cultivé doit contenir moins de 0,3% de THC - le taux légal pour le type de plantes à usage industriel : pour les aliments et cosmétiques à base de graines ou pour les fibres utilisées notamment dans le bâtiment ou même dans l’industrie automobile. Ce taux de 0,3% convient très bien à ce type de production. »

« Mais avec le marché du CBD qui s’est développé, ce sont les sommités fleuries qui sont concernées et, pour avoir des plantes plus performantes, il y a besoin d’augmenter les taux de tous les cannabinoïdes, dont le THC. On aurait donc besoin de pouvoir augmenter la limite légale. La Suisse a franchi le pas dès 2016 en passant à 1%, ce qui donné un avantage économique au pays dans le domaine. L’Italie a également fait passer ce taux à 0,5% il y a environ deux ans. Le parlement tchèque est actuellement en train de discuter un texte (voté début juin par la Chambre des députés et bientôt examiné par le Sénat, ndlr) qui ferait passer ce taux de 0,3% à 1%, ce qui permettrait de produire ici des plantes de chanvre supérieur, spécifiques à la consommation de CBD. »

Vous avez été condamné en 2014 par la justice française, avant un arrêt de la CJUE évoqué dans la première partie de notre entretien. Votre affaire n’est pas terminée et vous retournez devant la Cour d’Appel d’Aix en Provence en octobre….

Cannabis | Photo: Štěpánka Budková,  Radio Prague Int.

« Oui, cela va faire bientôt sept ans que dure mon dossier – les joies de la justice – et ce n’est pas fini ! La dernière étape est le retour devant la Cour d’appel avec la décision sur la question préjudicielle de la CJUE qui a été en ma faveur. »

A priori vous devriez pouvoir être plutôt optimiste, avec un arrêt de la Cour de cassation fin juin en France qui a confirmé que la commercialisation de produits fabriqués à base de CBD n’était pas illicite…

« Exactement, et c’est une grande avancée. Les produits du CBD devraient faire l’objet d’un projet de loi dans pas longtemps en France. Maintenant la grosse question reste la fleur : sa vente est-elle légale ? Il ne faut pas se voiler la face : la vente de fleurs représente 80% du chiffre d’affaires des magasins spécialisés en CBD. La Belgique et le Luxembourg ont été précurseurs en matière de réglementation de la fleur : elle y est considérée comme un produit du tabac, avec une taxe énorme de 53%. Du coup, il y a peu d’acteurs capables d’être sur ce marché. »

Photo: Štěpánka Budková

« En Tchéquie, les autorités tolèrent d’une certaine manière, alors qu’en France la plante a ce côté ‘diabolique’ et le marché est beaucoup plus grand, du coup il y a quelques dérives… »

Quel genre de dérives ? Des produits de mauvaise qualité, nocifs pour la santé ?

« Oui, il peut y avoir des produits contaminés par des pesticides, des bactéries, des champignons, donc néfastes pour les consommateurs. Il y a aussi des dérives sur les taux réels - de CBD ou de THC - qui peuvent être plus élevés ou plus réduits que ceux affichés. En plus de ça, comme la fleur de chanvre doit être travaillée pour faire diminuer le taux de THC, il s’agit d’un procédé physico-chimique qui n’est pas forcément des plus sains pour le consommateur.

« Il y a une vraie nécessité d’avoir des règles claires pour assurer un produit sain au consommateur. »

Il y a aussi des additifs qui peuvent être ajoutés pour le goût, beaucoup de choses qui sont faites, sans parler de la résine qui est commercialisée sous une forme pour ressembler à du haschich mais on ne sait pas vraiment ce qu’il y a dedans, avec surtout de la gomme arabique et des additifs… Il y a donc une vraie nécessité d’avoir des règles claires pour assurer un produit sain au consommateur. »

Votre activité est-elle en pleine croissance et ce marché du CBD est-il très concurrentiel ?

Cannabis | Photo: Štěpánka Budková,  Radio Prague Int.

« Oui et oui ! Le business grandit et suite à mes procès et aux nouvelles législations, le marché devient de plus en plus important. Le CBD se popularise : en France, des grandes surfaces ont introduit des produits CBD dans leurs rayons. Il y a eu des spots publicitaires en prime time, des affiches dans le métro parisien, etc. Forcément, la demande augmente et je peux enfin en bénéficier, après avoir essuyé les pots cassés.  »

« C’est un marché très concurrentiel, notamment à cause du manque de régulations, ce qui fait que des personnes qui comme moi essaient de faire des produits de bonne qualité se retrouvent face à des acteurs moins scrupuleux aux prix cassés. Il y a également de plus en plus d’acteurs qui essaient de profiter de cette nouvelle manne. Ce n’est pas un marché facile. »