Ces « gens bien » qui inquiètent

Slušní lidé (Les gens bien), photo: ČTK
0:00
/
0:00

Cette nouvelle revue de presse propose d’abord quelques réactions aux émeutes qui ont accompagné la présentation à Brno d’une pièce de théâtre controversée. Elle se penchera ensuite sur deux questions politiques : le référendum au sein du Parti social-démocrate concernant son éventuelle participation au gouvernement d’Andrej Babiš et la possibilité pour les communistes d’influencer désormais la politique. Quelques mots enfin sur l’essor architectural que les pays tchèques ont connu entre les deux guerres et sur certains effets de la loi anti-tabac.

Slušní lidé  (Les gens bien),  photo: ČTK
Les événements liés à la présentation, samedi dernier, dans le cadre du festival Divadelní svět Brno 2018, de la pièce de théâtre intitulée « Notre violence, votre violence » ont eu un grand retentissement dans les médias. Rappelons que la pièce a suscité une importante controverse notamment en rapport avec une scène où Jésus viole une femme musulmane, et provoqué une intervention de la part d’un groupe appelé « Les gens bien » qui, en signe de protestation contre « l’art perfide », est monté sur scène pour interrompre le spectacle. Le site ihned.cz a indiqué à ce sujet :

« Il n’y a pas besoin d’être un historien pour observer que l’irruption des membres du groupe ‘Les gens bien’ sur la scène du théâtre de Brno rappelle les années 1930, une époque où les nazis ont commencé à lutter contre l’art dit ‘dégénéré. Les communistes étaient opposés à différentes expressions artistiques sous prétexte d’impératifs éthiques. Evidemment, la pièce de théâtre ‘Notre violence, votre violence‘ est controversée, pour beaucoup elle peut paraître trop provocatrice voire blasphématoire. Ce constat ne justifie pas pour autant les tentatives visant à l’interdire ou à la supprimer. L’Europe doit sa force et son caractère unique à ce qu’elle est capable de supporter des pratiques artistiques inédites et des critiques. Celles-ci peuvent toucher aussi bien les institutions politiques que les institutions sociales et religieuses. »

Le site lidovky.cz remarque pour sa part que les réactions dans les milieux chrétiens à ce spectacle ont été variées. Et d’indiquer que c’est le primat de l’Eglise catholique l’archevêque Dominik Duka qui a pris sur sa page facebook la défense des quelque milliers de personnnes « qui se sont opposées à la présentation de la pièce blasphématoire à Brno » de la façon la plus déterminée. Le site lidovky.cz cite également l’historien de la littérature catholique Martin C. Putna qui évoque dans ce contexte « l’histoire horrible de l’entente qui existait entre les deux guerres entre les fascistes et une partie des chrétiens européens. »

En attendant le résultat du référendum au sein du ČSSD

Andrej Babiš,  photo: Michal Krumphanzl / ČTK
Plus de 220 jours après les élections législatives, la République tchèque n’a toujours pas de gouvernement auquel le Parlement aurait accordé la confiance. Le cabinet démissionnaire d’Andrej Babiš a battu ainsi le record détenu à ce jour, en 2007, par le cabinet de Mirek Topolánek. Cela dit, le chef du mouvement ANO pourrait bientôt former un cabinet de coalition avec le Parti social-démocrate (ČSSD), si ses membres donnent leur aval à cette participation. En attendant le résultat du référendum lancé au sein du parti qui sera connu d’ici le 14 juin, le politologue Jiří Pehe s’est exprimé à ce sujet pour le site de l’hebdomadaire Respekt :

« Il existe des arguments et des pressions pour ou contre cette coopération et qui semblent être très équilibrés. Tout dépendra dans une grande mesure du débat qui sera mené au sein des différentes organisations locales et des sujets évoqués. Mais aussi démocratique qu’elle puisse paraître, je considère que cette façon de consultation à l’échelle nationale est malheureuse, un référendum unique pouvant apporter plus de profit. En plus, ce référendum risque d’être presque fatal pour l’avenir de la social-démocratie tchèque, car quelque soit son résultat, il accentuera le clivage en son sein. »

Si les quelque 180 000 membres du Parti social-démocrate refusaient de coopérer avec Andrej Babiš, il faudrait remanier sa direction qui pousse pour un cabinet de coalition. Or, de l’avis du politologue Jiří Pehe, la social-démocratie se trouve dans une situation sans issue, car même si cette coopération se voit plébiscitée les problèmes que le parti affronte ne vont pas s’estomper de sitôt.

Une dernière chance pour les communistes d’influencer la politique ?

Vojtěch Filip,  chef du Parti communiste avec ses collègues du parti,  photo: Michal Kamaryt / ČTK
Si un gouvernement minoritaire formé par le mouvement ANO et le Parti social-démocrate (ČSSD) finit par être formé, il devra compter sur un soutien du Parti communiste au Parlement. L’auteur d’un texte publié dans l’hebdomadaire Ekonom s’interroge sur ce que constat va signifier dans la vie pratique :

« Près de trente ans après la chute du régime précédent, les communistes sont plus proches que jamais du pouvoir car l’éventuelle formation d’un cabinet minoritaire leur permettra d’avoir une influnce sur les démarches gouvernementales. Le budget de l’Etat, les frais liés aux programmes sociaux, les subventions économiques ou encore la politique étrangère y compris l’envoi de militaires à des missions internationales. Tels sont quelques-uns des domaines qui seront, par exemple, em jeu. Avec près de 7% des suffrages obtenus, c’est paradoxalement au moment où ils ont remporté le score électoral le moins satisfaisant non seulement depuis la chute de l’ancien régime totalitaire mais aussi depuis la fondation du parti dans les années 1920 que les communistes auront des liens au pouvoir exécutif central. »

Rien qu’entre 2013 et 2017, le Parti communiste de Bohême et de Moravie a perdu environ la moitié de ses électeurs. Aujourd’hui, l’âge moyen de ces derniers tourne autour de 70 ans. Or, d’après ce que l’on peut lire dans l’hebdomadaire Ekonom, il s’agit probablement de la dernière chance des communistes d’avoir une certaine influence sur la politique et l’économie locale car aux prochaines élections ils risquent de ne même pas franchir la barre des 5 % de voix nécessaires pour entrer à la Chambre des députés.

L’architecture fonctionnaliste tchèque : un patrimoine unique

La villa Müller à Prague
En dépit des apparences, la Tchéquie constitue une puissance architecturale européenne et ce grâce à sa période d’entre-deux-guerres. C’est à cette époque-là en effet que remonte la naissance de nombreux édifices qui suscitent l’intérêt de visiteurs du monde entier. Dans un article publié dans la dernière édition du supplément Česká Orientace du quotidien Lidové noviny, son auteur, l’historien de l’architecture Zdeněk Lukeš a précisé à ce propos :

« La Première république a été un âge d’or de l’architecture tchécoslovaque. A la différence d’autres pays européens, comme la Pologne, la Hongrie ou l’Allemagne après l’arrivée au pouvoir d’Hitler ou encore l’Union soviétique de Staline, elle a pu se développer dans des conditions démocratiques. Le fonctionnalisme, notamment, a connu un grand essor. Voilà pourquoi c’est justement en République tchèque que les artistes et les théoriciens du monde entier ont l’habitude de se rendre pour admirer l’architecture fonctionnaliste et pour apprécier la quantité de ses exemples. Ceux-ci sont d’ailleurs plus nombreux qu’en France dont l’architecture était, à cette époque-là, très conservatrice. »

Savons-nous protéger ce patrimoine culturel unique ? Une question que l’auteur du texte soulève par la suite avant de répondre :

« Des soins de qualité ont été accordés à trois édifices mondialement connus : la villa Tugendhat à Brno, la villa Müller à Prague et le gratte-ciel Baťa à Zlín. Pour certains autres édifices qui sont insrcits sur la liste du patrimoine national, des travaux de rénovation sont prochainement prévus. D’un autre côté, nombre de bâtiments sont dans un état déplorable et ne suscitent pas l’intérêt qu’ils mériteraient. D’autres encore ne pourront pas être sauvés, car ils n’existent plus. »

Les premiers effets positifs de la loi anti-tabac

Photo illustrative: Štěpánka Budková
Au cours de la première année qui s’est écoulée depuis l’adoption de la loi anti-tabac en République tchèque, l’une des plus sévères à l’échelle européenne, ses effets se font d’ores et déjà sentir. C’est du moins ce qu’affirme dans un entretien pour le quotidien Mladá fronta Dnes le spécialiste en addictologie, Adam Kulhánek :

« La recherche que j’ai effectuée pendant douze mois auprès des malades dans un hôpital praguois a montré que les personnes suivies ont réduit leur consommation de tabac en moyenne de deux à trois cigarettes par jour. Cela dit, il serait prématuré d’en déduire que cette tendance va se poursuivre, car d’après les expériences étrangères, il faut d’habitude au moins deux ans de recherche pour constater des effets clairement favorables. Fumer trois cigarettes de moins par jour ne constitue pas une réduction considérable, il est vrai, mais elle a pourtant une certaine importance. »

Le journal Mlada fronta Dnes rapporte en outre que d’après les données recueillies par l’Institut national des informations et statistiques relatives au secteur de la santé, c’est aussi le nombre d’infarctus recensé au cours de la même période qui a baissé. Un constat que les médecins mettent également en rapport avec l’adoption de la loi anti-tabac.