Climat : en Tchéquie, la production de neige de culture en octobre qui passe mal

Ještěd

Préserver la nature tout en faisant des économies d’énergie. Et, parallèlement, commencer à produire, en prévision de la saison de sports d’hiver, de la neige de culture dès le mois d’octobre. Les deux sont-ils compatibles ? C’est la question qui se pose en République tchèque depuis que, la semaine dernière, les exploitants de la station de Ještěd, en Bohême du Nord, ont publié une photo montrant la première neige déjà ainsi produite.

Un mois ou presque après l’arrivée de l’automne, c’est d’une météo quasi estivale dont ont profité les Tchèques ces derniers jours. Dimanche et lundi, avec des thermomètres qui, partout dans le pays, ont affiché des températures supérieures à 20 °C, de nouveaux records de douceur - ou de chaleur, c’est selon - ont été établis pour une mi-octobre.

A l’approche de la Cop 27 sur les changements climatiques, qui s’ouvrira le 6 novembre prochain à Charm el-Cheikh (Egypte), et après un été une fois encore marqué par la sécheresse dans de nombreux endroits du monde, le fait que dans une station de ski comme celle de Ještěd, située à moins de 1 000 mètres d’altitude, les canons à neige tournent alors que les conditions climatiques, a priori, ne s’y prêtent pas encore, interpelle forcément. Sur le fond comme sur la forme.

Mardi, la Radio tchèque a consacré son podcast d’actualité quotidien à la question du bien-fondé et de la symbolique de cet enneigement artificiel en octobre, à plus d’un mois, au mieux, de l’ouverture des premières stations de ski en République tchèque. Autrement dit, une telle pratique, qui réclame d’importantes consommations d’énergie et d’eau, est-elle morale dans le contexte climatique actuel ? Journaliste au sein de la rédaction scientifique de la Radio tchèque, Štěpán Sedláček place toutefois la production de réserves de neige à Ještěd dans son contexte spécifique :

« L’utilisation concrètement de l’enneigeur SnowFactory, comme cela est le cas à Ještěd, est déjà très répandue. Elle permet de produire de la neige de culture à partir d’eau sans additifs chimiques jusqu’à une température de 15 °C. Suite aux réactions qu’a suscitées la publication de leur photo, les exploitants de la station à Ještěd ont rappelé que de la neige de ce type avait déjà été produite en octobre l’année dernière. Et personne n’avait rien trouvé à y redire. Aujourd’hui, les stations de ski comptent donc de plus en plus sur cette neige de culture, la neige naturelle se faisant de plus en plus rare. Donc, à partir du moment où les conditions s’y prêtent, cela ne me surprend pas plus que cela que l’on en produise. Mais je sais aussi que d’autres stations de ski ont critiqué cette pratique. »

Photo illustrative: Tomáš Vodňanský,  ČRo

Les exploitants de la station de Jěštěd, qui se sont défendus en expliquant faire tourner l’enneigeur aux moments de la journée où les prix de l’électricité sont les plus faibles, ont bien évidemment fait l’objet de nombreuses critiques. Mais comme le rappelle le naturaliste Jiří Flousek, responsable du département en charge de la protection de la nature de l’Administration du Parc national de Krkonoše (Monts des Géants, KRNAP), dans le nord-est de la Bohême, la production de neige de culture dans un pays où le plus haut sommet s’élève à 1 602 mètres, est devenue au fil des années une nécessité vitale pour la très grande majorité des stations de sports d’hiver en République tchèque :

« En raison du changement climatique et de la hausse des températures, aucune station de ski digne de ce nom dans les Monts des Géants ne peut plus se passer aujourd’hui de l’enneigement artificiel d’un point de vue économique. La surface de pistes enneigées de la sorte a augmenté d’année en année. Il existe aujourd’hui environ 150 pistes de ski dans les Monts des Géants sur une surface totale d’un peu plus de 650 hectares, et au moins deux tiers d’entre elles sont enneigées artificiellement sans quoi elles ne pourraient pas être exploitées. Vous imaginez donc ce que cela représente pour la nature. »

Soulignant que la neige de culture ainsi produite à cette période de l’année ne fondrait pas d’ici l’hiver si elle est stockée à l’ombre, les défenseurs de cette production jugée trop précoce par certains rappellent, eux, que la pratique des sports d’hiver est devenue un enjeu économique énorme en République tchèque ces vingt dernières années. Et que beaucoup de services et d’activités dépendent de la fréquentation des stations.