Confinement : « Les Suisses étaient aussi disciplinés que les Tchèques »
Comment les Tchèques vivant à l’étranger ont-ils vécu la crise sanitaire et le confinement dans leurs pays respectifs ? Quelle est leur expérience en comparaison avec ce qui s’est passé dans leur pays d’origine ? Nous poursuivons notre série d’entretiens avec, cette fois, Alžběta Ruschková, notre collègue de Radio Prague qui réalise actuellement une thèse sur le théâtre contemporain dans la Suisse romande. Elle nous raconte comment se passe le déconfinement à Genève.
« A Genève, la situation se calme peu à peu, le nombre de nouveaux cas de coronavirus est en baisse, les commerces commencent à rouvrir, les enfants sont retournés à l’école… On ne réalise plus vraiment que le pays était touché par la pandémie il y a quelques semaines de cela. »
La Suisse est un pays plus petit en termes de superficie et de nombre d’habitants que la République tchèque, mais elle a été plus touchée par la pandémie de coronavirus : plus de 30 800 personnes y ont été infectées et 1 600 malades sont décédés, comparé à la Tchéquie qui dénombre quelque 300 décès pour plus de 9 000 cas de contamination. Comment les autorités suisses ont-elles géré la situation ?
« Effectivement, la Suisse a été plus touchée par le coronavirus et il y a plusieurs raisons à cela : tout d’abord, le virus est apparu ici plus tôt qu’en République tchèque : il s’est propagé de l’Italie voisine. De façon générale, les frontaliers originaires d’Italie, de France et d’Allemagne sont très nombreux à travailler en Suisse, donc le pays a été touché de tous les côtés. Personnellement, je trouve que les autorités locales ont très bien géré la situation. Il est vrai que les mesures de restriction ont été instaurées un peu plus tard qu’en Tchéquie, mais c’est dû au fait que les cantons suisses sont beaucoup plus autonomes que les régions tchèques par exemple. »
« Au départ, il était difficile pour le gouvernement d’imposer des mesures au niveau national, car chacun des cantons gérait la situation différemment. Mais quand la situation s’est aggravée, la fédération a agi de manière organisée, en prenant presque les mêmes mesures de protection que la République tchèque : les frontières ont été fermées, de même que les commerces, les restaurants et les écoles, les rassemblements ont été limités à cinq personnes. Le port du masque n’a pas été obligatoire, en revanche on a mis un accent particulier sur le respect de la distanciation sociale. Cette règle est toujours en vigueur, les grands rassemblements ne sont pas recommandés par le gouvernement. »
En République tchèque, les professionnels de santé se sont plaints de la pénurie de matériel de protection pendant cette crise sanitaire. Qu’en était-il en Suisse ?
« Je pense que les hôpitaux étaient bien équipés, en tout cas celui de Genève, dans les autres cantons, la situation a peut-être été différente. Par ailleurs, si le gouvernement suisse n’a pas rendu obligatoire le port du masque, c’était justement, comme il l’a affirmé, pour équiper plutôt les établissements médicaux que la population. »
Les médias ont rapporté que début mai, des centaines de personnes ont manifesté à Berne et dans d’autres villes suisses contre le confinement, estimant que les restrictions décidées par les autorités violaient leurs droit fondamentaux. Ces manifestations ont-elles eu beaucoup d’écho en Suisse ?
« A vrai dire, je ne les ai pas remarquées… Evidemment, certains personnes, en Suisse comme en Tchéquie, ont peut-être été mécontentes et jugeaient les restrictions anti-démocratiques, mais dans leur ensemble, les Suisses étaient très disciplinés pendant la crise sanitaire et soutenaient le gouvernement dans sa démarche. Moi-même et tous mes amis et connaissances, nous avons respecté au plus près ce qui a été décidé par les autorités. »
Vous connaissez bien le milieu scolaire, cas vous préparez votre doctorat à l’Université de Genève et vous enseignez également à l’Ecole tchèque sans frontières à Genève. Cette école fait partie d’un réseau mondial d’écoles qui proposent aux enfants bilingues un enseignement en tchèque : les cours ont-il repris dans votre école? Et quid de votre université ?
« L’Université de Genève a été l’un des premiers établissement du genre à avoir lancé, encore avant le début officiel du confinement, des cours en ligne. Les conférences ont été données via la plateforme zoom et tout s’est très bien passé. L’isolement social était plus problématique à mon sens, car sur Internet, on n’a pas le même contact avec les professeurs et les collègues. Quant à l’Ecole tchèque sans frontières, l’enseignement était plus compliqué : mes élèves ont huit ans et il leur faut être soutenus par leurs parents. Nous continuons à dispenser des cours en ligne, car deux tiers de nos élèves habitent en France et il serait compliqué pour leurs parents de les emmener à Genève. Cette école tchèque à distance se déroule très bien, nous arrivons à faire le même travail qu’en classe et les enfants sont contents d’être en contact, de se voir au moins à travers l’ordinateur. »
En République tchèque, les écoles primaires ont rouvert partiellement leurs portes à la fin du mois de mai. Mais cette reprise des cours se fait sur la base de volontariat. Quelle est la situation en Suisse ?
« En Suisse, les écoles primaires ont rouvert le 11 mai et l’enseignement y est à nouveau obligatoire. Pour ce qui est des cycles et des collèges, ce qui correspond aux collèges et lycées français, les cours vont reprendre début juin, dans quelques jours. »
Y a-t-il encore une comparaison à faire entre les deux pays ?
« Le confinement s’est passé de la même manière en Suisse qu’en République tchèque. Je crois qu’il convient de parler plutôt d’un semi-confinement que d’un véritable confinement qui a été instauré par exemple en France. Nous pouvions quand même sortir, prendre l'air… Toutefois, je crois que la communication des informations par les autorités a été meilleure en Suisse qu’en Tchéquie. Même à présent, pendant le déconfinement, tout est bien et clairement expliqué, tandis que le gouvernement tchèque communique de façon assez ambigüe. »