Coronavirus : de nombreux footballeurs professionnels en République tchèque confrontés à la précarité
Dans plusieurs pays en Europe, en France notamment, des accords ont été trouvés ces dernières semaines entre les clubs de sport professionnels et les joueurs pour baisser provisoirement les salaires de ces derniers afin de soulager, en période d’inactivité en raison de la crise du coronavirus, la trésorerie des clubs. En République tchèque aussi, des accords similaires ont été passés dans quelques clubs. Mais pour nombre de joueurs évoluant dans les deux premières divisions des championnats de football, le risque de précarité est grand.
Récemment, devant le Sénat, la ministre des Finances, Alena Schillerová (mouvement ANO), a fait part de son étonnement que certains footballeurs professionnels puissent formuler une demande pour obtenir cette indemnité. « Je laisse le soin à ces footballeurs et à leur approche morale de choisir. Mais je pense qu’ils ne devraient pas faire la demande », avait-elle déclaré.
Cette déclaration a fortement déplu dans le milieu du football. Directeur sportif de l’Association tchèque des joueurs de football, Pavel Hašek considère que beaucoup parmi eux sont actuellement confrontés à des problèmes existentiels :« Je ne comprends pas du tout de quoi on parle ici. Les joueurs en République tchèque ont un statut d’auto-entrepreneur et ce ne sont pas eux qui l’ont inventé. La déclaration de madame la ministre était pour le moins très malheureuse. Cela provient sans doute de sa méconnaissance de la situation financière et des conditions de travail dans le football tchèque. Comme beaucoup de gens, elle se fait une fausse idée du niveau de vie des joueurs. Si elle était un peu mieux informée, elle saurait que tous les footballeurs ne sont pas des millionnaires. »
Malgré les recommandations faites en la matière par les instances internationales, la République tchèque reste un des derniers pays en Europe où les footballeurs professionnels, soit la très grande majorité des joueurs de première et deuxième divisions, ne sont pas des employés des clubs dont ils portent le maillot. Bien qu’ils soient liés aux clubs qui les paient selon un contrat à durée déterminée, ils exercent leur activité de manière indépendante en qualité d’auto-entrepreneurs et sont donc rémunérés via des factures. Pour les clubs tchèques, ce système présente l’avantage qu’il appartient ensuite aux joueurs de prendre en charge les cotisations sociales.
Monnaie courante sur le marché du travail tchèque, ce statut est tout à fait conforme à la législation locale. Il est en revanche beaucoup moins répandu dans le monde du football et plus généralement du sport professionnels à l’étranger, où la relation de travail entre un club et un joueur est le plus souvent une relation d’employeur-employé. Pavel Hašek précise concrètement pourquoi les footballeurs tchèques ont un statut particulièrement précaire :« 90% des joueurs sont touchés par la situation actuelle et ont tout à fait le droit de demander cette aide de 25 000 couronnes. Le plus souvent, les joueurs touchent un salaire de base fixe dont le montant minimal autorisé est de 10 000 couronnes (370 euros). Le reste de leurs revenus dépend alors de leurs performances sur le terrain avec des primes dont les montants, selon les clubs et le statut et l’expérience des joueurs, varient en fonction du nombre de matchs joués, du nombre de victoires, du classement de l’équipe, parfois de buts marqués, etc. Donc, quand il n’y a pas de compétitions comme en ce moment, il n’est pas difficile d’imaginer que beaucoup de joueurs ont des difficultés à joindre les deux bouts à la fin du mois. »
Président de l’Union des joueurs de football, Tomáš Pešír s’est lui aussi empressé de monter au créneau suite à la déclaration de la ministre des Finances :« Je ne vois aucun problème à ce qu’un joueur de Varnsdorf, de Hradec Králové (deux clubs de 2e division) ou des Bohemians Prague (qui possède un des plus petits budgets en 1ère division) demande cette allocation de 25 000 couronnes. Il n’y a absolument rien d’immoral là-dedans. Tout le monde n’a pas la chance d’être bien payé en jouant au Slavia, au Sparta ou à Plzeň. »
Directeur exécutif du Baník Ostrava, qui figurait à la quatrième place du classement de la Fortuna Liga avant son interruption, Michal Bělák confirme que tous les joueurs ne sont pas des privilégiés, loin s’en faut. Mais puisque les clubs sont eux aussi confrontés à une pénurie de trésorerie en raison de l’absence des différents revenus découlant de la tenue des matchs, toutes les parties concernées par la crise ont été contraintes de trouver un terrain d’entente :
« Chez nous, les revenus de certains joueurs qui appartiennent à l’effectif professionnel et jouent en équipe première sont inférieurs au salaire moyen pour l’ensemble de la population (environ 34 000 couronnes – près de 1 300 euros). En outre, le club a convenu avec les joueurs d’une réduction de leurs salaires de 25%, et comme il n’y a pas de matchs, ils ne touchent actuellement aucune prime. Ils sont donc quelques-uns à souffrir de la situation. »Selon les données communiquées par l’Union des joueurs de football, environ 80% des joueurs de deuxième division en République tchèque possèdent un revenu mensuel avoisinant les 34 000 couronnes. Un montant qui concerne également 20% des joueurs de l’élite en première division.