Cour constitutionnelle : le passé communiste de Robert Fremr ne passe pas
Le juge Robert Fremr a finalement renoncé à sa candidature à la Cour constitutionnelle. Malgré une brillante carrière y compris à l’échelle internationale, le magistrat restait encore, en Tchéquie, intimement lié à de nombreux jugements, considérés comme politiques, rendus dans les années 1980 sous l’ancien régime communiste. Le président de la République, Petr Pavel, a annoncé qu’il respectait sa décision.
« Je déclare par la présente renoncer à la candidature au poste de juge constitutionnel. Je tiens à souligner que j’ai pris seul cette décision. Personne ne m’a forcé à agir de la sorte. J’ai consulté le président qui a compris mes motifs et a accepté ma décision. »
Vice-président actuellement de la Cour supérieure de Prague, Robert Fremr, a finalement choisi, lundi, de retirer sa candidature à la Cour constitutionnelle. Même si la plupart des médias se sont comportés « de manière juste », selon lui, il a néanmoins reconnu que la pression médiatique exercée par certains d’entre eux ces dernières semaines était devenue « insupportable » pour lui et sa famille. Le juge a également expliqué qu’il ne souhaitait pas non plus que sa présence au sein de la plus haute cour de l’ordre juridictionnel tchèque entache la crédibilité de celle-ci aux yeux du public :
« Je dois admettre que je ne suis pas parvenu à éliminer de façon convaincante la méfiance d’une partie de la société à l’égard des activités de la justice tchèque avant novembre [1989]. Je reconnais que la confiance de la société en ses juges constitutionnels est un élément essentiel. […] Or, je ne voulais pas que la méfiance à mon égard nuise à la crédibilité de toute la Cour. »
Diplômé de la Faculté de droit de l’Université Charles à Prague, Robert Fremr a exercé ces dernières années dans les plus grandes cours de justice internationales, notamment à la Cour pénale internationale. Malgré sa brillante carrière, l’actuel vice-président de la Cour supérieure de Prague n’est cependant pas parvenu à faire oublier ses activités sous l’ère communiste. Ou plus précisément son passé est-il soudainement remonté à la surface et a-t-il rattrapé Robert Fremr.
La semaine dernière, archives à l’appui, l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires a ainsi révélé qu’entre 1983 et 1985, Robert Fremr avait condamné 172 personnes dans 124 affaires d’émigration illégale, à une époque où quitter la Tchécoslovaquie pour l’Ouest était puni par la loi. Le nom du juge reste aussi intimement lié à l’affaire dite du cimetière d’Olšany, manipulée par l’ancienne police secrète StB, dans laquelle trois jeunes, dont l’un des pères avait fui en Occident, ont été condamnés pour une centaine de chefs d’accusation.
Sur les réseaux sociaux, le chef de l’État, Petr Pavel, a indiqué respecter la décision du magistrat tout en précisant que cela ne changeait rien au fait qu’il le considérait comme « un expert à la réputation professionnelle indéniable, reconnu dans le monde entier et l’un des meilleurs magistrats pénaux [du] pays. » Le président du Sénat, Miloš Vystrčil (ODS), a lui jugé que le renoncement de Robert Fremr était la « meilleure des mauvaises solutions ». Pour rappel, la Chambre haute du Parlement avait donné, fin juillet, son feu vert à sa nomination.
Il y a quelques semaines, le choix du comité consultatif du président de proposer le nom de Robert Fremr pour le renouvellement de la Cour constitutionnelle avait été critiqué par un certain nombre de politologues et juristes tchèques. Ceux-ci reprochaient au comité de ne pas s’être suffisamment penché sur le passé du candidat.
Interrogé par iROZHLAS.cz, le site d’information de la Radio tchèque, le constitutionnaliste Jan Kysela, qui siège au sein de l’équipe consultative du président, est revenu sur la décision du comité et a reconnu des lacunes :
« A l’avenir, cela pourrait être évité […]. Nous ne chercherons plus d’autres candidats dans cette tranche d’âge et avec cette expérience professionnelle. Nous avions considéré que M. Fremr disposait d’une excellente réputation. […] C’est une personne qui a travaillé dans deux tribunaux internationaux avec d’excellents résultats. Ainsi, il nous a semblé que ces avantages l’emportaient sur ce que nous considérions alors comme un inconvénient ou un handicap, à savoir sa brève adhésion au Parti communiste. Nous n’avions aucune information sur les affaires spécifiques des années 1980 et – pour être honnête – presque personne n’en avait. »
Le nom du nouveau candidat, qui remplacera Robert Fremr, devrait vraisemblablement être connu en septembre. Le président tchèque a parallèlement déjà approuvé la nomination de cinq nouveaux juges à la Cour constitutionnelle : Josef Baxa (désormais président de la Cour), Daniela Zemanová, Veronika Křesťanová, Kateřina Ronovská et Jan Wintr.