Presse : la Tchéquie dit non aux sportifs et aux artistes russes

Sur la base de deux affaires récentes, cette nouvelle revue de presse se penche sur la position de la République tchèque quant à l’accueil de sportifs et d’artistes russes sur son territoire. Autres sujets traités : la question de savoir si le poids des erreurs commises sous le régime communiste joue un rôle aujourd’hui encore, la volonté de la Turquie d’installer à Prague une statue dédiée à son premier président Atatürk ou encore l’intérêt des étudiants et des enseignants slovaques pour les universités tchèques.

Faut-il ou non permettre aux athlètes et aux artistes russes de se présenter en Tchéquie ? La question est plus que jamais d’actualité, quelques jours après la recommandation de la municipalité de Prague d’annuler la représentation à Prague de la diva d’opéra russe Anna Netrebko et le récent renvoi par la police de l’aéroport de Prague d’une joueuse de tennis russe, dûment enregistrée pour le tournoi WTA. L’éditorialiste du journal Deník a écrit à ce propos :

« La question divise le public local en deux camps. L’un dit que les Russes n’ont pas leur place dans les compétitions internationales à moins qu’ils ne condamnent explicitement l’invasion russe de l’Ukraine. L’autre affirme que les athlètes ne sont pas responsables de la guerre et qu’ils ne devraient donc pas faire l’objet de discriminations individuelles. »

L’occasion pour l’éditorialiste du journal de rappeler que dans le passé, à l’exception de l’invasion soviétique de l’Afghanistan, l’agression n’a pas été un motif d’exclusion des compétitions pour des individus ou des équipes :

« Personne n’y a pensé, par exemple, après l’occupation soviétique de la Tchécoslovaquie en 1968. Et certainement pas après la conquête de l’Irak par George Bush Jr. Les pays qui violent brutalement les droits de l’Homme ne sont pas non plus sanctionnés. Les athlètes de tous les pays se sont réunis pour les Jeux olympiques de Berlin, alors que les lois de Nuremberg étaient déjà en vigueur. Autre exemple : en Allemagne, Karel Gott n’a pas été considéré comme un protégé du régime communiste, mais comme un chanteur admirable. Ou encore Emil Zátopek qui n’était pas connu comme l’officier de l’armée d’un pays qui opprimait durement ses opposants, mais comme un héros sportif et un homme sympathique. »

Alors pourquoi soudain la Russie ?, s’interroge le publiciste avant de constater que pour les fédérations sportives et pour les agences artistiques les décisions à prendre en la matière son aujourd’hui difficiles.

Un passé lié au régime communiste : un poids qui ne compte plus ?

Ce mercredi, le Sénat a donné son aval à la nomination, par le président de la République, de trois nouveaux juges constitutionnels. Le débat qui a précédé le vote a été très animé, la Chambre haute étant divisée quant à la nomination de Robert Fremr, un juge internationalement reconnu qui avait, par exemple, siégé au Tribunal pénal international pour le Rwanda. L’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt a expliqué :

Robert Fremr | Photo: Tomáš Černý,  ČRo

« Il s’est avéré que ce dernier avait condamné en 1988 un jeune homme dans un procès politisé sur le fondement de fausses preuves transmises par la StB (service de renseignement tchécoslovaque). L’un des enjeux du débat était donc de savoir si le juge se rendait compte que le procès se déroulait sous la baguette de la StB ou non. »

Pour le commentateur du journal Hospodářské noviny, le débat qui a eu lieu au Sénat a fait émerger une question plus fondamentale encore. Celle de savoir quelle importance il y a lieu d’attribuer aujourd’hui à ce que les candidats à de hautes fonctions faisaient sous le régime communiste. « N’est-il pas temps de les évaluer plutôt en fonction de ce qu’ils ont fait sous le nouveau régime démocratique ? », se demande-t-il :

« Evidemment, cela ne concerne pas ceux qui faisaient directement partie de l’appareil répressif et des agents de la StB. Il s’agit de ceux qui n’ont tout simplement pas trouvé assez de force morale et de courage pour rejeter le régime en tant que tel. Si ces personnes regrettent aujourd’hui de façon sincère et authentique leur comportement dans le passé, comme le président Petr Pavel ou le juge Robert Fremr, et si leur parcours professionnel et moral est incontestable après 1989, elles devraient bénéficier d’une grâce de la part de la société avec tous les avantages qui en découlent. Une société sans pitié est toujours pire que celle qui pardonne. »

« Eu égard au principe du pardon pour une culpabilité avouée, qui est l’un des fondements de la civilisation occidentale, il faut saluer l’ascension à la Cour constitutionnelle de Robert Fremr », estime l’éditorialiste du journal économique.

Une statue dédiée à Mustafa Kemal Atatürk à Prague ?

« La Turquie souhaite ériger une statue de son fondateur Mustafa Kemal Atatürk à Prague pour marquer le centenaire de la fondation de la république. » Voilà ce qu’a rapporté le quotidien Deník N avant de préciser :

Mustafa Kemal Atatürk | Photo: Australian War Memorial,  public domain

« C’est dans le 6e arrondissement de Prague que la partie turque souhaite installer la statue d’ici le 29 octobre. Le conseil municipal local étudie la demande ; le maire, lui, n’y voit pas d’inconvénient. L’important pour lui c’est qu’Attatürk ait été le fondateur de la Turquie laïque. Il s’attend cependant à ce que l’emplacement éventuel de la statue soulève une polémique houleuse. D’autant plus qu’il n’y a aucun lien entre le défunt président et Prague. »

Le publiciste du journal raconte qu’il y a huit ans, les Turcs avaient échoué avec le même projet à Karlovy Vary, où le premier président turc avait été soigné en 1918, en raison des protestations arméniennes. Il rappelle également que la Turquie s’était vivement offusquée de la condamnation officielle par le Parlement tchèque, en 2017, du génocide des Arméniens et d’autres minorités nationales et religieuses sur le territoire de l’Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale. Et d’ajouter :

« A l’instar d’autres pays, l’installation de statues de personnages historiques dans l’espace public est un problème croissant depuis quelques années en Tchéquie. Ainsi, dans le quartier de Dejvice à Prague, par exemple, la statue dédiée au maréchal soviétique Koniev a été retirée par la mairie il y a trois ans à cause des protestations du public. La dégradation d'une statue de Winston Churchill avec des slogans anti-racistes a aussi suscité la controverse. »

L’intérêt des Slovaques pour les universités tchèques

Les universités tchèques sont très populaires auprès des étudiants slovaques. Parmi les quelque 50 000 étudiants étrangers qu’elles accueillent, ils représentent  le groupe le plus important, suivi des ressortissants russes et ukrainiens. Des centaines d’enseignants de nationalité slovaque travaillent par ailleurs dans les universités du pays. A l’approche des élections législatives en Slovaquie, pays voisin de la Tchéquie, prévues fin septembre, le publiciste du site hlidacipes.org a estimé :

« Au cours du dernier semestre, les Slovaques constituaient 5 % de l’ensemble des adeptes aspirant en Tchéquie à des postes académiques ou à d’autres postes liés à l’enseignement. En cas de victoire électorale de l’ex-Premier ministre Robert Fico, principale figure de la scène populiste et nationaliste slovaque, on peut s’attendre à ce que cet intérêt augmente considérablement. Une spéculation, dont le bien-fondé sera mis à l’épreuve d’ici le début de la nouvelle année universitaire à la mi-septembre. »

Les enseignants slovaques, comme l’indique le publiciste du site hlidacipes.org, sont quant à eux particulièrement représentés dans les universités moraves, à Brno, Olomouc, Ostrava et à Zlín.