Le président suspend la nomination du juge Robert Fremr à la Cour constitutionnelle

 Petr Pavel et Robert Fremr

Le juge Robert Fremr est rattrapé par son passé dans les années 1980 sous le régime communiste. Sa potentielle nomination à la Cour constitutionnelle a suscité la controverse dans le pays, poussant le président de la République, Petr Pavel, à ajourner sa décision, le temps de la réflexion.

La nomination à la Cour constitutionnelle du juge Robert Fremr sera-t-elle une affaire classée sans suite ? Mercredi 2 août, le Sénat tchèque a donné son aval à la nomination du magistrat. Toutefois, lors d’un déplacement lundi au siège de la Cour constitutionnelle tchèque à Brno, le président Petr Pavel, entouré de l’ancien et du nouveau président de la Cour, a annoncé qu’il ne nommerait pas dans l’immédiat le juge sans avoir davantage d’éléments sur les agissements du magistrat sous le régime communiste :

« En réaction aux dernières discussions très passionnelles concernant la nomination du docteur en droit Robert Fremr en tant que juge constitutionnel, je souhaiterais souligner que j’aborde cette question avec beaucoup de sérieux et de responsabilité. […] De nouveaux éléments sont apparus et je ne veux pas agir précipitamment. Je souhaite laisser le champ ouvert à l’étude de ces éléments. C’est uniquement sur la base d’un examen approfondi et d’une évaluation des faits anciens et nouveaux soulevés par des experts indépendants de notre histoire moderne et du droit que je tirerai ensuite une conclusion et que j’accepterai le cas échéant la décision de nomination. »

Robert Fremr | Photo: Tomáš Černý,  ČRo

Né en 1957 à Prague, Robert Fremr est un magistrat aguerri. Diplômé de la Faculté de droit de l’Université Charles, il est spécialisé en droit pénal et international. Gravissant progressivement les échelons, il a exercé à partir de 1989 à la Cour suprême de la République puis en 2004 à la Cour suprême. De 2006 à 2008 et de 2010 à 2011, il a siégé au Tribunal pénal international pour le Rwanda. Il est devenu en 2011 le premier juge tchèque à la Cour pénale internationale. Il est actuellement le vice-président de la Haute Cour de Prague.

Les débats quant à la nomination du magistrat à la Cour constitutionnelle sont intrinsèquement liés au rôle du juge durant l’ère communiste. Il est notamment impliqué dans l’affaire du cimetière d’Olšany remontant à 1988, dans laquelle il a condamné trois jeunes accusés d’une centaine de crimes dont le plus grave, celui de vandalisme pour avoir endommagé des monuments en l’honneur de soldats soviétiques dans le cimetière d’Olšany. De récents éléments révèlent cependant que le dossier avait été manipulé par la StB, le service de renseignement tchécoslovaque, alors que le père d’un des accusés avait quitté le pays pour l’Occident.

Marek Hilšer | Photo: Martin Vaniš,  Radio Prague Int.

Selon le sénateur Marek Hilšer (STAN), le juge aurait également condamné une centaine de personnes dans des affaires de fuites vers l’Ouest entre 1983 et 1985. Pour l’élu de la Chambre haute, le magistrat n’a donc pas sa place à la Cour constitutionnelle :

« Il est responsable des décisions qu’il a rendues. Je pense qu’il n'est pas juste qu’il figure parmi les postes les plus élevés de la Cour constitutionnelle. C’est une institution qui doit jouir d’une grande confiance au sein de la société car c’est elle qui façonne la justice dans notre pays. »

L’ancienne juge de la Cour constitutionnelle, Eliška Wagnerová, invite néanmoins à prendre du recul et précise :

Eliška Wagnerová | Photo: Filip Jandourek,  ČRo

« A vrai dire, les reproches auraient dû être formulés dans les années 1990, lorsqu’il est devenu juge dans un nouveau cadre démocratique. Je doute que quelqu’un le lui en ait tenu rigueur à l’époque. […] Beaucoup de juges traitaient alors de ce type d’affaires [d’émigration illégale] et c’est encore le cas aujourd’hui. »

Le président Petr Pavel a annoncé lundi qu’il avait l’intention de discuter du sujet à tête reposée avec le président du Sénat et les sénateurs prochainement avant de se prononcer. De son côté, Robert Fremr a confié qu’il respectait la décision du président et qu’il ne voulait « pas faire de commentaire pour le moment ».

La Cour constitutionnelle | Photo: Tomáš Adamec,  ČRo

En République tchèque, la Cour constitutionnelle est l’organe juridictionnel qui veille au bon respect de la Constitution. Elle est composée de quinze juges nommés pour une période de dix ans.

La nomination des juges, du président et des vice-présidents de la Cour est la prérogative du président de la République. L’article 84 de la Constitution tchèque dispose que « peut être nommé juge à la Cour constitutionnelle tout citoyen irréprochable, éligible au Sénat, qui a une formation juridique supérieure et a exercé pendant au moins dix ans une profession juridique ».