Dans la région de Karlovy Vary, l’ONG Khamoro facilite l’accueil des Roms d’Ukraine
Plus de 350 000 personnes ayant fui la guerre en Ukraine ont trouvé refuge en République tchèque. Parmi eux, plusieurs milliers de Roms. Leur accueil s’avère tout aussi problématique que l’intégration des 250 000 Roms tchèques, dont près de la moitié vivent dans des localités défavorisées.
De nombreuses ONG tchèques viennent en aide aux réfugiés roms d’Ukraine, qui peinent à régulariser leur situation en République tchèque et à trouver un logement décent. Parmi elles, l’association Khamoro fondée et dirigée par Emil Voráč, lui-même Rom. Depuis plusieurs années, Khamoro s’engage en faveur de la population rom dans la région de Karlovy Vary, dans l’ouest de la République tchèque. Au micro de Radio Prague International, Emil Voráč a expliqué :
« Avec l’ONG Romodrom, nous nous occupons spécifiquement de réfugiés roms. Nous trouvons qu’ils ne sont pas traités par les autorités tchèques de la même manière que les Ukrainiens de souche, alors nous nous concentrons spécifiquement sur eux, pour trouver un équilibre dans cette situation. »
« Notre association les prend en charge au moment où ils ont réglé toutes les formalités administratives, c’est-à-dire à partir du moment où ils ont obtenu le visa. Nous leur apportons une aide matérielle, mais surtout, nous essayons de faciliter l’accueil des réfugiés roms dans les communes, où ils sont hébergés, pour qu’ils y soient acceptés par les populations locales. »
Comment se passe votre aide plus précisément ? Pour combien de Roms d’Ukraine avez-vous déjà trouvé un hébergement ?
« Nous venons d’héberger 35 personnes qui sont arrivées à Prague il y a quelques jours. Il s’agit de mères avec enfants. Nous avons loué pour eux, auprès d’un particulier, une grande maison rénovée, un ancien hôtel en fait, où il y a six appartements. Le bâtiment se trouve dans la région de Karlovy Vary, mais je ne peux pas être plus concret. En tout, nous avons hébergé près de 90 Roms d’Ukraine, principalement dans des appartements. »
« Nous leurs fournissons une aide alimentaire et matérielle : des vêtements, de l’équipement, des jouets… Pour les enfants, nous organisons des activités de loisirs. Nous essayons de les familiariser les réfugiés avec le nouveau milieu, toujours en coopération avec les municipalités, les organisations locales et les écoles. Par exemple, dix-neuf réfugiés roms vivent désormais dans la ville de Horní Slavkov. Tous les enfants de cette communauté sont scolarités. »
Qui sont ces réfugiés roms ? De quelles régions d’Ukraine viennent-ils ?
« Tous n’ont pas été directement touchés par la guerre. Mais certains d’entre eux viennent effectivement des régions où se déroulent de lourds combats, c’est le cas par exemple des 35 réfugiés dont je viens de parler. Ils sont originaires de Marioupol. Je connais une famille rom arrivée en Tchéquie qui a perdu sept membres, sept jeunes hommes, dans cette guerre. Il n’y a que des femmes avec enfants qui arrivent ici. Jusqu’à présent, nous n’avons accueilli aucun homme dans notre région. »
Les médias tchèques ont évoqué des Roms nomades d’Ukraine qui affluent en République tchèque. Est-ce correct, selon vous ?
« Non, pas du tout. C’est une image stéréotypée des Roms, diffusée malheureusement par les médias et même certains responsables politiques tchèques, une image partagée par la majorité de la population. Certains réfugiés ont, certes, besoin d’une approche plus spécifique, ils ne savent pas s’adapter immédiatement à la vie dans de nouvelles conditions. Mais la plupart des gens avec lesquels nous avons travaillé habitaient dans leurs maisons ou appartements en Ukraine, où ils cohabitaient avec la population majoritaire. »
« Je ne partage pas l’opinion du ministre tchèque de l’Intérieur et de certains présidents des régions qui affirment qu’il faut intégrer les réfugiés roms. Eux-aussi souhaitent que la guerre se termine, pour qu’ils puissent retourner au plus vite en Ukraine. Aucun de nos clients ne veut rester en Tchéquie ou aller vivre ailleurs en Europe. »
De nombreuses familles roms d’Ukraine ont des difficultés en République tchèque, en raison de double nationalité, ukrainienne et hongroise. Par conséquent, l’Etat refuse de leur délivrer le visa de protection temporaire. Qu’en pensez-vous ?
« Au centre d’assistance de Prague, j’ai rencontré des réfugiés d’Ukraine, non roms, qui avaient eux aussi la double nationalité et pourtant, ils n’ont pas été confronté à ce genre de problème, l’Etat les a pris en charge. Personnellement, je trouve qu’avoir la double nationalité est tout à fait légitime, dans n’importe quel pays. Ce qui est décisif, je crois, c’est que ces personnes ont vécu en Ukraine au moment de l’éclatement de la guerre. Je trouve vraiment que les conditions d’accueil ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Le camp de réfugiés que les autorités ont construit dans le quartier de Troja, à Prague, est un bon exemple : il est destiné uniquement aux Roms. »