Décès du milliardaire Petr Kellner et crépuscule du parti communiste tchèque

Petr Kellner, photo: PPF

Dans cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée, nous reviendrons notamment sur quelques-unes des nombreuses réactions qui ont accompagné le décès accidentel du milliardaire Petr Kellner. La campagne avant les prochaines élections législatives sera-t-elle plus brutale que jamais ? Une réflexion à ce sujet également dans ce magazine. Autre question : les communistes abandonneront-ils bientôt la haute politique ? Deux regards enfin sur la manière dont les enfants vivent la longue période de confinement.

Le départ de la plus grande fortune tchèque, Petr Kellner, victime d’un accident d’hélicoptère samedi dernier aux Etats-Unis, a soulevé toutes sortes de questions, comme sur le site aktualne.cz :

« Tout en étant lié au business et aux finances, Petr Kellner, patron de la société PPF, avait aussi une très grande influence sur la politique tchèque. Considéré comme un homme ‘invisible’ dans les coulisses, il ne se montrait que très rarement en public, la politique constituant pour lui une opportunité de développer son empire commercial. On peut s’attendre à ce que son départ, qui touche deux sphères aussi différentes qu’étroitement liées, aura de profondes conséquences pour la politique locale. »

« Petr Kellner ne s’est pas engagé directement dans la politique tchèque, mais il l’a néanmoins fortement influencée, dans une mesure inhabituelle chez les grands acteurs des affaires », renchérit un commentateur du quotidien Deník N. Et ce « bien qu’il n’avait pas l’habitude d’exprimer publiquement ses positions politiques. »... L’hebdomadaire Respekt constate pour sa part que Petr Kellner était une des figures parmi les plus influentes en Tchéquie :

« Le groupe PPF a ouvert, par exemple, la porte aux intérêts chinois en République tchèque. Il a aussi financé la bibliothèque et les activités de l’ancien président Václav Klaus. A noter aussi son influence dans le domaine des médias et des télécommunications, sans pour autant en abuser vraiment. »

« Petr Kellner est le symbole, le primat du capitalisme tchèque qui a émergé suite à la révolution en 1989 et au changement de régime », remarquue le site echo24.cz, avant d’ajouter :

« Respecté par le président Miloš Zeman, Kellner était le seul véritable adversaire que le Premier ministre Andrej Babiš redoutait. Il a créé une immense entreprise influente soumise à l’autorité de son fondateur. Il n’a pas de successeur authentique. »

Le journal E15 rappelle que Petr Kellner était probablement le plus important mécénat parmi les milliardaires tchèques:

« Depuis sa création, le groupe PPF a consacré des milliards de couronnes à des projets caritatifs et culturels. La fondation The Kellner Family soutient des projets éducatifs, dont notamment celui qui offre un enseignement cher et de haute qualité à des enfants défavorisés. »

Une campagne électorale plus brutale que jamais ?

« La Tchéquie a devant elle une campagne électorale plus brutale que jamais. » C’est ce que l’on pouvait lire en titre d’un commentaire publié dans l’édition de mercredi du quotidien économique Hospodářské noviny :

Photo: Martin Pokorný,  ČRo

« Lors des prochaines élections législatives en octobre, il ne s’agira pas seulement d’avoir une réponse à la question de savoir qui dirigera la Tchéquie lors des quatre prochaines années. Beaucoup plus de choses sont en jeu, ce qui rend la campagne électorale assez exceptionnelle. »

Ce caractère exceptionnel est lié, selon le commentateur de Hospodářské noviny, à deux facteurs qui concernent tant le Premier ministre Andrej Babiš que le président de la République Miloš Zeman :

« En ce qui concerne Andrej Babiš, ce n’est pas seulement son avenir politique, mais aussi ses intérêts personnels et ses affaires qui sont concernés. On peut s’attendre à ce qu’il déploie d’immenses moyens pour cette campagne. Les intérêts du président de la République laissent également à penser que les six prochains moins seront une période politique particulièrement agitée. Bien que le mandat de Miloš Zeman n’expirera que début 2023, la période qui précédera les élections législatives sera décsive pour lui. En cas de victoire des partis d’opposition, qui seront appelés à former le prochain gouvernement, il ne pourra plus faire valoir ses intérêts qui sont, pour diverses raisons, identiques à ceux du président russe Vladimir Poutine. Evidemment, l’enjeu concerne d’abord l’éventuelle participation de la société russe Rosatom à l’achèvement de la centrale nucléaire de Dukovany, qui est considérée par les services de renseignements comme un risque pour la sécurité du pays. »

« C’est l’orientation du pays pour plusieurs prochaines dizaines d’années qui est ni plus ni moins en jeu », estime encore le commentateur.

L’impossible résurrection du parti communiste

A l’occasion, cette année, du centenaire de la fondation de leur parti, les communistes tchèques ont peu de raisons de jubiler, constate le site Forum24.cz :

« En raison de l’épidémie de coronavirus, le Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSČM) devait reporter l’élection de son nouveau leader. Mais peu importe qui sera finalement élu, car sa tâche consistant à ressuciter un parti qui a essuyé une débâcle aux dernières élections régionales et sénatoriales et auquel les sondages ne donnent actuellement que 5% d’intentions de vote sera très difficile. La tendance des dernières années est claire : le nombre de sympathisants communistes est en baisse. »

L’auteur rappelle que la position du KSČM dans le contexte post-communiste de l’Europe centrale et de l’Est est unique. C’est effectivement un des rares partis des anciens régimes totalitaires à ne pas s’être transformé en un parti de gauche standard. Fondé en 1990, il a renoué avec son prédécesseur, le Parti communiste tchécoslovaque, en gardant son adjectif discrédité dans son appelation. Autre preuve de l’ancrage idéologique du parti: il n’a à l’époque pas hésité à nommer à sa tête un représentant de l’aile orthodoxe qui était le fils d’un ancien gardien et tortionnaire des prisonniers politiques dans les années 1950. Le texte mis en ligne sur Forum24.cz explique encore :

« Les explications de l’affaiblissement de l’électorat communiste sont multiples, celle d’ordre générationnel étant la plus plausible. La question est de savoir si le KSČM va quitter la haute politique dès les prochaines élections législatives ou dans quatre ans. »

Les enfants et la pandémie

Une intéressante polémique a été récemment lancée dans les pages du quotidien Lidové noviny. L’auteur d’un texte publié dans l’édition de lundi a réagi à l’avis d’une avocate en droit de la famille qui affirme que la société a tendance à sous-estimer les lourds problèmes psychiques des enfants en lien avec la pandémie. « Les enfants sont hors de la sphère d’attention, car ils n’ont pas de lobbies pour les défendre », écrivait-elle. Il aurait été préférable d’assouplir au maximum les restrictions, dont notamment celle liée à la fermeture des écoles. L’auteure n’ômet cependant pas de mettre en relief également certains points positifs quant à la situation actuelle des enfants :

Photo: Izzy Park,  Unsplash,  CC0 1.0 DEED

« Les statistiques révèlent que même si, par rapport aux cinq dernières années, le taux de mortalité a augmenté, celui des enfants a diminué de 17%. Le port du masque a pratiquement éliminé les gripppes et les angines, et les enfants, qui sont maintenant davantage surveillés par leurs parents, ont été victimes de moins d’accidents mortels. »

Elle rapporte enfin que durant la fermeture des écoles, la majorité des enfants interrogés auraient mieux dormi et mangé. Un constat qui s’appuie sur une enquête effectuée par l’Université Palacký d’Olomouc.