Presse : « Pandora Papers », une affaire qui n’intéresse guère les Tchèques

Cette nouvelle revue de presse s’intéresse d’abord au retentissement au sein de la société tchèque des révélations de l’enquête « Pandora Papers »  concernant notamment le Premier ministre tchèque Andrej Babiš. Un regard ensuite d’une millennial sur la campagne électorale et sur les thèmes que celle-ci n’a pas abordés. Le bricolage, une activité répandue chez les Tchèques, risque-t-il de disparaître aux temps des technologies de l’information ? Réponse également dans ce magazine. Une observation enfin en lien avec les prochains JO d’hiver à Pékin.

Les révélations de l’enquête internationale « Pandora Papers » concernent, outre beaucoup d’autres personnalités du monde entier, le Premier ministre tchèque et fondateur du groupe Agrofert Andrej Babiš.  Elles indiquent qu’il aurait fait transiter 400 millions de couronnes (quelque 15 millions d’euros) via des sociétés offshore afin de les utiliser pour acheter des biens immobiliers sur la Côte d’Azur. « Ce scandale monstrueux a placé le chef de gouvernement tchèque à la une des médias mondiaux. Son retentissement auprès de l’opinion publique tchèque est pourtant assez faible », signale le commentateur du quotidien Hospodářské noviny de ce mercredi :

« L’affaire a été révelée dimanche sans pour autant susciter dans le pays un intérêt particulier. On a pu voir, par exemple, que le jour même de la publication des informations la concernant, le sujet le plus recherché en Tchéquie sur Google avait été le match de football Sparta-Slavia, tandis que le jour suivant, l’enquête s’est placée en septième position des recherches Google. Les médias classiques cherchent à fournir à ce propos le maximum d’informations. Toutefois, le marais d’informations nourri par les réseaux sociaux a fait de cette immense affaire une cause insignifiante dont l’actualité s’efface rapidement avec les nouveaux événements surgis. Et encore, il y a certaines bulles sociales au sein desquelles les ‘Pandora Papers’ ne résonnent pas du tout ».

Comme l’indique le journal, c’est pour cette raison que les commentateurs s’accordent à dire que le scandale n’aura aucun impact sur les élections. « Et pourtant, la somme d’argent incriminée est cent fois plus élevée que celles qui ont fait tomber des gouvernements et démissionner des Premiers ministres dans le passé », écrit-il. Et de constater en conclusion :

« A l’heure actuelle, nous sommes cent fois plus apathiques et le monde de l’information est cent fois plus divisé que dans le passé ».

Les élections législatives et les millennials

« La tristesse d’une millennial devant les urnes de vote ». Tel est le titre d’un texte publié sur le site aktualne.cz dans lequel son auteur, une publiciste du site Voxpot.cz s’est confiée avec les sentiments qui l’habitaient à quelques jours des élections législatives. Nous citons :

Photo illustrative: Tomáš Adamec,  ČRo

« Jamais les élections ne m’ont rendue si frustrée que celles qui approchent. J’espérais une campagne qui allait répondre aux problèmes de la génération qui est la mienne et des plus jeunes encore. Une campagne qui allait au moins esquisser nos chances de trouver un logement et de fonder un foyer. J’espérais également apprendre comment nos gouvernants allaient lutter contre la sécheresse et les inondations, bref, contre la crise climatique. La campagne a délaissé les problèmes percutants que nous devons affronter au quotidien ».

Selon l’auteure, le niveau du débat public et le choix d’alternatives politiques pour les jeunes gens sont en Tchéquie déplorables. Elle explique :

« Les partis établis ne montrent pas que l’avenir les intéresse, car ils retournent aux combats qui sont déjà depuis longtemps gagnés, comme ceux liés au régime communiste ou aux quotas de migrants. Nous autres jeunes n’avons qu’à espérer que la situation s’améliore un jour. Mais tant que la Tchéquie sera dirigée par le technocrate Babiš et demeurera en proie à l’hégémonie des élites locales de droite, cet espoir continuera d’être faible ».

Ces thèmes délaissés par la campagne électorale

Un commentaire publié dans le quotidien Deník N remarque à son tour que la campagne électorale qui vient de s’achever a presque entièrement évité certains thèmes qui sont pourtant importants pour l’avenir de la Tchéquie. Ou bien, comme l’explique son auteur, les candidats les ont abordés afin de servir à leurs propres intérêts :

Source: European Committee of the Regions

« La peur de déplaire aux électeurs ou bien l’incapaité de présenter des sujets compliqués de façon à ce qu’ils soient compréhensibles pour le large public : telles semblent être les causes principales d’une telle approche. Or, ce sont l’adoption de l’euro, l’intégration de l’Union européenne, la coopération des quatre pays du groupe de Visegrád et le ‘Green Deal’ que la campagne électorale a éclipsé ou saisi d’une manière très vague. »

S’agissant d’une autre question grave, celle de la migration, le commentateur explique que tout en ayant été assez souvent évoquée dans les débats, elle n’a donné lieu qu’à des propos ‘préfabriqués’ ou à des déclarations d’intimidation.

Le bricolage survivra-t-il ?  

Même à l’époque des nouvelles technologies, l’habileté manuelle reste irremplaçable, prétend l’auteur d’une note publiée dans une récente édition du quotidien Lidové noviny. Voici ce qu’il dit :

Photo illustrative: Elena Horálková,  ČRo

« Les Tchèques sont considérés, et pour cause, comme un peuple de bricoleurs. Le bricolage était l’un des phénomènes illustrant la réalité de l’économie sous le régime communiste, celle-ci ayant été incapable d’assurer aux citoyens de nombreux objets et marchandises de la vie courante. Ainsi, une sorte d’univers parallèle privé s’était créé, permettant aux gens d’échapper à un contrôle omniprésent et aux contraintes imposées par les autorités. »

Les sondages sociologiques confirment que le phénomène du bricolage ne s’est pas estompé avec la chute du régime communiste, il y a trente ans de cela. Désormais, il ne constitue plus une alternative à l’économie de la pénurie, mais tout simplement un hobby ou un moyen de satisfaction. Le chroniqueur de Lidové noviny estime néanmoins :

« Le goût du bricolage dont la société tchèque peut se targuer n’est pas donné une fois pour toutes, il est transmis d’une génération à l’autre. C‘est donc aux parents et aux pédagogues de relever le défi. Par ailleurs, la fabrication de masques à la maison et d’autres activités manuelles efficaces pendant la pandémie de coronavirus ont justifié la raison d’être du bricolage même à l’heure des nouvelles technologies ».

Les Jeux olympiques d’hiver 2022 à Pékin à l’ombre du Covid-19

Avec l’approche des Jeux olympiques d’hiver à Pékin, des voix critiques à son égard se multiplient également dans la presse tchèque. Le chroniqueur du journal en ligne Forum24, par exemple, rappelle la mégalomanie des précédents JO d’été dans la capitale chinoise et de ceux d’hiver à Sotchi, en Russie, ainsi que les interrogations qui ont plané sur ceux qui se sont tenus récemment à Tokyo sans spectateurs, avant de poursuivre :

Photo: יאיר ליברמן,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

« Il semble que Tokyo 2021 n’ait été qu’un prélude à ce qui nous attend à partir du 4 février 2022 à Pékin. La cérémonie d’ouverture ne se déroulera pas dans une station d’hiver pittoresque, mais dans une capitale qui compte quelque 21 millions d’habitants et dont l’altitude moyenne est de 63 mètres. Une autre absurdité veut que l’événement se tienne dans le pays depuis laquelle la pandémie globale de Covid s’est envolée dans le monde. Tous ses participants devront être vaccinés, avant de subir quotidiennement des tests. Isolés strictement dans leur bulle, ils n’auront accès qu’aux terrains de sport et aux locaux d’hébergement et de restauration. Les contacts seront impossibles. Et si, à la différence des Jeux de Tokyo, il y aura des spectateurs, il ne s’agira que de spectateurs chinois ».

Autant d’arguments, selon le chroniqueur de Forum24, qui donnent à croire que cette « deuxième olympiade à l’ombre du Covid » n’offrira pas un milieu propice au rapprochement des nations, comme le stipule l’idée olympique originale.