Des experts des mathématiques réunis à Prague

Depuis lundi, la faculté de mathématiques et de physique de l’Université Charles accueille une grande conférence internationale de mathématiques. C’est l’occasion de ressortir les calculatrices et instruments de géométrie, et d’en apprendre plus sur la place de ce domaine scientifique en Tchéquie.

Vous en êtes peut-être resté au théorème de Pythagore ou à celui de Thalès, avec quelques vagues souvenirs, mais sachez que les mathématiques offrent un champ de possibles immense qui va bien au-delà de nos bases de géométrie et d’algèbre. La conférence qui se tient à Prague cette semaine s’en fait le témoin. Il s’agit plus précisément du huitième symposium international tchéco-slovaque sur la théorie des graphes, la combinatoire, les algorithmes et leurs applications. Et non, ce n’est pas du chinois même s’il faut reconnaître, qu’à première vue, ça ne dit pas grand-chose à quiconque. Heureusement pour nous, Nicolas Trotignon, chercheur au CNRS et conférencier lors de ce symposium, nous explique très simplement cet objet d’étude :

Nicolas Trotignon | Photo: École Normale Supérieure de Lyon

« Les graphes sont une structure mathématique. Ce sont des points reliés deux à deux. La théorie des graphes permet de modéliser tout ce qui concerne les interactions, comme les interactions sociales. Cela peut être utilisé en ingénierie pour modéliser les interactions dans un processeur d’un ordinateur, entre les registres et les variables. Sur le volet algorithmique, par exemple, le GPS dans une voiture utilise des algorithmes de graphes pour trouver le plus court chemin d’un point à un autre. »

Une fois éclairé sur le thème de la rencontre, il est assez aisé de comprendre le caractère crucial de ce domaine des mathématiques – appelé mathématiques discrètes – à une époque où l’informatique s’impose comme un élément indispensable du quotidien. La conférence a alors réuni les figures majeures de la discipline, faisant d’elle un rendez-vous immanquable et l’une des conférences les plus importantes en mathématiques. Martin Loebl, organisateur de la conférence et professeur à l’Université Charles, nous en dévoile plus à ce propos :

« C’est énorme. C’est une conférence mondiale de premier plan. Nous avons des conférenciers des Etats-Unis (de l’université de Carnegie Mellon), de Corée du Sud, de France, d’Italie, d’Angleterre, de Norvège… Cela représente très bien cette recherche de pointe sur la théorie des graphes. »

Martin Loebl | Photo: YouTube

Environ cent trente personnes sont venues assister aux divers exposés présentés à l’occasion de cette huitième édition. Il s’agit en effet d’une série de séminaires qui a vu le jour en 1963, et qui se tient depuis lors tous les huit ans, sur le territoire tchèque ou slovaque.

Robin Thomas | Photo: Faculté de mathématiques et de physique de l’Université Charles

Cette édition est cependant une édition hommage, dédiée à Robin Thomas, décédé en 2020. Diplômé de l’Université Charles et par la suite affilié à l’Institut de technologie de Géorgie à Atlanta, il reste un des mathématiciens tchèques les plus reconnus internationalement, notamment pour ses travaux sur la théorie des graphes.

La recherche en mathématiques discrètes est en partie dominée par la République tchèque, et l’Europe centrale plus largement. Bien que son père fondateur soit français, à savoir le mathématicien Claude Berge, ce champ des mathématiques est aujourd’hui bien plus présent à l’est de l’Europe. Nicolas Trotignon et Patrice Ossona de Mendez, les deux conférenciers français du colloque, nous expliquent :

« Pour des raisons un peu historiques, c’est un domaine des mathématiques qui n’a pas été aussi développé en France que dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. La Hongrie, par exemple, a une communauté extrêmement forte en combinatoires, et en théorie des graphes. C’est aussi le cas de la République tchèque, et des Slovaques. Généralement, c’est un domaine qui est un peu une spécialité des pays de l’Est. C’est pourquoi, j’étais très content d’être invité ici. »

Source: athree23,  Pixabay,  Pixabay License

« Le statut un peu particulier des mathématiques discrètes en France est un des impacts de l’histoire bourbakienne, et ce n’est pas le cas dans les autres pays. Ainsi, pour que les connections avec les mathématiques traditionnelles se restaurent en France, il faut compter un peu plus de temps. »

Il n’y a pas qu’en mathématiques discrètes que la Tchéquie brille, mais en mathématiques tout court. Le dernier classement TIMMS, qui compare les capacités en maths des élèves du monde entier, donne la seizième place à la République tchèque, une position bien meilleure que celle de la France qui atteint péniblement la quarante-et-unième place.