Des truites dépendantes à la méthamphétamine selon une étude tchèque
Un groupe de chercheurs a étudié le comportement des truites ayant été exposées à la méthamphétamine, drogue relativement répandue en Tchéquie. L’étude a montré que les poissons contaminés par cette drogue adoptent un comportement dépendant, influant notamment sur leur migration.
Dans le cadre d’une enquête de la Fondation tchèque des sciences sur l’impact de la méthamphétamine sur l’environnement, un groupe de chercheurs de l’Université tchèque des Sciences de la vie s’est intéressé au comportement des truites exposées à cette drogue, un poisson migrateur très commun en Europe centrale.
Roman Grabic, chercheur à la Faculté de la pêche et de la protection des eaux, précise le procédé de cette étude :
« Au début, nous avons constaté la présence de méthamphétamine dans les eaux usées, dont la concentration était entre plusieurs centaines de nano grammes et un microgramme par litre. Nous avons donc collecté des truites de cette eau contaminée et des truites venant d’une pisciculture locale, dans les montagnes. Nous les avons placées dans des bacs d’eau avec la même concentration de drogue que celle observée dans la rivière et ce, pendant deux mois. Nous les avons ensuite placées dans un grand aquarium à Prague, où elles ont pu choisir d’aller vers une eau saine ou une eau contaminée. »
A l’aide de données enregistrées via des capteurs et des caméras, l’étude a montré que la moitié des truites préféraient l’eau contaminée, bien qu’ayant été sevrées pendant plusieurs jours, entre chaque expérience. Parmi ce groupe, 95 % des poissons venaient de la rivière.
La méthamphétamine, ou aussi localement nommée pervitine, est une drogue populaire depuis longtemps en République tchèque, puisque facile à produire. Elle est obtenue à partir de médicaments contenant de la pseudo-éphédrine, souvent disponibles en pharmacie.
Roman Grabic explique pourquoi cette drogue est particulièrement dangereuse pour l’environnement :
« En République tchèque, la méthamphétamine est très consommée, mais pas autant que le cannabis. La différence étant que les composés actifs du cannabis changent durant l’utilisation. Ce n’est pas le cas de la méthamphétamine, les composés actifs restent les mêmes. Elle est ensuite excrétée dans les urines et c’est comme ça qu’elle se retrouve dans les rivières. Nous avons trouvé la substance dans de nombreuses rivières de République tchèque, principalement celles qui sont proches des grandes villes. Les rivières les plus problématiques sont les petits cours d’eau. »
La présence de méthamphétamine est importante aux abords des grandes villes et comme l’étude l’a montré, les truites préfèrent se diriger vers les eaux contaminées, plutôt que les eaux saines, qui sont plus éloignées des populations.
Roman Grabic : « Ceci est un problème car les truites chercheront des courants où la méthamphétamine sera présente, ce qui affectera leur comportement naturel. Les poissons comme les truites migrent durant l’année pour se nourrir et se reproduire. Elles peuvent nager des kilomètres pour se reproduire. Si elles sont dépendantes de cette drogue, elles préféreront rester dans des eaux contaminées et alors, ne pourront plus se reproduire. »
Bien que le danger des eaux contaminées soit déjà visible pour les truites, le risque pour les êtres humains serait faible, selon le chercheur tchèque.
« Nous ne consommons pas d’eau contaminée car toute l’eau est filtrée en République tchèque, notamment à cause de la présence des pesticides. Nous ne risquons pas de devenir dépendants à la métamphétamine en buvant de l’eau du robinet. C’est une bonne chose. L’autre bonne chose est que la drogue ne s’accumule pas dans la chair des poissons. Il n’y a donc pas de danger à les manger. Mais le principal problème est que la présence de cette drogue dans les eaux peut avoir de graves conséquences environnementales pour les poissons et les autres espèces. »
Quelles pourraient donc être les solutions, à défaut de stopper le trafic et la consommation de pervitine ? Investir dans des traitements de l’eau plus intensifs, mais cela coûterait beaucoup d’argent. Cependant, en décembre 2020, le Parlement européen a voté la révision de la Directive-cadre sur l’eau (DCE), adoptée en 2000. Entrée en vigueur le 12 janvier 2021, cette révision, orientée vers une meilleure qualité de l’eau à destination de la consommation humaine, stipule que les états-membres ont deux ans pour inscrire cette directive dans leur droit national.