Mine de Turów : le mur de rétention des eaux souterraines ne fonctionne que du côté polonais
Pomme de discorde entre Varsovie et Prague depuis de longues années, la poursuite de l’exploitation de l’immense mine de lignite à ciel ouvert de Turów, dans l’extrême ouest de la Pologne, à la frontière avec l'Allemagne et la République tchèque, continue d’assècher les nappes phréatiques en République tchèque. Et ce malgré la paroi souterraine construite pour empêcher les écoulements d’eau.
Alors que l’hémisphère nord, ravagé par le feu en de nombreux endroits, succombe sous la chaleur et que les émissions de CO2 du secteur de l’énergie atteignent des niveaux record malgré les discours politiques, la mine et la centrale thermique de Turów continuent de tourner à plein régime. Et peu importe que la Cour de justice de l’Union européenne ait exigé, en 2021, sa fermeture en raison de ses effets nocifs pour l’environnement.
En plus du retrait de la plainte tchèque, l’accord conclu en février 2022 entre Varsovie et Prague sur le règlement de ses conséquences a permis la poursuite de l’exploitation. Ainsi, des milliers de tonnes de charbon en restent extraites quotidiennement, et ce pour au moins vingt-et-une années encore, jusqu’en 2044, date estimée de l’épuisement des ressources, suite à une décision prise par le gouvernement polonais. Une décision souvent considérée comme un pied de nez, voire même un bras d’honneur, fait par Varsovie aux préoccupations écologiques.
Utilisé pour alimenter la centrale voisine, le charbon de Turów, en plus de permettre l’emploi de quelque 4 000 personnes, assure environ 7 % de l’approvisonnement en électricité de la Pologne. Mais l’extension du site, qui ressemble davantage à un immense cratère et où le creusement nécessite un important pompage pour éviter son inondation, a un lourd impact du côté tchèque de la frontière, située à moins de deux kilomètres.
Parmi les principales conséquences figure donc la baisse constante du niveau des nappes phréatiques, de l’ordre de plusieurs dizaines de mètres selon le Service géologique tchèque (ČGS).
C’est pour éviter ces importantes pertes que la construction d’une paroi souterraine longue de plus d’un kilomètre a été convenue entre les gouvernements polonais et tchèque, avec des puits 120 mètres de profondeur installés de chaque côté du mur pour mesurer et contrôler les niveaux d’eau.
Lundi, les résultats de l’opération de surveillance (monitoring) menée depuis un an ont été présentés. Et si les données relevées sur les quatre puits situés côté polonais ont montré une amélioration de la situation (avec des augmentations de l’ordre de 0,63 mètre à 4,17 mètres), côté tchèque, en revanche, où il existe un réseau d’une quarantaine de puits, le niveau n’a encore jamais été aussi bas, comme l’a reconnu Zdeněk Venera, directeur du ČGS :
« Jusqu’à présent, on constate un effet positif uniquement du côté polonais. Dans les quatre puits où les Polonais doivent contrôler l’étanchéité et l’efficacité de la paroi, le niveau d’eau a augmenté. Les mesures effectués sur le territoire tchèque ne témoignent, elles, encore d’aucune augmentation. »
L’évolution de la situation va donc faire l’objet d’une poursuite de l’opération de surveillance ainsi que d’un nouveau modèle hydrogéologique sur la base desquels il sera décidé si d’autres mesures complémentaires sont nécessaires pour empêcher les fuites. « Concrètement, cela signifierait qu’il faudait prolonger et approfondir la paroi souterraine, voire éventuellement la renforcer », a précisé Zdeněk Venera.
Selon les habitants de la région, qui sont les principales victimes de la baisse des nappes phréatiques et s’estiment abandonnés à leur sort par le gouvernement tchèque, l’accord entre les parties polonaise et tchèque a pour principal défaut de se concentrer uniquement sur l’étanchéité de la paroi. Surtout, la « barrière » aurait été construite à un mauvais endroit. Aux yeux de Laura Otýpková, avocate du cabinet Frank Bold qui défend les intérêts des communes tchèques se situant dans les environs du site de Turów, il convient donc davantage d’agir que d’attendre de voir ce qui pourrait continuer à se passer :
« Nous ne pouvons pas nous permettre de surveiller l’évolution de la situation encore plusieurs années et risquer de voir toute l’eau disparaître. Ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui, c’est que de nouvelles mesures soient prises pour faire en sorte que les habitants ne soient pas, un jour, privés de toute eau potable. »
De son côté, le ministère tchèque de l’Environnement continue de considérer que l’accord tchéco-polonais, très critiqué par les organisations environnementales mais qui a permis à la République tchèque de toucher une indemnisation de 45 millions d’euros, ne nuit pas aux intérêts tchèques.