Élections : ignoré et parfois dénigré, le Sénat, un garde-fou de la vie démocratique en Tchéquie
Un peu plus de deux millions de Tchèques sont appelés aux urnes, ces vendredi 27 et samedi 28 septembre, pour le deuxième tour des élections sénatoriales partielles. Comme tous les deux ans, ces élections permettront le renouvellement d’un tiers des quatre-vingt-un membres de la Chambre haute du Parlement avec, pour les vingt-sept heureux élus, un mandat de six ans au bout. Mais alors qu’il ne suscite qu’un faible intérêt des électeurs et que certaines voix s’élèvent parfois pour réclamer sa suppression, voici un petit rappel du rôle et de l’importance du Sénat en Tchéquie.
« Tout ce qui vient du Sénat est de la main du diable », a un jour déclaré l’ancien Premier ministre et président de la République Miloš Zeman, un des partisans de l’abolition de la Chambre haute, comme, par exemple, aussi l’ancien Premier ministre populiste Andre Babiš, qui l’estime, lui, « inutile et trop chère ».
« Inutile », si l’on s’en tient à la forte abstention, c’est aussi ce que pensent une majorité d’électeurs. Depuis leur première organisation en 1996, les élections sénatoriales comptent assurément parmi les scrutins qui mobilisent le moins les Tchèques. Le week-end dernier, alors que le premier tour se tenait en même temps que les élections régionales, seuls 30,4 % des électeurs se sont rendus aux urnes. Quant au deuxième tour, depuis 2012, la participation est toujours restée inférieure à 20 %.
Pour autant, alors que ses membres « corrigent » et renvoient en moyenne un projet de loi sur quatre à la Chambre des députés, les partisans de son maintien considèrent, eux, le Sénat comme une sorte de garde-fou, une institution qui apporterait une garantie du respect des principes de la vie démocratique dans le pays.
Cette année, après que cinq candidats ont obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés dès le premier tour, nouveau record dans l’histoire des élections sénatoriales, ce deuxième tour ne concerne plus que vingt-deux circonscriptions.
Parmi les cinq gagnants de la semaine dernière figure notammnent Pavel Fischer. Candidat du parti conservateur TOP 09, l’ancien ambassadeur tchèque en France, qui occupe depuis 2018 les fonctions de président de la commission sénatoriale en charge des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité, a été réélu à Prague, dans la 17e circonscription, avec un score de 53 %. Invité de la Télévision tchèque cette semaine, il a rappelé que l’une des principales missions de la Chambre haute du Parlement était de contrôler l’action du gouvernement et d’évaluer sa politique :
« Prenons l’exemple de la numérisation des demandes d’autorisation d’urbanisme dont il est tant question ces derniers temps (en raison de la révocation du ministre en charge de la numérisation des services publics, le chef des Pirates, Ivan Bartoš). Au Sénat, nous avions débattu du sujet au mois d’août, à une époque où le système aurait déjà dû fonctionner depuis longtemps. Cette séance nous avait permis de mettre à nu l’avancement du projet et j’avais alors averti monsieur le ministre Ivan Bartoš que ce retard était très problématique. C’est là un exemple concret du rôle du Sénat : aider le gouvernement et le rappeler à ses engagements et devoirs même lorsqu’il s’agit de sujets désagréables. C’est au Sénat qu’il appartient de veiller à ce que le gouvernement respecte sa déclaration de politique générale et applique son programme, et peu importe qu’un sénateur appartienne au camp du gouvernement ou à celui de l’opposition. »
Même si beaucoup de Tchèques ne le savent pas forcément, le Sénat joue aussi un rôle essentiel dans le processus législatif, un pouvoir que ses membres exercent conjointement avec les députés qui, eux, forment la Chambre basse du Parlement, et auxquels les sénateurs renvoient donc parfois certains textes pour un nouvel examen.
Outre le budget de l’État, le Sénat, qui siège dans le palais Wallenstein, un des plus beaux exemples d’architecture baroque à Prague, confirme aussi les candidats aux fonctions de juges constitutionnels. C’est son président qui annonce l’élection du président de la République, et c’est également entre ses mains que le chef de l’État nouvellement élu prête serment. Enfin, en cas de dissolution de la Chambre des députés, c’est lui, le Sénat qui, dans l’urgence, devient le premier relais du gouvermement dans le processus législatif.
Vote des lois, contrôle du gouvernement et évaluation de ses politiques ou encore séparation des pouvoirs, en Tchéquie comme dans d’autres pays, le rôle du Sénat en sa qualité d’assemblée autonome apparaît, donc, primordial pour le bon fonctionement de l’ensemble du système démocratique. Et même si le mouvement ANO d’Andrej Babiš a d’ores et déjà l’assurance d’y être prochainement représenté pour la première fois de son histoire, puisque deux de ses candidats ont été élus dès le premier tour et que dix-neuf autres se sont qualifiés pour le deuxième, les partis formant la coalition gouvernementale y resteront néanmoins majoritaires. Une garantie, a priori, que le débat sur une éventuelle suppression du Sénat ne sera plus d’actualité en Tchéquie au moins jusqu’aux prochaines élections en 2026.