Elections slovaques, coronavirus, violences sexuelles, biathlon : les sujets suivis par la presse tchèque

Photo: ČTK / Radek Petrášek

Cette nouvelle revue de la presse revient d’abord sur les récentes élections législatives en Slovaquie en cherchant des parallèles avec la Tchéquie. Il sera également question du coronavirus, à la Une de la plupart des journaux. Elle s’intéressera aussi aux réticences de la société tchèque à l’égard du mouvement #MeToo. Quelques réflexions enfin au sujet de la décision d’organiser les épreuves de la Coupe du monde de biathlon à Nové Město na Moravě sans spectateurs.

Igor Matovič,  photo: ČTK/Ondřej Deml
Comme prévu, les résultats des élections législatives qui se sont tenues samedi dernier en Slovaquie et qui ont plébiscité le mouvement OlaNO d’Igor Matovič ont été très suivis et largement commentés dans les médias tchèques. Selon le commentateur du site aktualne.cz, « c’est un populisme efficace qui l’a remporté sous les Tatras, tandis que les libéraux et la minorité hongroise ont essuyé une défaite ». Le quotidien Deník N a remarqué pour sa part :

« Igor Matovič, potentiel futur Premier ministre, sera investi dans une situation où la Slovaquie peut se targuer d’un taux de chômage très faible, mais avec aussi une importante dette publique. Les turbulences sur la scène internationale, le risque d’un nouveau chapitre de la crise migratoire, le coronavirus. Autant d’éléments qui représentent une menace pour l’économie fragile du pays. Personne ne saurait deviner si le nouveau leader sera à même d’y faire face, car jusqu’ici, il n’a fait que protester contre la corruption. »

Le commentateur de l’hebdomadaire Respekt constate que le succès de Matovič confirme la pulsion mondiale marquée par l’affaiblissement des partis classiques. Ainsi, « le succès appartient à ceux qui saisissent le mieux le climat au sein de la société et qui tiennent des propos populaires et compréhensibles ».

« La chute de Robert Fico, chef du mouvement Smer qui a dominé la scène politique slovaque pendant près de quatorze ans est une bonne nouvelle et une bonne inspiration pour nous », estime le commentateur du journal en ligne Forum24 tout en ajoutant que « le nouveau leader Matovič est un drôle de messie ». Il écrit : « Les Tchèques et les Slovaques ont un problème similaire avec la démocratie. Ils n’ont pas compris la juste valeur de la partialité politique. Au lieu de cela, ils cherchent de faux mouvements et des messies excentriques, préférant des exhibitions plaisantes à des débats rationnels. Mais tous les essais tchèques et slovaques en faveur d’une politique messianique sont malsains et risquent de déboucher sur de nouveaux problèmes. »

Un avis partagé également par le commentateur de Lidové noviny :

« On voit s’imposer la recette selon laquelle il suffit de trouver un leader, de l’entourer d’une équipe de publicitaires et d’attendre. Il s’agit d’une tendance inquiétante qui est en même temps caractéristique de l’univers des médias électroniques et des réseaux sociaux. Si les partis n’arrivent pas à y réagir d’une manière adéquate, ils disparaîtront. L’exemple slovaque montre que l’axe du Mal n’est pas forcément défini par la différence entre un parti traditionnel et une agence de publicité politique ». Le journal en ligne hlídacípes.org porte un autre regard sur les élections législatives slovaques. Il écrit :

« D’ordinaire en marge de l’intérêt des médias étrangers, la Slovaquie jouit en revanche d’une attention permanente des médias tchèques. En ce qui concerne les dernières élections législatives, celle-ci a été plus élevée que jamais. Pourtant, il y a d’autres pays, plus importants, qui mériteraient un intérêt médiatique au moins aussi intense. C’est le cas, par exemple, de l’Allemagne, ses élections ayant pour la politique et l’économie tchèque une plus grande importance que celles en Slovaquie. La proximité historique et culturelle des deux pays, Tchéquie et Slovaquie, ne peut justifier qu’en partie le fait que l’intérêt des médias tchèques pour les autres pays voisins soit nettement plus faible. »

Coronavirus : interrogations autour de ses conséquences

Photo: ČTK / Radek Petrášek
Les possibles retombées économiques de l’épidémie de coronavirus représentent un sujet fréquemment traité dans les médias tchèques. Selon l’hebdomadaire Respekt, la Tchéquie doit s’attendre à un endettement plus important et exiger une réflexion soignée du cabinet en matière du projet de dépenses pour l’année prochaine :

« Durant les deux premiers mois, le budget de l’Etat a marqué une chute inattendue, avec un déficit de près de 27 milliards de couronnes, un résultat jamais enregistré depuis la scission de la Tchécoslovaquie. Ce constat n’a pas grand-chose à voir avec le coronavirus, mais durant les prochains mois, l’épidémie peut affecter le trésor public diverses manière, notamment en line avec les dépenses imprévues. C’est pourtant la dépendance des sociétés locales aux exportations et à l’évolution de la situation dans le monde qui aura le plus gros impact sur le budget de l’Etat. »

L’économiste Michal Mejstřík, cité par le site info.cz, s’attend pour sa part à ce que les retombées de l’actuelle épidémie de coronavirus ne soient pas uniquement négatives. Il s’avère, selon lui, que le coronavirus profite à certaines nouvelles technologies. « Il a donné le coup d’envoi à certaines choses, devenant ainsi une sorte de catalyseur », prétend-il.

Le commentateur du quotidien Deník N examine les possibles retombées politiques de l’épidémie de coronavirus. Devenue pandémie, elle risque d’avoir des effets déstabilisants et de redessiner la carte politique du monde, écrit-il :

« Difficile d’évaluer dans quelle mesure une véritable crise globale poussera les politiciens de différents Etats à chercher des solutions en commun au lieu de donner le feu vert à une nouvelle vague de populisme irresponsable basé sur des remèdes simplistes. Il est certain qu’une éventuelle pandémie pourrait entraîner des changements géopolitiques et des bouleversements sociaux. Il convient de rappeler que la crise économique mondiale de la fin des années 1920 a donné naissance à de véritables monstres politiques. Le climat de désastre affaiblit effectivement la volonté des politiciens de chercher des solutions pacifiques. »

#MeToo : les mythes et les semi-vérités de la société tchèque

Photo illustrative: surdumihail,  CC0
Tandis que la société américaine a fait preuve de sa volonté d’écouter davantage les victimes de violences sexuelles, le débat tchèque à ce sujet est en proie à des mythes et semi-vérités. C’est ce que constate l’auteure d’un texte publié dans le journal en ligne Deník Referendum en lien avec le procès du producteur américain Harvey Weinstein et intitulé « Quand allons-nous, nous aussi, rompre le silence ? » Elle écrit :

« Même si la majorité des médias tchèques ont informé du verdict rendu, selon lequel Weinstein a été reconnu coupable d’agression sexuelle et de viol, ils n’ont pas replacé cette nouvelle, à quelques rares exceptions, dans un plus large contexte. Pourtant, il s’agit là d’un moment clé non seulement pour toute l’affaire et le mouvement #MeToo, mais aussi pour le regard global de la société sur les violences sexuelles et les rôles de la victime et de l’agresseur. En ce qui concerne la société tchèque, elle a, à cet égard, un grand retard à rattraper, car elle a tendance à victimiser la victime et à percevoir le mouvement #MeToo comme une invention démoniaque. »

Pourquoi chez nous le regard sur ce problème n’a-t-il pas évolué comme on le voit aux Etats-Unis ?, s’interroge la journaliste avant d’expliquer :

« Il faut chercher en la cause dans ce que l’on appelle la ‘culture du viol’ à laquelle participe la majorité écrasante de la société et qui se traduit par la normalisation et la tolérance de l’agression et du harcèlement sexuels. Il n’est donc guère étonnant qu’un réalisateur reconnu de contes de fées, Jiří Strach, puisse s’afficher en T-shirt arborant l’inscription ‘Je suis Weinstein’. Dans ce climat, la perspective d’un débat sérieux sur les prédateurs sexuels et le contexte social qui permet et légitimise leur comportement semble très incertaine. »

Les épreuves de biathlon sans public

La décision d’organiser les épreuves de cette semaine de la Coupe du monde de biathlon à Nové Město na Moravě sans public, en raison du coronavirus, a déçu les très nombreux fans de cette discipline sportive et essuyé une vague de critiques, aussi, dans la presse. Le quotidien économique Hospodářské noviny s’en est pris à la prétendue incohérence de cette décision :

« Dans beaucoup de pays européens, à l’exception de la Suisse et de l’Italie, qui recensent plus de cas de coronavirus que la Tchéquie, les événements sportifs ne se déroulent pas sans public. Est-ce que cela veut dire que leurs politiciens, à la différence des Tchèques, prennent des risques irresponsables ? Chez nous, on voit se dérouler d’autres événements sportifs très fréquentés, comme des matches de football, où les spectateurs sont pourtant admis. Un autre paradoxe : l’absence de participants et de spectateurs ne semble pas concerner non plus le Semi-marathon de Prague prévu pour le 28 mars qui va accueillir près de 12 000 athlètes, pour la plupart étrangers. »