En République centrafricaine, malgré la guerre, une ONG tchèque poursuit sa mission

Photo: SIRIRI

Malgré l’accord de paix signé dernièrement dans la capitale Bangui entre gouvernement et groupes armés, la situation sécuritaire en République centrafricaine reste particulièrement instable et précaire. Dans ce pays meurtri par les guerres et autres coups d’Etat, qui compte parmi les moins développés au monde, une organisation tchèque continue pourtant de mener sa mission, notamment éducative à travers un projet appelé « L’école en jouant ». Cofondatrice de SIRIRI, Ludmila Böhmová est revenue récemment d’une mission de contrôle d’un mois dans l’ouest du pays.

Ludmila Böhmová,  photo: SIRIRI
Si Ludmila Böhmová est revenue saine et sauve de ce séjour dans un pays qui compte très certainement parmi ceux dans le monde que les Tchèques connaissent le moins, son témoignage n’est cependant guère teinté d’optimisme :

« La situation s’est plutôt encore aggravée. Officiellement, la crise humanitaire causée par le coup d’Etat de 2013 s’est achevée en 2015-2016, et c’est la raison pour laquelle plusieurs organisations internationales ont arrêté leurs programmes d’aide. La réalité est que 85 % du territoire restent occupés par les groupes de rebelles, ce qui signifie qu’aucune aide humanitaire ne peut y être achevée. Or, on estime à près de 3 millions sur une population de 4,6 millions d’habitants, le nombre de gens qui sont directement menacés par la violence et auraient besoin d’une aide. »

Si SIRIRI continue de fournir son aide en Centrafrique, c’est parce que l’organisation opère dans une des rares régions du pays où cela reste encore possible, frontalière du Tchad et du Cameroun, comme l’avait expliqué son ancien directeur Fabrice-Martin Plichta lors d’un précédent entretien à Radio Prague :

Photo: SIRIRI
« Nous intervenons dans une région qui est plus calme. Nous travaillons dans l’ouest du pays, qui est moins perturbé par les combats qui peuvent endeuiller le pays. Nous nous appuyons sur des partenaires locaux qui ont une bonne connaissance des lieux, du milieu, des personnes et intervenants divers qui pourraient se manifester. La situation semble suffisamment sûre pour que nous puissions réaliser cette formation. »

Depuis désormais quatre ans, SIRIRI envoie dans la ville de Bozoum des équipes de bénévoles chargés de former des instituteurs centrafricains à une méthode pédagogique en sango, la langue maternelle des enfants centrafricains, mieux adaptée aux besoins des élèves pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture que l’enseignement traditionnellement dispensé en français. Et si cette mission n’est pour l’heure pas remise en cause, Ludmila Böhmová affirme néanmoins que tout n’est pas simple pour autant :

« L’année dernière, des groupes de rebelles sont arrivés jusqu’à la limite des deux préfectures dans lesquelles nous mettons en œuvre notre projet. Cela nous a empêchés de nous rendre dans certains endroits et d’aller rendre visite aux instituteurs que nous avions formés précédemment. Par exemple, lors de notre séjour en janvier dernier, alors que nous expérimentions une nouvelle méthode d’enseignement dans une classe, le père Aurélio, un missionnaire italien sur lequel nous nous appuyons sur place pour réaliser notre projet, est sorti d’une classe voisine où il venait d’abriter un groupe de femmes et d’enfants musulmans car il avait été informé qu’il y avait des tirs dans un village distant de dix kilomètres de Bozoum et que les hommes étaient partis se réfugier dans la brousse. Cela donne donc une idée de la tension qui règne malgré tout là-bas. Vous pouvez passer d’un état émotionnel à un autre en quelques instants. Ce qu’il est important aussi de souligner, c’est que ces femmes et enfants musulmans ont été accueillis dans une école catholique, ce qui montre bien la faculté d’entraide qui est celle des gens qui ne sont pas agressifs et ne sont pas armés. »

Malgré les risques et toutes les difficultés, SIRIRI, un mot qui signifie « paix » en sango et qui depuis peu est aussi le nom d’un groupe armé centrafricain, entend bien poursuivre une mission éducative dont l’important succès tant auprès des instituteurs, que des enfants et des autorités centrafricains, confirme le bien-fondé. Un succès presque même inespéré, comme Ludmila Böhmová l’expliquera plus en détail prochainement dans nos émissions.