En République tchèque aussi, les fausses informations sur le Covid-19 se multiplient
« Le Covid-19 n’est qu’une petite grippe », « le vaccin n’est qu’un piège de l’Organisation mondiale de la santé » ou encore « le masque n’est qu’une moustiquaire qui laisse passer le virus ». A moins de revenir d’un séjour de dix mois sur une île déserte, vous avez probablement déjà lu ou entendu ces affirmations dont la véracité est, au mieux, plus que douteuse. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les fausses informations concernant le virus se multiplient sur la Toile.
Le plus souvent d’abord répandues sur les réseaux sociaux, les fausses informations, aussi connues sous les noms de désinformations et « fake news », prolifèrent, en particulier lorsqu’il s’agit du Covid-19. En Tchéquie, un des dangers des fausses informations est qu’elles sont parfois reprises par des personnalités publiques, telles que l’ancien président de la République Václav Klaus, mais aussi des chanteurs ou des médecins médiatisés. Bien que la désinformation sur le coronavirus existe depuis le début de la pandémie, la deuxième vague l’a renforcée. Parallèlement, elle a mené à la création de nouvelles « tendances » selon Kamil Kopecký, professeur d’éducation aux médias à l’Université Palacký à Olomouc et spécialiste des fausses informations :
« Les fausses informations que nous avions au printemps n’étaient effectivement pas tout à fait les mêmes que celle d’aujourd’hui. Celles qui étaient populaires au printemps étaient principalement les suivantes : le virus n’existe pas et il s’agit seulement d’un complot des élites, le covid-19 a été créé pour initier une crise économique globale, il s’agit d’une arme biologique développer contre la Chine ou encore le virus est lié aux réseaux de 5G. Certaines fausses informations concernaient aussi le traitement : boire de l’eau toutes les quinze minutes, boire de l’alcool et fumer détruit le virus, manger de l’ail, ingurgiter des liquides désinfectants tels que la javel, etc. Une des plus absurdes consistait à dire ‘connaissez-vous quelqu’un qui a le covid-19 ? Non ? Donc il n’existe pas…’. »
« Désormais, les fausses informations concernent surtout les tests : puces électroniques installées dans le nez, faux positifs et autres légendes urbaines. Mais il y a également des infographies montées de toutes pièces comparant le nombre de décès du Covid-19 à ceux de la grippe ou d’autres maladies. Le virus est minimisé à l’aide de graphiques cherchant à prouver que les données officielles sont fausses parce que certaines personnes positives n’ont pas de symptômes - en ignorant le fait que la maladie est transmissible même par les asymptomatiques. Pour finir, on ne compte plus les fausses informations sur les masques selon lesquelles ceux-ci ne seraient pas efficaces et qu’il ne s’agirait que d’une moustiquaire qui laisserait passer le virus. »
Ces dernières semaines, les fausses nouvelles se sont concentrées sur deux thèmes : la supposée dangerosité des vaccins et la minimisation du virus. Les informations visant à sous-évaluer la gravité du Covid-19 permettent aux personnes qui y croient de se rassurer et d’affirmer que les restrictions sanitaires sont inutiles ou que seuls les malades devraient porter un masque. Comme dans tous les pays, des groupes « anti-masques » existent en République tchèque, comme nous avons pu le constater le 18 octobre dernier lorsqu’une manifestation pour protester contre les nouvelles mesures sanitaires a dégénéré à Prague sur la place de la Vieille-ville. Il est d’autant plus difficile de convaincre la population de l’importance de ces mesures et de la dangerosité du virus lorsque les responsables politiques eux-mêmes ne respectent pas ces restrictions, comme le rappelle Kamil Kopecký :
« C’est très difficile de lutter contre les fausses informations, parce que nous sommes dans une situation complexe et inédite. Les gens ne savent pas qui croire. Ils sont épuisés et frustrés, ils risquent de perdre leur emploi, leurs enfants ne peuvent pas aller à l’école, etc. Par exemple, Roman Prymula, l’ancien ministre de la Santé, a été surpris par un paparazzi sans masque la nuit à la sortie d’un restaurant normalement fermé, notre Premier ministre Andrej Babiš a été photographié pendant les pauses lors d’une émission de télévision sans masque… Ces mauvais exemples ne facilitent pas la tâche. Les contradictions entre les médecins et l’absence de réaction de la part des réseaux sociaux non plus. Les gens décident alors de croire le médecin dont la version des faits correspond le mieux à leur propre opinion. Il existe de nombreuses organisations de vérification des informations, mais elles sont petites et n’ont pas un grand impact. »
« La Télévision et la Radio tchèques s’efforcent de combattre la désinformation, mais les vagues de fausses nouvelles sont trop grandes, beaucoup de gens n’écoutent pas. »
Il est en effet très difficile en effet de faire changer d’avis un habitué à la désinformation. Cela pose la question de l’éducation à l’information : une personne qui a pris très tôt l’habitude de s’informer correctement, risque moins de croire que l’épidémie n’existe pas et que les vaccins sont un complot de Bill Gates, pour ne citer que quelques exemples. C’est pourquoi l’éducation aux médias joue un rôle important dans la lutte contre les fausses informations :
« Selon moi, la manière la plus efficace serait que les médias traditionnels mènent une campagne massive, y compris sur internet, orientée sur les fausses informations les plus répandues. L’éducation joue un rôle essentiel également. Mais évidemment, retirer les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux est une première étape indispensable. »
« Je tiens vraiment à insister sur le rôle crucial de l’éducation des jeunes, en particulier sur la nécessité d’améliorer l’éducation aux médias. A l’Université Palacký où j’enseigne, nous intégrons cela et plus précisément la vérification des faits sur internet dans nos programmes d’études pour les futurs professeurs. Cela leur permettra d’éduquer eux-mêmes aux médias leurs élèves plus tard. »
« Il y a enfin un problème d’éducation aux sciences, car souvent les gens ne savent pas qu’en réalité, le masque ne sert pas à protéger celui qui le porte mais les autres autour de lui. Or, si les gens croient que le masque ne sert à rien, ils ne vont pas en mettre, ce qui peut être très dangereux… »
En République tchèque, la société praguoise d’analyse des données et d’évaluation des risques Semantic Visions, qui lutte contre la désinformation en ligne et a notamment travaillé pour le ministère de la Santé, repère une cinquantaine de fausses informations chaque jour sur internet. C’est plus qu’au printemps.