En Tchéquie, vers une « garde de voisinage » des plus petits
Dans un pays où les femmes restent au minimum et en moyenne trois ans à la maison après la naissance de leur enfant, où le nombre de places en crèches est limité et où la pratique des nounous est peu développée, l’Etat tchèque veut entériner le principe d’une prise en charge de groupes de petits enfants « par les voisins », moyennant une rémunération. Pendant trois mois, la Vysočina est devenue la région pilote de ce projet.
Une étude Eurostat de 2021 est particulièrement éloquente : en Tchéquie, seuls 4,9 % des enfants de moins de trois ans fréquentent une crèche ou un établissement équivalent de garde des plus petits. La Slovaquie voisine arrive juste derrière, en queue de peloton des 28 pays de l’Union européenne tandis que dans des pays comme les Pays-Bas, le Danemark ou le Luxembourg, on est largement au-delà de 60 %, voire 70 % d’enfants placés dès leur plus jeune âge dans des crèches ou jardins d’enfants.
Approuvé au printemps par le gouvernement de coalition, un amendement à loi sur la garde des jeunes enfants, qui donnerait à des adultes du quartier ou de la commune la possibilité de gagner un revenu en gardant à leur domicile des groupes de quatre enfants, âgés de six mois à six ans, est actuellement examiné par les députés. Vu de France, où 57,3 % des enfants de moins de trois ans sont gardés hors cercle familial de multiples façons, le fait même de présenter ce nouveau système comme une grande nouveauté peut sembler étrange : mais en Tchéquie, le manque de places en crèches ou jardins d’enfants, voire leur absence en zones rurales ou dans les petits villages, couplé à une vision plus traditionnelle des soins aux enfants de moins de trois ans, sont une réalité bien ancrée et éprouvée.
Selon l’amendement débattu, les quatre enfants par groupe incluraient les propres enfants ou petits-enfants de la personne en charge de la garde. Certaines qualifications seront exigées pour devenir « nounou » : la personne volontaire devra suivre une formation d’au moins quatre heures par an, ainsi qu’un cours de premiers secours à renouveler au moins une fois tous les deux ans. Reste la question du contrôle de la personne responsable de ce groupe d’enfants. La députée Pavla Pivoňka Vaňková (STAN) précise :
« Il y aura évidemment des mécanismes de contrôle via les bureaux du travail : les employés seront tenus de venir contrôler l’environnement dans lequel les enfants seront gardés, si les principes de base de sécurité et d’hygiène y sont bien en vigueur. Et évidemment, s’il y a le moindre de doute sur les adultes en charge, ils contrôleront également la garde elle-même. J’ai trois enfants et je suis retournée travailler quand le dernier avait un an et demi. Pour cela, j’ai fait appel à une nounou. Donc je suppose également que les parents qui opteront pour cette méthode de garde ‘de voisinage’ choisiront également un environnement et une personne qui correspondent à leurs attentes. Je considère que le mécanisme de contrôle ne doit pas être uniquement laissé aux autorités publiques, mais que les parents ont un rôle à jouer dans le choix de la personne qui va accueillir et prendre soin de leur enfant. »
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Inspiré de modèles dans les pays voisins, comme l’Allemagne et l’Autriche, ce principe de « garde de voisinage » a d’abord été testé dans une région pilote, la Vysočina, d’août à novembre. Là-bas, sept groupes d’enfants pour un total de 41 enfants ont été créés. Si ce service de garde alternatif peut concerner les enfants jusqu’à l’âge de six ans, soit jusqu’au début de la scolarité obligatoire, le ministère du Travail précise qu’il veut surtout pallier au problème de garde pour les enfants de moins de trois ans, soit avant l’entrée en maternelle. En creux, ce principe de garde novateur en Tchéquie, mais courant ailleurs, pourrait permettre aux femmes de retourner plus rapidement au travail, alors que nombre d’entre elles font face à une longue interruption de leur carrière pour cause de congé parental prolongé.
En échange de ce service de garde, l’Etat verserait une rémunération aux personnes chargées de ces groupes d’enfants : pour chaque enfant, la « nounou » recevrait ainsi 6 000 CZK par mois de la part de l’Etat. Les parents devraient en outre contribuer à hauteur d’environ 5 000 CZK sur lesquels ils devront s’acquitter des impôts et cotisations. Le montant total de la contribution dépendra également du nombre d’heures pendant lesquelles les enfants sont gardés.
Si elle est définitivement approuvée par les députés, la loi introduisant cette garde de voisinage des petits enfants devrait entrer en vigueur en janvier, au plus tard en mai 2025.