Festival Be2Can : Les Misérables, un film « universel »

'Les Misérables'

Prix du Jury au dernier festival de Cannes et sélectionné pour représenter la France aux Oscars, le film français Les Misérables de Ladj Ly, a fait l’ouverture, mercredi soir, du festival Be2Can à Prague. Inspiré d’un fait réel, filmé et dénoncé par le réalisateur lui-même dans les années 2000, le film relate comment une bavure policière vient briser l’équilibre déjà très fragile de la paix sociale dans une cité de la banlieue parisienne. Mais plus qu’une simple dénonciation des violences policières, Les Misérables est avant tout l’histoire des Gavroches de 2019 comme l’ont détaillé au micro de Radio Prague International deux des comédiens du film, Djebril Zonga et Alexis Manenti :

'Les Misérables'
AM : « Ladj voulait parler de la place de l’enfance dans ces quartiers difficiles, dans ces territoires. Il voulait dire que si on laisse la situation s’envenimer, on va aller vers une révolte encore plus importante avec des gens encore plus jeunes. Ce sont des jeunes qui se font confisquer leurs rêves, et ils se révoltent parce qu’ils sont étouffés par la violence et les petites ambitions des adultes. »

DZ : « Il a voulu montrer que quand on oppresse trop les gens, il faut s’attendre à une réaction. C’est un film sur ce qui se passe aujourd’hui, sur les violences policières, la précarité sociale, l’état des rapports humains. C’est clairement une radiographie de notre société d’aujourd’hui et de la France de 2019. »

Quand on parle de la banlieue, c’est souvent via la télévision. Ici, c’est un film qui, même s’il est une fiction, est quand même inspiré de faits réels. Comment sortir des clichés sur la banlieue, souvent véhiculés par la télévision notamment ?

AM : « Ici, on a plutôt choisi de partir de clichés. Ladj vit là-bas, il connaît cet environnement, donc il y a de la vérité là-dedans. Ce n’est pas un œil extérieur d’un média, qui serait orienté politiquement. Il a essayé d’être le plus juste possible et de décrire le quartier au plus près du réel. »

Djebril Zonga,  photo: Unifrance
DZ : « C’est un film sur la banlieue qui a été fait par quelqu’un de la banlieue. Il sait de quoi il parle, donc il est légitime. »

A la fois le titre du film, Les Misérables, et la citation extraite du roman et mise en exergue à la fin, participent à faire du roman de Victor Hugo une référence incontournable. Qui sont les misérables d’aujourd’hui ?

AM : « Tous ceux qui vivent dans des situations de pauvreté et de misère sociale, ou autre. Ladj aime bien rappeler que tous les personnages du film sont des misérables, qu’il s’agisse de la police qui travaille dans des situations compliquées, avec peu de moyens et des salaires qui ne permettent pas de vivre dans l’extravagance, ou des autres personnes que l’on voit dans le film. »

Alexis Manenti,  photo: Unifrance
DZ : « Cela prouve que tout le monde est impliqué dans cette misère, tout le monde y vit, que ce soient les policiers ou les gens du quartier. Tout le monde est sous pression et c’est ce qui fait qu’à un moment donné, mon personnage va un peu perdre le contrôle. Tout cela est dû à une situation qui persiste. Il n’y a clairement pas de parti-pris et dans le film, comme le dis Alexis, tout le monde est misérable. »

En République tchèque, la problématique des banlieues françaises pourrait paraître a priori un peu lointaine. Mais dans le nord du pays notamment, il existe aussi une misère sociale dans les ghettos où vit la communauté rom. Ce type de film peut-il faire écho ici aussi ?

AM : « Je pense clairement que c’est un film universel qui parle de choses universelles aujourd’hui. Ça peut être au Brésil dans les favelas, dans certains quartiers aux Etats-Unis, ou même ici dans de nombreux pays d’Europe. Malheureusement c’est une situation qu’on retrouve partout dans le monde. Le sujet n’est pas uniquement franco-français, c’est une histoire beaucoup plus large. »