Fin de l’état d’urgence : début du chaos ?

Andrej Babiš, photo: ČTK/Michal Krumphanzl

Jeudi soir, la Chambre des députés a rejeté la demande du gouvernement d’Andrej Babiš qui souhaitait une fois de plus prolonger l’état d’urgence sanitaire. Réinstauré en octobre dernier pour faire face à la pandémie de coronavirus, cet état d’urgence prendra fin ce dimanche, de même que d’application de nombreuses mesures instaurées par le gouvernement pour lutter contre la propagation du virus. Cette impasse politique plonge la République tchèque dans l’incertitude, alors que le pays est confronté à une montée inquiétante de cas liés aux variants très contagieux du coronavirus et que les hôpitaux sont à la limite de la saturation.

Petr Fiala,  photo: ČTK/Kateřina Šulová

« Nous avons tenté plusieurs fois d’initier un débat avec le gouvernement, nous lui avons proposé nos solutions, nous avons même élaboré un plan de sortie de crise. Mais le gouvernement n’a montré aucune volonté de discuter avec nous pour trouver une issue à cette situation compliquée. Le gouvernement a seulement proposé une solution : prolonger l’état d’urgence. »

Président du parti civique démocrate ODS, Petr Fiala a ainsi résumé les principaux arguments qui ont conduit l’opposition à refuser au gouvernement l’extension de l’état d’urgence sanitaire. Seuls 48 députés sur les 106 présents ont soutenu le maintien de cet état spécial qui sert de cadre légal aux principales mesures restrictives touchant aux libertés individuelles des citoyens. Il permet entre autres de déployer l'armée et les pompiers ou de maintenir fermés les commerces.

Depuis plusieurs semaines, la coalition gouvernementale minoritaire, formée par le mouvement ANO d’Andrej Babiš et le parti social-démocrate, est en effet sous le feu des critiques de l’ensemble de l’opposition : frustrée par le fait de n’être ni écoutée, ni invitée à la table de négociation, elle reproche au cabinet d’Andrej Babiš de ne pas maîtriser la pandémie, de ne pas assurer des compensations suffisantes aux secteurs les plus touchés, bref, de ne pas avoir cherché de solutions alternatives.

A son tour, le gouvernement pointe du doigt ceux qui le critiquent, car ils n’auraient selon lui aucun plan B précis. Enfin, le gouvernement et l’opposition s’accusent mutuellement d’être responsable des décès à venir.

Les statistiques sont éloquentes : la République tchèque se range, depuis quatre mois, parmi les « champions » européens de la mortalité due au Covid-19. La maladie est ici responsable de six décès par heure. Jeudi,  l'Allemagne voisine a par ailleurs annoncé le rétablissement des contrôles fixes aux frontières avec la République tchèque, en raison du nombre croissant du variant britannique du coronavirus sur le territoire tchèque.

Jan Blatný,  photo : ČTK/Michal Krumphanzl

La fin de l’état d’urgence risque de ne pas améliorer la situation, comme l’a expliqué jeudi, à l’issue du vote des députés, le ministre de la Santé et médecin, Jan Blatný :

« Certains mesures resteront, indépendamment de l’état d’urgence, et nous allons bien sûr continuer à les appliquer. Mais il faut dire clairement que l’ampleur et l’importance de ces mesures sanitaires ne seront pas les mêmes. Nous ferons tout notre possible pour protéger la population, mais, je le répète, nous ne pourrons pas faire autant que lorsque l’état d’urgence sanitaire était décrété. »

Ce sont donc désormais les présidents des régions qui pourront mettre en place certaines mesures restrictives pour tenter d’endiguer la pandémie qui sévit notamment dans l’ouest et dans le nord-est de la Bohême, où trois districts viennent d’être isolés par le gouvernement. Président de la région de Karlovy Vary, Petr Kulhánek ne cache pas son inquiétude :

« En tant que présidents de région, nous pourrons par exemple réquisitionner  le personnel médical. Mais, ce qui nous préoccupe le plus, c’est que nous ne pourrons pas réguler le fonctionnement des commerces, des services ou encore, par exemple, des infrastructures de sport. »

Ainsi certains petits commerçants se disent prêts à ouvrir leurs magasins, tout en assurant de respecter les règles sanitaires, de même que les stations de ski qui ont d’ores et déjà annoncé l’ouverture des remontées mécaniques à partir de lundi.

Pour sa part, le gouvernement envisage de réinstaurer l’état d’urgence, malgré le désaccord de l’opposition. Encore faut-il que la constitution tchèque le permette.