Presse : la stabilité du gouvernement tchèque fragilisée par les manifestations ?
Cette nouvelle revue de presse revient d’abord sur les différents aspects des grandes manifestations qui ont marqué le début de la semaine en Tchéquie. Elle se penche ensuite sur la formation de coalitions nationalistes et de gauche à quelques mois des élections européennes. Elle s’intéresse également à la vision de la Tchéquie quant à l’adoption de l’euro qui demeure négative. Un mot enfin sur les attaches tchèques de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland qui vient de souffler ses 75 bougies.
Une crise économique, des mesures d’austérité, des grèves et des manifestations. Autant d’éléments qui ont précédé dans le passé la chute de gouvernements dirigés par un représentant du Parti civique démocrate (ODS). « Cette règle de fer de la politique tchèque va-t-elle s’appliquer également au cabinet de Petr Fiala ? », s’interroge l’éditorialiste du site Seznam Zprávy. Le tout au moment où, selon les observateurs, la grogne au sein de la population qui s’est manifestée lors de la grève du 27 novembre ne correspond pas aux mesures d’austérité gouvernementales, plutôt modérées :
« Par le passé, qu’il se soit agi des gouvernements de Petr Nečas ou de Mirek Topolánek, les électeurs de l’opposition encouragés par les syndicats avaient manifesté dans la rue contre les réformes. En revanche, au cœur de la grève de lundi dernier se trouvaient en grande partie des électeurs du gouvernement : enseignants, médecins ou employés. Un constat qui correspond exactement à ce que montrent les sondages. Près de 90 % des citoyens sont d’accord sur le fait que l’Etat doit faire des économies. Mais en même temps, ils ne veulent pas que cela les touche directement. »
Les problèmes des gouvernements tchèques de droite découlent donc, comme l’estime l’éditorialiste de Seznam Zprávy, d’une contradiction fondamentale entre une élite de droite relativement étroite et l’orientation majoritairement à gauche ou pro-sociale de la majorité de l’opinion publique tchèque. Et d’ajouter :
« Le climat délétère et les tensions au sein de la société sont également dus à l’absence de bonnes nouvelles. Depuis quatre ans, les crises se succèdent sans perspective d’une quelconque amélioration. Le Covid-19, la guerre en Ukraine, la dette publique, l’inflation record, la guerre au Proche-Orient, la crise énergétique. Les gens semblent en avoir assez de toutes ces mauvaises nouvelles. »
La grève comme pression politique
Selon l’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt, la grève et les protestations qui ont eu lieu cette semaine à Prague et qui revendiquaient ‘une meilleure Tchéquie’ ou ‘la fin de l’arrogance du pouvoir’ avaient un caractère politique. Il a expliqué pourquoi :
« Certes, le gouvernement Fiala n’a pas apporté aux gens la croissance des salaires et une augmentation du niveau de vie comparables à celles que nous avons connues au cours de la dernière décennie et qui étaient liées à la conjoncture mondiale, mais il en a fait assez pour ne pas être balayé par une vague de grèves. Il s’est clairement placé du bon côté par rapport à la guerre en Ukraine, ce que prouve l’augmentation des dépenses dans le secteur de la défense. Il a également bien géré une crise énergétique sans précédent et réussi à couper le pays de sa dépendance du gaz russe. Il ne flirte pas avec le nationalisme ou le populisme et mène avec le président une politique étrangère visant à défendre les intérêts nationaux. »
La liste de ce que le gouvernement aurait dû mieux faire serait également longue. Il aurait pu, par exemple, comme l’indique l’éditorialiste de Respekt, adopter le mariage pour tous ou déployer des efforts en vue de l’adoption de l’euro. Mais si les syndicats préfèrent ignorer les réussites de la coalition gouvernementale pour protester contre elle, ils devraient alors soumettre des revendications clairement formulées, estime-t-il encore :
« La grève ‘pour une meilleure Tchéquie’ n’est qu’une pression politique, car elle n’appelle pas à un changement. Mais pour cela, nous n’avons pas besoin de syndicats, car nous avons déjà l’opposition. »
Elections européennes : formation de coalitions nationalistes et de gauche
Outre la coalition Spolu (Ensemble) composée de trois partis de droite et de centre-droite, d’autres formations politiques envisagent des coalitions pour les élections européennes. Le quotidien Deník N s’est intéressé notamment à celles du parti d’extrême-droite SPD (Liberté et démocratie directe) de Tomio Okamura et à celle envisagée par les communistes :
« Le SPD a conclu une coalition avec un autre mouvement nationaliste, Trikolora, une union que les deux formations avaient déjà testée avec succès lors des élections municipales. Pourtant, l’ambition de Tomio Okamura semble être plus grande encore, sa motivation étant de devenir le leader du camp des forces radicales anti-européennes. Par ailleurs, ces derniers temps, il se plaît à évoquer sur les réseaux sociaux ses contacts avec divers hommes et femmes politiques d’Europe occidentale qui sont ses partenaires au sein du groupe ID (Identité et Démocratie). Il s’agit notamment de Marine Le Pen et du vainqueur des élections néerlandaises Geert Wilders, qu’il a l’habitude de décrire comme ses amis personnels. »
Deník N rappelle que le SPD qui se présente depuis longtemps comme un parti résolument anti-européen relance la question du ‘Czexit’, quelque chose qu’une majorité de la société tchèque refuse. Toutefois, la stratégie d’Okamura porte ses fruits, ses préférences électorales actuelles se situant entre 10 et 12 %.
S’agissant des communistes qui, après avoir été éliminés de la Chambre des députés aux dernières élections législatives, espèrent un come-back marquant, le journal a noté :
« Une nouvelle coalition de gauche envisagée intitulée Stačilo (Assez) devrait comprendre outre les communistes, en tête avec l’eurodéputée Kateřina Konečná, encore d’autres petites formations de gauche ou les anti-systèmes. Selon les experts, son résultat aux élections européennes pourrait surprendre. »
L’adoption de l’euro en Tchéquie : un concept vague
« L’euro ne représente qu’un concept pour les dirigeants tchèques. En fait, tout le monde l’appréhende ». Voilà ce que constate l’auteur d’un texte publié dans le quotidien Hospodářské noviny avant de préciser :
« Le ministère des Finances a recommandé cette année de ne pas fixer de date pour l’introduction de l’euro. Et ce malgré le fait que, grâce aux mesures d’austérité, la Tchéquie va remplir les critères nécessaires pour son adoption. Paradoxalement, ce gouvernement de coalition pourrait être qualifié de pro-euro : à l’exception du Parti civique démocrate (ODS), les autres partis se déclarent fiers de soutenir l’euro. Mais l’euro en Tchéquie est toujours rejeté par une majorité de la population. Même des événements tels que la guerre en Ukraine ne parviennent pas à convaincre les Tchèques des avantages de la monnaie unique. Ni l’introduction de l’euro en Slovaquie, ni le fait que même leur destination de vacances la plus sollicitée, la Croatie, ait abandonné sa kuna cette année pour passer à l’euro de son plein gré, n’ont diminué leur rejet. »
L’explication de l’éditorialiste du quotidien économique est simple :
« Il n’y a pas lieu de réprimander la population. La faute est clairement au discours eurosceptique des dirigeants politiques, ODS et représentants de la Banque centrale en tête. »
Les attaches tchèques de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland
« La réalisatrice polonaise Agnieszka Holland, reconnue tant en Europe qu’à Hollywood, célèbre son 75ème anniversaire en pleine forme. » Voilà le titre d’un article publié dans le magazine Reflex qui a saisi l’occasion pour évoquer les nombreuses attaches qui lient la cinéaste à la Tchéquie :
« Agnieszka Holland a étudié dans les années 1966-1971 à l’école de cinéma FAMU de Prague. Nommée trois fois aux Oscars, elle a tourné avec Leonardo DiCaprio, Albert Finney ou Samuel Shepard. Pourtant, c’est la série télévisée Burning Bush (Hořící keř), récit des événements qui ont suivi l’immolation par le feu de l’étudiant tchèque Jan Palach en 1969, qu’elle considère comme un des plus importants projets de sa vie. Par ailleurs, elle tourne régulièrement en Tchéquie et souhaite y retourner l’année prochaine pour un projet sur Franz Kafka. La réalisatrice polonaise aime à dire que les Tchèques occupent une place spéciale dans son cœur. Même son dernier film, qu’elle qualifie de ‘fatidique’, Green Border, primé à Venise, a été réalisé en co-production tchèque. »
A ce propos, la chroniqueuse de Reflex a noté :
« Agnieszka Holland n’a jamais caché le fait qu’elle faisait des films censés changer le monde. Avec le film Green Border, quelques mois avant son 75e anniversaire le 28 novembre, elle y est parvenue. En même temps, et certainement pas pour la dernière fois, elle nous a rappelé la puissance et l’importance du film de fiction. »