Histoires de l’injustice ou comment expliquer aux enfants ce qu’a été la normalisation

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« Příběhy bezpráví » (Histoires de l’injustice) est un projet éducatif lancé en 2005 par l’association humanitaire Člověk v tísni (L’homme en détresse). Son objectif est de familiariser les élèves tchèques avec l’histoire moderne de leur pays. Ainsi, tout au long du mois de novembre, environ 760 écoles primaires et secondaires organisent des projections de documentaires et des débats consacrés, cette année, à la période dite de normalisation qui a suivi l’écrasement du Printemps de Prague, en 1968.

'České děti',  photo: CT24
La 8e édition des « Histoires de l’injustice » a débuté jeudi soir, dans la salle de cinéma de Lucerna, dans le centre de Prague, par la projection du documentaire réalisé par le directeur de ce projet, Karel Strachota. Intitulé « České děti » (Les enfants tchèques), il est consacré à un mouvement d’opposition des jeunes nés peu avant la chute du Rideau de fer et qui a participé aux principales manifestations anti-communistes des années 1988 et 1989.

Ce film fait partie des trois documentaires proposés dans le cadre du projet « Histoires de l’injustice » aux écoles tchèques. Chaque établissement participant est censé projeter un de ces films et organiser un débat sur le sujet avec un témoin de l’époque.

Filip Šebek,  photo: Archives de CRo7
Filip Šebek, un des organisateurs du projet, présente les deux autres documentaires qui figurent dans la sélection de cette année :

« Le deuxième film qui s’intitule ‘Hej Gusto’ raconte le procès de Pavel Křivka, condamné en 1985 pour avoir composé une chanson satirique inspirée du personnage du président tchécoslovaque de l’époque, Gustáv Husák. Le dernier film de la sélection, appelé ‘Nikomu jsem neublížil’ (Je n’ai fait de mal à personne’), apporte des témoignages et confessions des anciens collaborateurs de la police secrète communiste, la StB. »

'Hej Gusto',  photo: Člověk v tísni
La normalisation, donc la période des années 1970-1980, représentait, pour les autorités communistes, un « retour à la normale » après la libéralisation de la société tchécoslovaque qui a culminé en 1968. Un « retour à la normale », c’est-à-dire une censure renforcée, des arrestations, des procès, des émigrations forcées… Pourquoi les « Histoires de l’injustice » sont-elles consacrées justement aux deux dernières décennies du régime communiste ? Filip Šebek :

« Parler du thème de la normalisation nous paraît extrêmement important, surtout dans le contexte actuel. Par exemple, la télévision publique diffuse une série très populaire intitulée ‘Vyprávěj’ (en français ‘Raconte’, ndlr) qui se rapporte, entre autres, à cette période-là. Les enfants qui la suivent peuvent avoir l’impression que la principale difficulté des habitants de la Tchécoslovaquie communiste était de faire la queue devant les magasins pour pouvoir acheter des bananes. Mais les jeunes ne se rendent pas compte que, à l’époque, il n’était pas possible de voyager, d’exprimer publiquement ses opinions. »

Photo: Člověk v tísni
En effet, selon une récente étude effectuée par l’association Člověk v tísni, plus de la moitié des étudiants tchèques considèrent la qualité de vie sous le communisme meilleure ou équivalente à celle dans la société actuelle. Filip Šebek :

« Les jeunes gens se font une image du passé à partir de ce que leur disent leurs parents et de ce qu’ils entendent à l’école et dans les médias. S’ils pensent ce qu’ils pensent, ce n’est pas de leur faute, c’est plutôt celle des adultes. Notre projet leur raconte comment était réellement la vie sous le régime totalitaire, les destins des victimes du communisme. Il leur présente les gens qui ont fait face à la dictature. »

Jeudi soir, un jury d’étudiants a attribué le Prix des Histoires de l’injustice à trois représentants de la résistance anti-communiste. Rappelons que ces projections de films et débats organisés dans les écoles tchèques en ce mois de novembre s’inscrivent dans un vaste programme éducatif de l’association humanitaire Člověk v tísni. Dans le cadre ce celui-ci, plus de 2 900 écoles tchèques, ainsi que des établissements scolaires en Slovaquie, en Pologne, en Suède ou en Allemagne, ont accès à des films et autres matériaux audiovisuels liés à l’histoire contemporaine.