Hommage aux femmes prisonnières des camps communistes des années 50

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Jeudi 29 septembre, sous le plafond peint de la salle de la Maison nationale retentit l'hymne national tchèque après une minute de silence en mémoire des prisonniers politiques tchèques, victimes du régime communisme. Mais une fois n'est pas coutume, c'est aux femmes qu'était consacrée cette rencontre du souvenir, organisée par la Confédération des anciens prisonniers politiques, une première depuis 1989, pour tenter de remédier aux oublis de l'histoire.

Partout dans la salle, les chevelures sont grisonnantes ou blanches, les pas un peu hésitants, et pourtant, tout l'espace bruit d'une incroyable énergie : difficile même par moments, d'imaginer que ces vieilles dames élégantes, aux yeux pétillants, qui lèvent les bras en reconnaissant une amie, s'embrassent et discutent ont, dans leur prime jeunesse, vécu des souffrances difficilement imaginables aujourd'hui pour les jeunes générations tchèques, européennes, qui n'ont connu ni la guerre, ni les heures les plus sombres du communisme.

On parle beaucoup et à raison des procès politiques manipulés dans les années cinquante, cependant nombre des personnes rassemblées ne se considèrent pas nécessairement comme des victimes à proprement parler, mais comme des résistants au communisme comme d'autres ont résisté au nazisme. C'est le cas de Julie Hruskova qui raconte comment elle a été arrêtée au printemps 1949 :

« Je m'occupais d'espionnage. A l'époque, l'Autriche était encore divisée en différentes zones. Ils ne m'ont attrapée qu'en Autriche. Je faisais passer des gens à la frontière et je me suis retrouvée à Linz, qui se trouvait en zone américaine, d'où on m'a renvoyée en Tchécoslovaquie pour mettre sur pied un groupe d'espionnage. C'est sur la route du retour qu'ils m'ont attrapée en zone russe. Ils m'ont fait passer des interrogatoires, ils voulaient que je signe et collabore avec eux, ils disaient qu'ils me relâcheraient en zone américaine. J'ai refusé de signer et ils m'ont renvoyée en Tchécoslovaquie où j'ai été condamnée à 15 ans pour espionnage. »

La prison pour Julie Hruskova comme pour des milliers d'autres femmes qui, parce qu'elles refusent de se soumettre au nouvel ordre en place, remplissent les cellules des camps et prisons communistes. Ou payent de leur vie, comme l'ont rappelés les discours de cette rencontre : plus d'une fois, le nom de Milada Horakova, députée social-démocrate, seule femme condamnée à mort en 1950, a retenti dans la salle remplie.

Otakar Raulin, membre de la confédération, estime que les femmes ont joué un très grand rôle « comme partout et toujours » dit-il, mais que physiquement, elles ont beaucoup plus souffert que les hommes :

« Pour certaines femmes, ça a été plus que catastrophique. Il faut en plus imaginer des matons brutaux, incultes, primitifs, insultants. Les prisonnières étaient souvent des femmes très cultivées qui avaient atteint un certain niveau dans la société avant qu'on ne les enferme. »

Pourtant, les témoignages des hommes présents s'accordent pour dire que ces femmes ont trouvé en elles une force parfois supérieure à celle des hommes, ce que confirme Julie Hruskova :

« Je pense que les femmes l'ont supporté de manière plus courageuse, parce qu'elles sont devenues, si l'on peut dire, de vraies louves. Et nous avons fait tout notre possible pour ne pas nous avilir, nous humilier devant nos geôliers qui nous brimaient comme ils le pouvaient, tant psychologiquement que physiquement. »