Campagne d’Amnesty International : écrire, ça libère
Chaque année depuis vingt ans, le Marathon d’écriture de lettres d’Amnesty International met en lumière des cas d’emprisonnement injustifiés. Et cherche à faire libérer ces personnes par la force du stylo et du timbre postal.
A Amnesty International, les cartes de vœux sont un peu particulières. En effet, une campagne internationale annuelle procède à l’envoi de milliers de lettres visant à attirer l’attention sur des personnes emprisonnées injustement, à les soutenir et, dans de nombreux cas, à parvenir à leur libération. La section tchèque d’Amnesty International organise depuis onze ans ce Marathon d’écriture de lettres. Et cette année, dans tout le pays, plus de mille séances d’écriture sont déjà au programme pour la première quinzaine de décembre. Coordinatrice à Amnesty International à Prague, Evgenia Bernstein explique le fonctionnement de cette campagne d’envergure :
« Le marathon est la plus grande campagne internationale en faveur des droits de l’homme au monde. Chaque année, depuis onze ans, des millions de personnes de par le monde y participent. Amnesty International les invite à écrire à la main des lettres qui sont ensuite envoyées par la poste, pour soutenir des personnes emprisonnées injustement dans le monde. Ces lettres peuvent être adressées directement aux puissants – aux Présidents, aux procurateurs de Cours suprêmes, aux Premiers ministres, en résumé, aux personnes qui décident du destin de ces personnes emprisonnées – ou bien ils peuvent envoyer des lettres de solidarité directement aux personnes emprisonnées. »
Chaque année, un nombre limité de cas est sélectionné pour cette campagne ciblée. Sur les six personnes mises en avant dans la campagne de l’année dernière, quatre d’entre elles ont déjà été libérées. Dans sa sélection, Amnesty International accorde une attention particulière à la diversité des problématiques, mais aussi des zones géographiques concernées. De plus, l’impact potentiel des cas sur l’ensemble de la région est également pris en compte : il est important qu’il ne s’agisse pas de cas isolés, de façon à ce que leur libération éventuelle – et espérée – puisse aboutir à une modification de la législation et fasse avancer le respect des droits de l’homme.
Evgenia Bernstein présente les six personnes sélectionnées cette année par Amnesty International en République tchèque pour la campagne de Marathon d’écriture de lettres :
« Cette année, nous avons le cas d’un activiste écologique au Guatemala, une journaliste chinoise, un journaliste égyptien, le cas d’une personne en Erythrée, en Ukraine et en Biélorussie. Tous ne sont pas journalistes. L’activiste du Guatemala, par exemple, il défend la cause des mayas q'eqchi', qui se sont vus confisquer leurs forêts à cause de la construction de deux centrales électriques, et qui risquent maintenant de perdre la rivière Cahabón, qui est sacrée pour eux. Il y a aussi le cas de ce jeune Biélorusse, dont on ne peut même pas dire qu’il soit activiste à proprement parler : il s’est juste trouvé au mauvais moment au mauvais endroit, et il a été arrêté pour avoir soi-disant participé à une manifestation. Il avait 17 ans à l’époque des faits. Il y a aussi le cas de cette jeune Erythréenne, qui a disparu depuis longtemps : voilà neuf ans que personne n’a de ses nouvelles, car alors qu’elle tentait avec sa famille de fuir l’Erythrée, elle a été emprisonnée à cause de l’activisme politique de son père. Il y a aussi une journaliste chinoise qui a été emprisonnée pour avoir publié sur les réseaux sociaux des informations depuis l’épicentre du Covid. Enfin, nous avons un groupe de femmes ukrainiennes qui défendent les droits des personnes LGBT. Ces femmes font l’objet de menaces en permanence. Les cas sont donc très divers et variés. »
Selon les pays, cette campagne d’Amnesty International porte des noms différents. Ainsi elle est nommée « Marathon des lettres » en Belgique, en Suisse et au Luxembourg, « Ecrire pour les droits » en France, et « Ecrire, ça libère » au Canada francophone. Evgenia Bernstein explique comment chacun peut s’investir en pratique :
« Concrètement, toute personne – même francophone non tchécophone – peut participer en s’inscrivant sur notre site internet, https://maraton.amnesty.cz/. L’une des façons de participer est d’organiser une séance d’écriture de lettres, par exemple à domicile, dans un café, dans un cinéma… Il peut s’agir d’un événement privé ou ouvert au public, il peut avoir lieu dans le cadre d’un team building, d’une fête de Noël… et donc les gens se rassemblent pour écrire ensemble des lettres. Ensuite, ils envoient ces lettres par la poste, l’idéal étant qu’ils les postent par eux-mêmes. Il est également possible de les faire parvenir au bureau d’Amnesty International à Prague, et nous nous chargerons ensuite de les poster. En s’inscrivant sur notre site, ces participants organisateurs ont ensuite accès à tous les documents nécessaires, qu’ils peuvent télécharger : mode d’emploi, modèles de lettres, adresses des gouvernants et des personnes emprisonnées… J’en profite pour préciser à vos auditeurs que tous ces documents sont disponibles y compris en français. »
« Outre l’organisation de ces événements publics, les gens peuvent s’investir en s’inscrivant comme ‘auteur de lettres individuel’. Dans ce cas, ils peuvent tranquillement lire toutes les informations à propos des différents cas et, chez eux, écrire des lettres pour n’importe lequel de ces cas. Puis les envoyer par la poste. A titre individuel, il est également possible de se greffer aux événements organisés de façon publique. Notre site Internet offre une carte qui référence tous les événements organisés en République tchèque, avec leur date. Amnesty International va également co-organiser plusieurs séances d’écriture de lettres, qui sont elles aussi indiquées sur notre site. »
Evgenia Bernstein précise que les modèles de lettres sont là pour aider les participants qui ne sauraient pas forcément comment formuler leurs requêtes adressées aux personnes de pouvoir. Mais ils peuvent également faire preuve d’originalité et rédiger un courrier de leur cru. Pour ce qui est des lettres de solidarité – adressées, donc, aux personnes emprisonnées –, à l’inverse, les participants sont invités à la créativité pour rédiger un courrier personnalisé. Ils peuvent par exemple choisir de faire un dessin, d’écrire un poème… Et ce dans la langue de leur choix. Le plus important étant, au final, la quantité de lettres envoyées. Evgenia Bernstein :
« Ce qui compte, c’est surtout le nombre de lettres envoyées. L’objectif de cette campagne, c’est d’envoyer, depuis le monde entier, autant de lettres que possible de façon concentrée, sur une période donnée. Ainsi, le bureau du roi d’Arabie saoudite, par exemple, va se retrouver complètement débordé par cette masse de lettres. C’est la quantité qui fait la force. Nous nous doutons bien que les dirigeants ne vont pas lire chacune de ces lettres individuelles, mais ils comprennent très bien de quoi il s’agit. C’est ça notre objectif. »
Plus d’infos sur la campagne tchèque, qui a lieu du 1er au 15 décembre : https://maraton.amnesty.cz/