Le 27 janvier est la Journée de la mémoire des victimes de l'holocauste et de la prévention des crimes contre l'humanité. Elle commémore la libération du camp d'extermination, Auschwitz où plus d'un million de personnes, dont la plupart des Juifs, ont péri. Le 27 janvier 2005, à l'occasion du 60e anniversaire de la libération d'Auschwitz, une plaque a été dévoilée dans la synagogue Pinkas à Prague, en hommage aux familles tchèques qui ont caché pendant la guerre les enfants juifs. Aujourd'hui, il ne vit que quelques dizaines de ces enfants juifs, et encore moins de leurs sauveurs qui sont déjà morts où approchent de 90 ans. Quel souvenir gardent-ils dans leur mémoire, quel regard portent-ils, aujourd'hui sur ces événements ?
Les murs de la synagogue Pinkas, dans l'ancienne cité juive de Prague, sont recouverts des noms de 80 000 Juifs de Bohême et de Moravie qui n'ont pas survécu à l'holocauste. La plaque dévoilée dans cette même synagogue rend hommage à ceux grâce auxquels cette liste est de quelques dizaines de noms plus courte. On peut y lire la devise suivante : « Qui sauve une vie humaine, sauve le monde entier. » Les enfants juifs ayant échappé à la mort certaine grâce à leurs sauveurs sont réunis au sein de l'association « Enfant caché ». Elle a son siège dans la rue Jachymova, dans la Vieille-Ville de Prague et ses membres se rencontrent régulièrement. La présidente de l'association, Jana Draska, souligne que les destinées de ces enfants étaient ignorées pendant très longtemps, sous le régime précédent. Leur première rencontre n'a eu lieu que 50 ans après, et les souvenirs des années de guerre étaient déprimants : la plupart de ces enfants ont perdu leurs parents et proches dans les camps de la mort et souffraient du traumatisme psychique de survie. Ce sentiment persiste encore, beaucoup d'anciens enfants juifs sauvés ont de la peine à s'acquitter du passé, dit Jana Draska, qui a subi elle-même ce sort.
Pour les enfants juifs cachés, les années de guerre passées dans la plus haute clandestinité étaient une lourde épreuve. Agés de 2 à 15 ans, ils devaient s'adapter à un milieu inconnu. Certains enfants ont passé tout ce temps cachés dans des caves qu'ils ne pouvaient quitter que la nuit. D'autres, lorsque les contrôles effectués à domicile par la Gestapo menaçaient, devaient se cacher pendant plusieurs jours dehors, dans la forêt. Une femme raconte que ses sauveurs l'ont caché dans un rucher. Jana Draska, présidente de l'Association « Enfant caché » se souvient des mois passés dans la clandestinité à l'hôpital de Cesky Brod. Par peur de dénonciation, sa famille « adoptive » a ensuite déménagé dans un village des alentours où personne ne la connaissait. Comme la peine de mort menaçait tout personne qui cachait chez elle une personne d'origine juive, la cave et le grenier étaient pendant deux années le seul espace de vie de la petite Jana. Elle se souvient qu'à cette époque, elle nourrissait des sentiments d'amertume à l'égard de ses propres parents et aussi à l'égard de la famille de ses sauveurs qui, à ses yeux, la limitait dans tout ce qu'elle voulait faire. C'était difficile pour un enfant de comprendre pourquoi il devait rester tout le temps à l'abri, dit Jana Draska qui, de toute sa famille, est la seule qui ait survécu à la guerre.
Le camp d'Auschwitz-Birkenau
Beaucoup d'enfants juifs n'ont pas pu faire leurs adieux à leurs parents déportés dans des camps nazis, comme ils n'ont pas pu, non plus, remercier leurs sauveurs. La guerre terminée, ces enfants, devenus orphelins, étaient confiés aux soins des communautés juives. Souvent, ils n'ont plus jamais rencontré leurs sauveurs qui ont payé au prix de risques personnels majeurs leur action de solidarité humaine. C'était le cas aussi de la mère de Jolana Jezdinska qui a sauvé trois enfants juifs âgés de 5, 8 et 9 ans. Comment ? Tout simplement en les cachant chez elle au moment où leurs parents devaient se présenter au transport à Auschwitz. Jusqu'à la fin de la guerre, ils sont restés chez elle. Après la guerre, elle a été invitée en Israël où elle a pu les rencontrer.
Les noms des sauveurs tchèques sont inscrits sur la plaque commémorative à la synagogue Pinkas avec d'autres 120 personnes auxquelles Israël a accordé le titre « Juste des nations. » Au musée de l'Holocauste à Jérusalem, des arbres sont plantés en l'honneur des Justes des nations. Deux arbres reliés par leurs branches, qu'on trouve sur la plaque installée dans la synagogue Pinkas à Prague, symbolisent les mains tendues pour apporter une aide, explique l'auteur de l'oeuvre, le sculpteur Jaroslav Rona, dont le père était également l'un des enfants cachés, et il souligne : Pour ces personnes, leur action était une évidence, ils n'y réfléchissaient même pas.