Il est ivre, soûl, beurré, bourré et « il ne marche pas seul »

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Pour cette fois, nous allons nous intéresser aux expressions relatives à une consommation de boissons alcoolisées trop importante et, par conséquent, à un état d'ébriété avancé...

Chaque année, l'annonce prête quelque peu à sourire, mais les Tchèques en sont fiers. Avec environ 160 litres consommées en moyenne pendant l'année par chaque habitant, enfants et personnes âgées compris, les Tchèques sont ni plus ni moins les plus gros buveurs de bière au monde. Il faut dire que dans un pays qui a inventé la bière de type pils, ce qui est parfois appellé le pain liquide représente un certain art de vivre et un élément incontournable de la culture populaire. Mais s'ils aiment donc leur bière, comme partout ailleurs, ils aiment aussi parfois en boire une petite de trop. Rien d'étonnant dès lors à ce que l'on retrouve une quantité d'expressions et de comparaisons relatives à un état d'ivresse avancé de certains consommateurs.

Par exemple, puisque lorsqu'on est soûl, on a parfois tendance à perdre un peu l'équilibre et à ne pas marcher bien droit, les Tchèques diront parfois de la personne en question qu'elle zigzague, qu'elle a du vent dans les voiles, traduit littéralement qu'elle « lace le chemin » - « šněruje cestu », le verbe « šněrovat » signifiant, en effet, « lacer », dans le sens de lacer un corset ou des souliers. Dans ce cas-là, il peut alors arriver que « le chemin soit trop étroit pour lui » - « každá cesta je mu úzká », qu'il « ne puisse pas retrouver le chemin de la maison » - « nemůže trefit domů », et finalement qu'il « ne sache pas passer par la porte » - « nemůže trefit do dveří ». Bref, tout un ensemble de petits problèmes dont certains d'entre vous ont peut-être déjà fait l'expérience et qui peuvent même donner l'impression que le coupable, si on peut le désigner ainsi, « ne marche pas tout seul » - « nejde sám », ou alors, mieux encore, qu'ils « marchent à deux » - « jdou dva ».

Mais la langue tchèque dispose également de dizaines d'autres expressions encore un peu plus imagées. Ainsi, au choix, toujours à propos d'une personne ivre, on pourra dire qu'elle « ne sait pas comment porter sa tête » - « neví, jak hlavu nést ». Ironiquement, on peut également affirmer qu'il « a reçu beaucoup de raison » - « dostal moc rozumu », ou, plus probablement, qu'il « a accroché sa raison au clou » - « pověsil rozum na hřebík », le clou faisant office dans ce cas précis de porte-manteau. Toujours en rapport avec la tête, il existe une autre expression qui veut que lorsqu'on abuse quelque peu de la bière, on « fasse le tri dans sa tête avec du houblon » - « přebrat hlavu chmelem ». Dès lors, rien d'étonnant à ce que « le monde tourne avec lui » - « motá se s ním svět », ou plutôt titube avec lui, ou encore qu'il « voit deux soleils » - « vidí dvě slunce ».

Avant d'en terminer, il convient de raconter une petite anecdote qui résume assez bien le rapport qu'ont certains Tchèques avec la bière et qui expliquent en partie certains des états, plus ou moins agréables, mentionnés précédemment. Un groupe, d'hommes en général, est attablé autour d'une bière. Dans les brasseries et bistrots tchèques, les serveurs font régulièrement le tour des tables et des clients pour contrôler si leur demi-litre n'est pas vide et, si tel est le cas, leur en servir un nouveau. Mais dans un groupe, il arrive parfois que certains aient envie ou besoin de finir leur verre, de régler leur addition, puis de partir. Seulement, les autres n'ont parfois ni cette envie ni ce besoin. Alors, le serveur arrive et demande « Ještě jedno ? », c'est à dire « Encore une ? ». Moment d'hésitation autour de la table jusqu'au moment où l'un des membres du groupe lance, histoire de convaincre celui qui veut les quitter, « Poslední a uvidíme! », soit « la dernière et on verra bien ». Une fois cette soi-disant dernière bière terminée, le serveur revient et c'est un nouveau moment d'hésitation au sein du groupe, certains n'ayant toujours pas envie de quitter les lieux. Finalement, une autre bière est commandée. Et si vous vous en étonnez puisque l'avant-dernière était déjà censée être la dernière, on vous répondra que c'est bien ce qui avait été dit : « la dernière » et surtout après « on verra bien ».

C'est sur cette manière de concevoir les choses quelque peu particulière que prend fin de « Tchèque du bout de la langue » consacré aux expressions relatives à l'abus d'alcool et à l'état d'ébriété. En attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !