Il y a 84 ans, les accords de Munich scellaient l’annexion des Sudètes en Tchécoslovaquie

Les Accords de Munich

Il y a 84 ans étaient signés les accords de Munich qui, sous couvert de régler la crise des Sudètes, scellaient le destin de la Tchécoslovaquie en permettant de fait à Hitler d’annexer les régions du pays à majorité allemande. Un anniversaire qui prend une coloration particulière cette année, alors que l’Europe fait actuellement face à la menace de la guerre suite à l’attaque russe contre l’Ukraine et que Moscou a annoncé l’annexion des territoires ukrainiens qu’il revendique.

« J’ai été saisi au début de cet après-midi d’une invitation du gouvernement allemand à rencontrer demain matin le chancelier Hitler, M. Mussolini et M. Neville Chamberlain. J’ai accepté cette invitation. (...) Ma tâche est rude. Depuis le début des difficultés que nous traversons, je n’ai pas cessé un seul jour de travailler à la sauvegarde de la paix et des intérêts vitaux de la France. »

Edouard Daladier  (à gauche) et Adolf Hitler | Photo: Bundesarchiv,  Bild 183-1982-1020-502/Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

Le 28 septembre 1938, le président du Conseil français, Edouard Daladier, annonce aux Français son départ pour Munich. La mobilisation a été faite depuis quelques jours en France, de même en Angleterre. La guerre est aux portes de l’Europe. Mais personne en France et en Angleterre n’a envie de la faire après le traumatisme de la Grande Guerre. A Munich, le 29 septembre, c’est autour d’un Hitler qui brandit l’ultimatum de la guerre que se réunissent Français et Anglais pour des négociations qui n’en sont pas vraiment, et qui aboutissent à cet accord fatal pour la Tchécoslovaquie indépendante.

« A propos de nous, sans nous »

A l’issue de cette réunion, la Tchécoslovaquie se voit amputée des régions germanophones des Sudètes et sacrifiée sur l’autel d’une paix en sursis.

De cet événement, la mémoire tchèque a gardé l’expression évocatrice « o nás, bez nás » (à propos de nous, sans nous), car en effet, les Tchécoslovaques, premiers concernés par ces accords n’ont même pas été invités à la table des négociations, comme le rappelait sur notre antenne en 2018 l’historien Fritz Taubert, enseignant-chercheur à l’Université de Bourgogne, qui a consacré certains de ses travaux aux accords de Munich :

« C’est une véritable tragédie avec des côtés presque cocasses de temps en temps. Les Français et les Britanniques voulaient absolument la paix. Ils ne voulaient surtout pas la guerre. Puisque de toute façon la victime était la Tchécoslovaquie, on craignait que la délégation tchécoslovaque ne pousse éventuellement à la guerre. C’est pour cela, à mon avis, qu’on les a écartés. Une façon plus qu’impolie de la part des Britanniques et des Français parce que la victime n’a même pas eu l’occasion de protester. »

Tchécoslovaquie après l’annexion des Sudètes | Source: e-Sbírky,  Musée national,  CC BY 4.0 DEED

L’armée tchécoslovaque était mobilisée depuis le 23 septembre 1938. Ce qui sera désigné comme un « diktat » par le gouvernement de Prague suscite une forte émotion dans le pays qui n’avait eu de cesse de croire au soutien des deux nations ayant présidé à sa création vingt ans plus tôt. Le discours véhément du ministre de la Justice tchécoslovaque, Ivan Dérer, en témoigne :

Ivan Dérer | Photo: Wikimedia Commons,  public domain

« Nous étions donc placés devant un choix : soit le combat héroïque de nos armées, mais un combat sans perspective, une guerre horrible qui se serait terminée par l’anéantissement de nos armées, par une destruction totale de la nation, soit accepter ce que les puissances européennes nous ont dicté à Munich et ce qui garantit un minimum vital à notre Etat, ses frontières ethnographiques et nationales. »

Cette trahison de la Tchécoslovaquie a marqué durablement la conscience nationale tchèque, malgré la décision symbolique du général De Gaulle de déclarer, le 29 septembre 1942, les accords de Munich nuls et non avenus. (Un épisode sur lequel nous reviendrons d’ailleurs bientôt dans notre programme). Elle est aussi restée comme une épine dans le pied pour la France, comme l’avait rappelé sur notre antenne en 2008 le regretté Marc Ferro :

 

« Munich est une plaie ouverte dans la conscience nationale française, car nous avons parfaitement conscience que c’est la lâcheté des dirigeants français et même du peuple français dans son ensemble, qui est à l’origine de l’abandon de la Tchécoslovaquie. Cela dit, d’après des lectures que j’ai faites, il semblerait bien que Beneš ait été contraint à céder, et qu’il a laissé les Anglais et les Français faire pression sur lui pour qu’il capitule afin de pouvoir dire à ses compatriotes que ce n’était pas de sa faute… Il y a eu un jeu très pathétique entre les dirigeants tchèques et français pour savoir qui lâcherait l’autre le plus vite et pour se justifier vis-à-vis de son opinion. C’est un moment honteux de l’histoire de la France, et depuis 1938, bien des dirigeants français ont voulu se racheter. »

Le qualificatif de « munichois » a refait surface dans le discours public ces derniers mois, suite à l’attaque de la Russie contre l’Ukraine. Tant en France qu’en Tchéquie, et en Europe centrale de manière plus large, l’adjectif entaché de honte depuis plus de 80 ans n’a jamais paru aussi actuel…