Il y a 70 ans : les Accords de Munich
Il y a 70 ans, commençait la Deuxième Guerre mondiale. Cette affirmation a tout lieu de surprendre quand on sait que classiquement, on parle de la guerre de 39-45. Mais de plus en plus nombreux sont ceux qui placent le début de ce conflit meurtrier dès la signature des Accords de Munich, les 29 et 30 septembre 1938. Rappel historique.
Le 28 septembre 1938, le président du Conseil français, Edouard Daladier, annonce aux Français son départ pour Munich. La mobilisation a été faite depuis quelques jours en France, de même en Angleterre. La guerre est aux portes de l’Europe. Mais personne en France et en Angleterre n’a envie de la faire. Et c’est la Tchécoslovaquie, amputée des Sudètes par cet accord, qui sera sacrifiée sur l’autel d’une paix en sursis.
A Munich, ce 29 septembre, c’est autour d’un Hitler qui brandit l’ultimatum de la guerre que se réunissent Français et Anglais pour des négociations qui n’en sont pas vraiment, comme le souligne Georges-Marc Benamou, l’auteur du roman Le fantôme de Munich qui retrace de façon romancée cette réunion historique :
« Comment on négocie avec Hitler ? Ou plutôt comment on ne négocie pas avec Hitler finalement... Comment on se fait rouler. Et comment dans ces négociations internationales le diable se niche dans le détail d’une fortification qu’on va lâcher à cinq heures de l’après-midi parce qu’il est tard, dans le détail d’un mot qu’on emploie pour un autre parce que la traduction était trop hâtive et qu’on a perdu la version anglaise d’un mémorandum. Ca s’est réelllement passé ! Comment on se fait rouler dans la farine par finalement quelque chose qui était un piège. Le piège c’est d’avoir voulu Mussolini comme médiateur alors qu’évidemment il n’en était pas un. Le piège c’est que le propre ministre des Affaires étrangères français avait lui-même intrigué pour que Mussolini soit justement ce médiateur ! On voit bien l’exemple d’une très mauvaise négociation internationale... »
Marc Ferro est un des plus grands historiens français. Pour lui, Munich reste une épine dans le pied pour la France :
« Munich est une plaie ouverte dans la conscience nationale française, car nous avons parfaitement conscience que c’est la lâcheté des dirigeants français et même du peuple français dans son ensemble, qui a est à l’origine de l’abandon de la Tchécoslovaquie. Cela dit, d’après des lectures que j’ai faites, il semblerait bien que Beneš ait été contraint à céder, et qu’il a laissé les Anglais et les Français faire pression sur lui pour qu’il capitule afin de pouvoir dire à ses compatriotes que ce n’était pas de sa faute… Il y a eu un jeu très pathétique entre les dirigeants tchèques et français pour savoir qui lâcherait l’autre le plus vite et pour se justifier vis-à-vis de son opinion. C’est un moment honteux de l’histoire de la France, et depuis 1938, bien des dirigeants français ont voulu se racheter.
Il n’y a pas de doute que la mauvaise conscience de Munich est quelque chose qui a hanté les esprits français et que l’expédition de Suez en 1956, par Guy Mollet, s’est faite sous le drapeau de Munich, c’est-à-dire : ‘Nous avons vengé Munich !’ On a identifié Nasser à Hitler à juste titre ou pas, Israël à la petite Tchécoslovaquie, si vous relisez les journaux de l’époque, vous trouverez Guy Mollet dire : ‘Nous avons ressuscité les Tchèques’, en ayant sauvé Israël de la destruction par les Arabes à l’époque.
Mais ce qu’on ne sait peut-être pas suffisamment à Prague et que les Français ne savent pas non plus, c’est que Hitler était furieux des Accords de Munich. Nous avons cru qu’il était ravi puisqu’il avait obtenu un certain nombre de concessions, mais en fait il était furieux – c’est ce que j’ai montré dans mon dernier livre ‘Ils étaient sept hommes en guerre’, où j’ai trouvé dans les archives des documents intéressants. Pourquoi il était furieux ? Parce qu’il avait dû négocier ! Et pour montrer la supériorité du peuple allemand, c’était une victoire obtenue au coup de force. Sa grande joie à lui, ça n’a pas été Munich, ça a été l’occupation de Prague en mars 1939, parce que là, les Français se sont couchés, les Anglais aussi, les Russes n’ont pas bougé et il a fait un coup de force en quelque sorte. Ça lui était beaucoup plus agréable car ça lui permettait d’incarner la puissance allemande et la supériorité de la race. N’oubliez pas qu’Hitler est avant tout un raciste. » Petr Pithart est le vice-président du Sénat tchèque. L’American Freedom Alliance, un think-tank basé à Los Angeles, vient de lui décerner le Prix Masaryk à l’occasion de cet anniversaire. Pour Petr Pithart, 70 ans plus tard, Munich continue d’être un poids pour les Tchèques :« Pour moi, nous subissons toujours les conséquences de Munich et c’est toujours une question vivante, quelles que soient les réponses qu’on y trouve. Je suis persuadé que tant que cela nous fera souffrir, c’est-à-dire qu’on est capable de se poser la question de notre existence, de savoir ce qu’on est prêt à sacrifier pour la liberté, eh bien, si ces questions continuent de nous agiter aujourd’hui, c’est une bonne nouvelle. »
70 ans plus tard, la question de Munich est toujours ouverte pour les Tchèques. Ne serait-ce qu’en raison de la question de l’expulsion après guerre de milliers d’Allemands des Sudètes de Tchécoslovaquie, sans distinction. Pour l’historien Marc Ferro, le règlement de cette question ne pourra s’effectuer que par le biais de compensations, seule façon de, peut-être, un jour tourner la page du ressentiment.