« Jamming » : l’art des personnes atteintes de maladies mentales mis à l’honneur au DOX
Pourquoi fermer des portes quand on peut en créer de nouvelles ? C’est le principal message de « Jamming », une collection de toiles exposée au DOX à Prague, jusqu’au 1er mai. Pendant deux ans, des peintres handicapés mentaux, notamment issus de l’ONG tchèque Inventura, ont rencontré des artistes professionnels et des étudiants de l’Académie des beaux-arts de Prague pour mettre sur pied un projet collectif et innovant. Rencontre avec Mirek Kaufman, un des artistes peintres à l’initiative de l’exposition, qui nous explique comment tout a commencé :
Le concept de « Jamming » (‘improvisation’ ou ‘bœuf’, en français), vient de la musique jazz. Lors de séances musicales improvisées, plusieurs artistes se retrouvent et laissent leur spontanéité s’exprimer pour produire une musique libre, mais fidèle aux standards du jazz. Pour Mirek Kaufman, cette improvisation musicale peut être transposée en peinture, comme le montre le travail de ces artistes handicapés mentaux. Il détaille :
« C’est un jeu qui est basé sur l’intuition, sur la capacité d’agir vite et de prendre des décisions rapides. C’est cela qui est très important. Parce qu’on ne peut pas s’arrêter et réfléchir pendant des heures, c’est un jeu où l’acte même de peinture dure à peu près deux ou trois heures. Nous nous réunissons pour une séance de deux ou trois heures. Les grandes toiles sont même faites en l’espace de trois heures par exemple. C’est cela qui est assez surprenant. »
Mirek Kaufman nous confie toutefois qu’il devait souvent superviser les artistes handicapés, pour les empêcher de tout effacer. Ces créateurs ont en effet tendance, une fois l’œuvre accomplie, à vouloir tout recommencer. C’est donc un travail spontané, mais contrôlé, qui a permis de peindre d’abord sur des petites, puis des grandes toiles. Une diversité d’approches dont Mirek se réjouit :« Je me suis aperçu que les personnes avec un handicap mental ont une sorte de retour cyclique de thèmes, de formes, de lignes, par exemple. Et nous, quand nous intervenons, nous donnons une nouvelle direction, on déstabilise un peu, comme je le disais, le système de création. Mais eux aussi, ils nous donnent d’autres directives dans notre travail et ainsi, nous nous enrichissons réciproquement. »
L’art brut représente la base théorique de ce projet. Ce mouvement artistique, inventé par Jean Dubuffet en 1945, définit l’art brut comme des œuvres exécutées par des « personnes indemnes de culture artistique », des artistes qui ne tombent pas dans les mimétismes de l’art classique ou à la mode, mais trouvent l’inspiration en eux. Cet art brut, Mirek Kaufman et son collègue Otto Kouwen l’ont décelé chez ces artistes handicapés mentaux, et c’est peut-être leur plus grande fierté :
« Traditionnellement, ce qu’on appelle ‘art brut’ a été une grande inspiration pour ces artistes. Et pour nous, le point de départ était de les amener à créer quelque chose ensemble, de ne pas les laisser dans leur petit coin, car ça se passe à peu près comme cela pendant les séances d’art-thérapie classiques. Et nous, comme nous avions des exigences artistiques un peu plus hautes, nous avons essayé de faire quelque chose de différent. »Dénonçant une société individualiste ou chaque artiste veut défendre ses propres projets, Mirek Kaufman désire ouvrir cette expérience d’improvisation au plus grand nombre. Deux ateliers seront ainsi organisés et ouverts à tous ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure. Le premier atelier aura lieu au DOX ce jeudi 23 mars à partir de 18h, et sera suivi d’une deuxième rencontre le 20 avril. Pour réserver, rendez-vous sur le site de DOX.