Jiri Dienstbier s'explique sur la situation des immigrés en France

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Les images sanglantes d'Amman, en Jordanie, dernière cible des terroristes, ont succédé, à la une des quotidiens tchèques, aux reportages sur les quartiers sensibles des grandes villes françaises. Pourtant, l'actualité française demeure, pour ainsi dire, d'actualité en République tchèque. On s'en aperçoit même dans la rue, dans les magasins ou dans les salles d'attente, où les violences urbaines en France sont devenues, ces derniers jours, le sujet de conversation numéro un...

Peu habitués à vivre le multi-culturalisme au quotidien, les Tchèques pourraient devenir, sous l'influence de ces émeutes, encore plus méfiants envers les immigrés, comme l'estime le sociologue Jan Hartl. Interrogé par le journal Mlada fronta Dnes, il a dit : « Ce sont toujours les émotions irrationnelles qui font monter en puissance la xénophobie. Les menaces réelles, fondées sur une expérience personnelle, ne sont jamais aussi importantes aux yeux de la population que celles qu'elle s'imagine, en fonction de ce qu'elle apprend par ouï-dire. Il faut donc expliquer aux gens ce qui ce passe et pourquoi. »

Difficile, pourtant, de trouver une explication claire et nette au phénomène vu, certes, sous un angle tchèque, et ce même pour une personne érudite. Jiri Dienstbier, premier ministre tchécoslovaque des Affaires étrangères après 1989 et, actuellement, un des responsables de l'indépendance de l'agence de presse Reuters, est une des rares personnalités publiques dans le pays à s'être exprimé sur l'actualité française. Il a dit à Radio Prague :

Jiri Dienstbier
« Vous savez, d'après ce que nous en savons, pour l'instant, et cela concerne aussi les Pays-Bas, l'Angleterre et peut-être d'autres pays encore, c'est un problème lié à une attitude libérale vis-à-vis de l'immigration. Les premiers immigrés ont été heureux de pouvoir s'installer dans ces pays, d'échapper à la misère, aux régimes terroristes. Et ils se sont parfaitement intégrés à la société qui les a accueillis ! Mais leurs enfants et petits-enfants qui sont, eux, Français, Anglais ou Néerlandais et qui ont grandi dans les banlieues, ne savent pas s'intégrer. Si la politique d'immigration a été libérale, il faut aujourd'hui faire des efforts pour que ces jeunes puissent se sentir valorisés. »

Ce qui n'est évident ni en France ni, d'une certaine manière, en République tchèque, admet Jiri Dienstbier :

Photo: CTK
« Dans notre époque trop médiatisée, marquée par l'influence de la télévision, d'Internet et je ne sais quoi encore, c'est un défi énorme et personne ne sait très bien comment remédier à ce problème des jeunes. Car si, dans leurs ghettos, ils ne font que regarder les programmes des chaînes de télévisions arabes au caractère incendiaire... et si leurs copains à Prague, Bruxelles ou Berlin voient à leur tour à la télé les banlieues françaises en flammes... Cela me fait penser à Shimon Perez, qui disait que la télévision pourrait être un bon outil démocratique, mais que, au contraire, elle rend la démocratie impossible... »

D'après Jiri Dienstbier, les principaux groupes d'immigrés en République tchèque, qu'il s'agisse des ressortissants de l'ex-URSS, des Slovaques ou des Polonais, arrivent facilement à s'intégrer à la société majoritaire et ne représentent presque aucun danger. Tandis que le sociologue Jan Hartl, lui, met en garde contre une éventuelle montée de tension au sein de la communauté rom qui, en dépit de nombreux programmes de soutien mis en place par les gouvernements tchèques, continue à se sentir marginalisée...

Auteur: Magdalena Segertová
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