La collection d’art brut de Hans Prinzhorn à Prague

August Natterer, 'Mes yeux dans le temps de l'apparition', 1911-13

C’est notamment grâce aux efforts de Terezie Zemánková que l’art brut s’est frayé un chemin dans les galeries en République tchèque. Terezie Zemánková, nous l’avions rencontrée dans Culture sans frontières, à l’occasion d’une exposition, en Suisse, des œuvres de sa propre grand-mère. Il y a trois ans, elle a organisé l’exposition de la collection d’art brut de Bruno Demarche à la Maison à la Cloche de Pierre, place de la Vieille-Ville, aujourd’hui, elle a co-organisé l’exposition de la collection d’art brut de Hanz Prinzhorn.

« Hanz Prinzhorn était psychiatre et historien d’art allemand. Il a rassemblé une collection qui porte aujourd’hui son nom. Il l’a rassemblée en deux ans seulement, entre 1919 et 1921. Il a rassemblée environ 5000 oeuvres de 450 artistes ou créateurs issus de plusieurs cliniques psychiatriques. »

Comment est-il venu à s’intéresser à cette forme d’art qu’on dit « brut » ?

« On le dit ‘brut’ aujourd’hui, mais à l’époque c’était juste la création des malades mentaux. C’était grâce à ses études d’histoire de l’art. Il a été un des premiers à appliquer des critères esthétiques à la création des malades mentaux. »

Alors, on ne le voit pas trop dans cette salle, mais ce qui est frappant chez ces artistes, quand on regarde leur parcours, leur biographie et qu’on lit l’analyse de leurs œuvres, c’est qu’on retrouve chez nombre d’entre eux une forme de mysticisme, de religiosité...

« Oui, c’est vrai. Une partie des artistes d’art brut a tendance à se créer un monde parallèle qui leur permet de survivre. Ca veut dire qu’ils créent aussi leur propre dieu ou leur propre histoire, géographie, où ils se sentent eux-mêmes comme des dieux, comme des créateurs du monde... »

Ce qui est particulier pour ces artistes de la collection, mais je suppose pour d’autres également, c’est le contexte dans lequel ils s’inscrivent. Certaines de ces oeuvres, exposées ici, ont également été présentées dans le cadre d’une exposition très particulière. C’était en 1937, et c’était à Munich. Pouvez-vous nous rappeler de quelle exposition il s’agissait ?

« Cette exposition s’appelait ‘Entartete Kunst’, c’est-à-dire, l’art dégénéré. Cette exposition a été organisée par Joseph Goebbels et la propagande nazie, pour montrer que l’art moderne était pervers, dégénéré, malade. Pour soutenir cette idée, ils ont emprunté une partie de la collection Prinzhorn pour montrer grâce aux similitudes qui existaient entre l’art moderne et l’art des malades mentaux, que l’art moderne était aussi malade... »