La diplomatie tchèque a rendez-vous à Prague

La conférence des ambassadeurs, photo: Twitter de CzechMFA

L’événement marque traditionnellement la rentrée politique tchèque : depuis lundi et jusqu’à vendredi sont réunis à Prague les ambassadeurs et ambassadrices tchèques. L’occasion pour le Premier ministre Andrej Babiš (ANO) et pour le chef temporaire de la diplomatie Jan Hamáček (ČSSD) d’affiner les contours de la politique étrangère du pays, avec pour constantes l’hostilité à l’immigration en même temps que l’attachement à l’Union européenne.

L'importance de l'UE

Andrej Babiš et Jan Hamáček,  photo: Michal Krumphanzl/ČTK
Au palais Černín, siège du ministère des Affaires étrangères, le chef du gouvernement a d’ailleurs inauguré lundi la conférence des ambassadeurs en affirmant que la ligne politique suivie par Prague en matière de politique étrangère était, malgré les apparences, très claire :

« On entend parfois l’idée selon laquelle nous n’aurions pas de politique étrangère. C’est évidemment un non-sens, puisque nous sommes dans les faits une partie solide de l’Occident, nous sommes un membre de l’Union européenne et nous sommes un allié au sein de l’OTAN. »

A l’heure des négociations sur le Brexit, Andrej Babiš a donc insisté devant les ambassadeurs sur l’importance de l’appartenance de la Tchéquie à l’Union européenne, en n’omettant pas toutefois quelques critiques à l’égard de Bruxelles :

« Quand quelqu’un parle de ‘Czexit’, il menace en fait notre futur. Entre 82 et 83 % de nos exportations se font vers l’Union européenne. […] Mais l’Union européenne devrait retourner à ses fondamentaux, c’est-à-dire à ses vocations initiales d’un continent sûr et prospère fondé sur le marché unique. »

L'hostilité à l'immigration

L’autre orientation audible de la politique tchèque ces dernières années, en lien notamment avec les pays du groupe de Visegrád, c’est l’opposition radicale à l’accueil des réfugiés. Andrej Babiš l’a d’ailleurs répété : « Je ne veux pas accueillir même un seul migrant », ce qui ne sera pas très compliqué dans un pays qui n’en a accueilli que douze depuis 2015 dans le cadre du programme de relocalisation des migrants arrivés en Italie et en Grèce. Selon le Premier ministre, cela sera le thème majeur des élections européennes prévues pour mai 2019 :

« Il faut arrêter complètement l’immigration au niveau de ces Etats, la Grèce, l’Italie, l’Espagne et Malte. Nous devrions négocier avec les pays du nord de l’Afrique, y appliquer le modèle de la Turquie et avoir un plan Marshall pour l’Afrique. »

Jan Hamáček,  photo: Twitter de CzechMFA
C’est le discours que M. Babiš doit tenir ce mardi lors d’un déplacement en Italie, où il rencontre son homologue, Giuseppe Conte, à la tête d’un gouvernement d’extrême-droite et qui partage des positions semblables.

A la conférence des ambassadeurs, le ministre temporaire des Affaires étrangères, le chef des sociaux-démocrates Jan Hamáček a d’ailleurs enfoncé le clou sur la nécessité de limiter l’émigration dans les pays de départ :

« Notre objectif principal et notre intérêt principal est de lutter contre les causes qui poussent à l’émigration, qu’il s’agisse des conflits armés, du changement climatique ou simplement de la recherche d’une vie meilleure à l’Ouest. Nous devrions donner aux habitants des pays ‘sources’ des perspectives de mener une vie digne. »

Quel ministre des Affaires étrangères pour la Tchéquie ?

Si les dirigeants tchèques ont bien accordé leurs violons pour la conférence des ambassadeurs, il reste un souci à régler. Jan Hamáček, déjà ministre de l’Intérieur, ne devrait diriger la diplomatie tchèque que temporairement, alors que le véritable candidat social-démocrate, l’eurodéputé Miroslav Poche, s’est vu refuser l’accès au poste en raison de l’opposition du chef de l’Etat Miloš Zeman. Mais pour Andrej Babiš, le feuilleton politique qui pollue son gouvernement depuis sa formation au début de l’été ne serait pas bien grave :

La conférence des ambassadeurs,  photo: Twitter de CzechMFA
« Je le répète à nouveau : je ne vois pas là de problème dramatique. M. Hamáček s’est engagé à le résoudre. Je pense que notre direction de la politique étrangère est bonne. »

Les sociaux-démocrates, quant à eux, tiennent toujours à voir M. Poche prendre la tête du ministère des Affaires étrangères. Leur direction se réunit pour statuer sur le sujet vendredi, alors que s’achèvera la conférence des ambassadeurs.